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20.juillet.202220.7.2022 // Les Crises

Non, la hausse des prix n’est pas due à la hausse des salaires

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Ce n’est pas la hausse des salaires des travailleurs qui est à l’origine de l’inflation galopante, mais les profits des entreprises.

Source : Jacobin Mag, Grace Blakeley
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Les politiciens et les technocrates appartenant à tout l’éventail politique du Royaume-Uni se sont permis de réprimander les travailleurs qui réclamaient des augmentations de salaire afin de suivre l’inflation. (Images Money / Flickr)

 

Ces appels à la modération salariale étaient déjà intolérables lorsqu’ils émanaient du directeur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, qui gagne plus d’un demi-million de livres par an. Aujourd’hui, Boris Johnson – dont on sait qu’il trouve si difficile de survivre avec un salaire de Premier ministre de 190 000 euros par an qu’il a dû demander à un donateur conservateur de lui acheter de nouveaux rideaux – est entré dans la danse.

Johnson a mis en garde contre une « spirale salaires-prix » si les travailleurs ne modèrent pas leurs exigences salariales – comme l’ont fait plusieurs députés conservateurs et même travaillistes. Des politiciens bien payés qui ont voté à plusieurs reprises pour augmenter leurs propres salaires tout en maintenant ceux des infirmières et des enseignants à un bas niveau, disent maintenant au reste du pays de ne pas demander d’augmentation de salaire. Le spectacle pourrait être drôle s’il n’était pas aussi élitiste.

Le Parti conservateur n’a pas semblé avoir de problème quand il s’agissait de distribuer des milliards de livres en prêts et subventions aux mega – entreprises qui avaient besoin de soutien pendant la pandémie. Et ce, après plusieurs années de bénéfices élevés pour les plus grandes entreprises du Royaume-Uni, en partie grâce aux réductions drastiques de l’impôt sur les sociétés introduites par George Osborne.

Dans le même temps, au cours de la décennie qui a suivi la crise financière, le travailleur moyen au Royaume-Uni n’a pas reçu d’augmentations de salaire dignes de ce nom, laissant le Royaume-Uni avec l’une des plus faibles performances en matière de croissance des salaires au sein de tous les pays de l’OCDE. Aujourd’hui, avec la hausse des coûts de la vie, des millions de familles se retrouvent dans l’incapacité de chauffer leur maison.

Les taux de syndicalisation ayant baissé presque chaque année depuis la fin des années 1970 (avec un redressement notable ces dernières années), les travailleurs de la plupart des secteurs ne sont tout simplement pas en mesure d’exiger des salaires plus élevés. Ceux qui sont davantage syndiqués – notamment dans le secteur public – continuent de limiter leurs exigences à des augmentations de salaire correspondant à l’inflation. C’est une autre façon de dire qu’ils tentent de se protéger contre les réductions de salaire.

Les statistiques montrent très clairement que la crise du coût de la vie n’est pas provoquée par les travailleurs qui réclament des salaires plus élevés. La combinaison de la guerre en Ukraine et des perturbations des chaînes d’approvisionnement qui ont eu lieu pendant le grand confinement sont les principaux facteurs expliquant la hausse des prix. Comme je l’ai soutenu dans La Tribune la semaine dernière, la crise du transport maritime mondial est un facteur particulièrement important quand on veut expliquer pourquoi les prix ont tant augmenté au cours des dernières années.

Mais le problème ne réside pas seulement dans les changements macroéconomiques qui échappent à notre contrôle – il s’agit aussi des profits réalisés par les grandes entreprises en réponse à l’environnement inflationniste.

Les niveaux de concentration du marché n’ont cessé d’augmenter au Royaume-Uni ces dernières années, et les secteurs monopolistiques et oligopolistiques ont connu des hausses de prix plus importantes pendant la pandémie que les secteurs plus compétitifs. Ces sociétés se servent de l’augmentation des prix à l’échelle de l’économie comme d’une excuse pour augmenter leurs prix dans une proportion bien supérieure à l’augmentation de leurs coûts. En d’autres termes, une grande partie de la hausse des prix est due à l’augmentation des bénéfices et non à celle des salaires.

Toujours et partout l’inflation est un phénomène politique – il s’agit de savoir qui paie. Le gouvernement actuel veut faire payer aux travailleurs la crise du coût de la vie, tout comme il leur a fait payer la pandémie et la crise financière qui l’a précédée.

L’approche impitoyable du gouvernement face à la crise du coût de la vie est précisément la raison pour laquelle il est si important que les travailleurs se syndiquent. Les travailleurs ne peuvent pas compter sur les patrons pour leur accorder des augmentations de salaire « équitables » par intérêt personnel éclairé, ni sur le gouvernement pour soutenir la reprise. Ils doivent exiger le salaire qu’ils méritent en étant en position de force.

La réaction tant du parti travailliste que du parti conservateur aux récentes grèves ferroviaires montre très clairement à quel point les politiciens se sentent menacés par les travailleurs qui osent s’organiser pour défendre leurs intérêts. Dans les secteurs largement syndiqués, les patrons ne peuvent tout simplement pas transférer les coûts de la hausse des prix sur le personnel faiblement rémunéré – ils doivent négocier avec les gens qu’ils tentent d’exploiter.

Ce gouvernement – et la plupart des politiciens de l’opposition – aimerait bien que les travailleurs s’assoient et se taisent devant la chute des salaires réels. Mais ils ont une autre option : ils peuvent aussi s’organiser.

Contributeurs :

Grace Blakeley est rédactrice à La Tribune et l’auteur de Stolen : How to Save the World from Financialisation [Spoliés : comment sauver le monde de la financiarisation, NdT].

Source : Jacobin Mag, Grace Blakeley, 18-06-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Daniel // 20.07.2022 à 09h03

« La hausse des prix est due à l’augmentation des bénéfices et non à celle des salaires. »
Je dirai même plus : le problème est l’augmentation des bénéfices financiers qui ne retournent pas à l’économie physique réelle (là où il y a des gens, des entreprises, des écoles, hôpitaux, des services à la personne …).
Les bénéfices sont orientés dans du vent : les actionnaires / placements financiers tel que les paradis fiscaux / spéculations.
Cela a été possible à partir de 1971 où le « Dollar a été aussi bon que l’or », ce qui fait qu’il n’y a plus eu de lien physique à la monnaie. De là, de nombreuses spéculations ou jeux financiers se sont créés au-dessus de l’économie, la parasitant de plus en plus. C’est un peu comme un tique sur un chien, au début, le tique était petit, cela ne génait pas le chien … par contre, aujourd’hui, le tique est plus de 10 fois plus gros que le chien, et là ça pose problème car le tique mange directement sur la bête et l’affaiblit.
Je me pose la question si aujourd’hui, nous ne serions pas à la fin de ce monopole du dollar et donc pourquoi pas à une possible réforme du système mondial qui pourrait éliminer ce parasite financier ?
Certaines déclarations des BRICS vont dans ce sens à mon avis : remplacer le système actuel basé sur le dollar, devenu totalement instable et soumis aux caprices de Washington.

10 réactions et commentaires

  • Daniel // 20.07.2022 à 09h03

    « La hausse des prix est due à l’augmentation des bénéfices et non à celle des salaires. »
    Je dirai même plus : le problème est l’augmentation des bénéfices financiers qui ne retournent pas à l’économie physique réelle (là où il y a des gens, des entreprises, des écoles, hôpitaux, des services à la personne …).
    Les bénéfices sont orientés dans du vent : les actionnaires / placements financiers tel que les paradis fiscaux / spéculations.
    Cela a été possible à partir de 1971 où le « Dollar a été aussi bon que l’or », ce qui fait qu’il n’y a plus eu de lien physique à la monnaie. De là, de nombreuses spéculations ou jeux financiers se sont créés au-dessus de l’économie, la parasitant de plus en plus. C’est un peu comme un tique sur un chien, au début, le tique était petit, cela ne génait pas le chien … par contre, aujourd’hui, le tique est plus de 10 fois plus gros que le chien, et là ça pose problème car le tique mange directement sur la bête et l’affaiblit.
    Je me pose la question si aujourd’hui, nous ne serions pas à la fin de ce monopole du dollar et donc pourquoi pas à une possible réforme du système mondial qui pourrait éliminer ce parasite financier ?
    Certaines déclarations des BRICS vont dans ce sens à mon avis : remplacer le système actuel basé sur le dollar, devenu totalement instable et soumis aux caprices de Washington.

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    • Grd-mère Michelle // 20.07.2022 à 16h22

      Votre comparaison de la finance avec les tiques est très juste (sauf que « tique » est un nom commun féminin…).
      Et la « crise sanitaire », tout comme la « crise énergétique », sont les arbres qui cachent la forêt des monstrueux déséquilibres causés par l’avidité des « investisseurs » égoïstes et bornés que chacun-e de nous peut devenir par l’intermédiaire de sa banque.

      À la question: »… aujourd’hui…pourquoi pas une possible réforme du système mondial qui pourrait éliminer ce parasite financier? », il me semble qu’une profonde transformation des mentalités serait nécessaire pour la rendre possible(et qu’on peut constater une ébauche de cette transformation dans la générosité des actes et des discours de multiples mouvements citoyens).
      Car « un système » (politique et/ou économique) n’est pas une entité en soi, juste une addition de volontés/passivités individuelles.

        +4

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  • Patrick // 20.07.2022 à 11h05

    Les prix ne montent pas c’est la valeur de la monnaie qui baisse constamment parce que les banques centrales en ont imprimé jusqu’à plus soif, pour le plus grand plaisir des gouvernements qui espèrent diluer leurs dettes dans cette marée de billets et dans l’inflation qui va avec.
    Tout le pognon imprimé a été injecté dans le monde financier au détriment de l’économie réelle mais il va bientôt revenir à sa valeur réelle , soit zéro. Et tout coûtera encore bien plus cher en terme de monnaie.

    Dans une économie comme la notre qui importe la plus grande partie de ce qu’elle consomme , l’augmentation des salaires chez nous n’aggravera pas l’inflation puisque les salaires ne représentent pas la plus grosse partie des coûts.
    Par contre , en France nous avions un gros problème de compétitivité vis à vis de l’Allemagne à cause d’un mauvais calcul de parité en passant à l’euro , différentiel de 20% en faveur de l’Allemagne , donc l’inflation généralisée en Europe sans augmentation des salaires et autres coûts peut nous permettre de combler ce différentiel . La crise énergétique peut aussi nous aider à condition d’ête bien gérée en France , ce qui semble illusoire.

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    • 6422amri // 20.07.2022 à 14h06

      Le quoi qu’il en coute a évité la faillite de milliers d’entreprises pendant la pandémie et l’apparitionde millions de chômeurs en plus.

      Les dettes de l’état français comme les dettes us ou les autres ne seront JAMAIS remboursées, ce qui compte c’est de payer les intérêts. Vous faites un défaut sur votre dette quand vous ne payez plus le coupon d’intérêt à la date fixée, ce qui vient d’arriver à la Russie, à Gazprom a ta la Bielorussie (eurobonds).

      Le succès de l’Allemagne N’A RIEN a voir avec un différentiel de 20 % (d’ou tenez-vous ce chiffre ?) mais tout à voir avec les réformes industrielles menées par l’Allemagne dès la fin des années 1970. son réseau de PME qui exportent mondialement, des produits exceptionnels, son système d’éducation identique à la Suisse, son taux de productivité, le consensus social entreprise/salarié/syndicat.

      La France n’a pas un problème de compétitivité vis à vis de l’Allemagne mais un problème industriel. Depuis la fin des années 1970, tous les gouvernements en France ont choisi les services,

      Quand votre économie est basée sur les services augmenter les salaires augmente réellement les prix et pour les plus pauvres d’abord. J’écoute aussi ceux qui nous parlent d’augmenter le smic et les salaires,de relancer la consommation et donc l’utilisation de tout et qui de même souffle nous parlent de l’urgence écologique..

      je vous signale quand-même que la France reste le 5 ième exportateur mondial…

      Votre thèse sur l’inflation pour combler le différentiel de compétitivité (qui n’existe pas) me laisse de glace.

        +0

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      • jp // 20.07.2022 à 14h35

        « parlent d’augmenter le smic et les salaires,de relancer la consommation  »

        allez faire la queue aux restos du coeur ou autre asso, vous verriez.

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      • Patrick // 20.07.2022 à 14h41

        différentiel avec l’Allemagne : chiffres du FMI
        Il suffit de regarder l’évolution des industries Allemandes , Françaises et autres pays du Sud depuis l’arrivée de l’Euro. L’Allemagne est en train de pomper la richesse des autres pays. Avec un peu de chance ( et des dirigeants compétents , mais là on est mal ) , la crise du gaz pourrait être l’occasion de briser l’industrie Allemande pour retrouver notre compétitivité.

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      • Patrick // 20.07.2022 à 15h06

        France-Allemagne , c’est même presque 25%

        Si on ajoute le poids de l’état , notre compétitivité est au fond du trou

        https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/07/28/20002-20170728ARTFIG00249-l-euro-est-trop-fort-de-68-pour-la-france-et-trop-faible-de-18-pour-l-allemagne-selon-le-fmi.php

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      • Grd-mère Michelle // 21.07.2022 à 15h15

        « …la France reste le 5ème exportateur mondial. »
        Pas de quoi être fier, car, évidemment, plus on exporte et plus on doit importer, étant donné que les forces vives sont consacrées à la production des produits d’exportation, et non à la production des produits de base indispensables au bien-être de tou-te-s les citoyen-ne-s.
        Si l’exportation favorise la prospérité (de quelques-un-e-s, individus ou Nations) sur papier(ou sur écran), elle contribue largement à l’asservissement et à la perte de sens du plus grand nombre(ce que les « dirigeants », chinois par exemple, savaient parfaitement en entreprenant leur « guerre commerciale » et la construction des « routes de la soie »- qui ne datent pas d’hier!).
        Tous les empires se sont étendus grâces aux infrastructures de transport (je peux encore vous montrer des « chaussées romaines » dans le riche pays wallon), notamment des troupes vindicatives.

        En plus, l’import-export, fer de lance du commerce(qui s’est fondé sur le TRANSPORT de marchandises rares et lointaines), s’est avéré, avec la sur-production de milliards de brols superflus, inutiles et grotesques, trimballés d’un bout à l’autre du monde, le pire pollueur qui détruit les conditions minimales de notre vie sur terre.

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        • Patrick // 21.07.2022 à 15h24

          Au niveau des échanges commerciaux , nous sommes en déficit d’environ 100 milliards d’euros , à ce rythme nous allons très rapidement nous appauvrir.
          Les importations sont vitales pour l’énergie et les matières premières , nous devons donc exporter pour les payer.

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  • Zaza // 20.07.2022 à 11h25

    Loi pouvoir d’achat cette dernière nuit, 19 juillet 2022 : Chocking sur une augmentation générale des salaires !
    Et pour les députés macronistes, droite, FN.
    Comme le Royaume-Uni . Enfin, beaucoup moins caché qu’une France sous UE.
    Merci pour ce texte

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