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17.juin.202417.6.2024 // Les Crises

Nouvelles preuves de l’implication des Saoudiens dans les attentats du 11 septembre : la fin du pacte de sécurité ?

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De nouvelles preuves montrent que certains responsables du gouvernement saoudien ont été plus impliqués dans les attentats du 11 Septembre que ce que l’on savait jusqu’à présent. Selon un nouveau dossier déposé dans le cadre d’un procès intenté par les familles des victimes du 11 Septembre, les agents d’Al-Qaïda ont reçu un soutien important de la part de membres du gouvernement saoudien lors de la préparation des attentats.

Source : Responsible Statecraft, Daniel Larison
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Comme l’expliquent Daniel Benjamin, président de l’Académie américaine de Berlin, et Steven Simon, membre du Quincy Institute, dans un nouvel article publié dans The Atlantic, les plaignants affirment que les responsables saoudiens « n’étaient pas des opérateurs malhonnêtes, mais plutôt la tête de pont d’une conspiration qui incluait l’ambassade saoudienne à Washington et de hauts responsables du gouvernement de Riyad ». Si ces allégations sont fondées, cela aura des conséquences importantes sur notre compréhension des attentats et du fonctionnement des groupes terroristes internationaux, et donnera aux Américains une raison supplémentaire de remettre en question la sagesse d’un pacte de sécurité avec l’Arabie saoudite aujourd’hui.

Des preuves de collusion entre des responsables saoudiens et les pirates de l’air du 11 Septembre avaient déjà été révélées par le passé, mais comme le soulignent Benjamin et Simon, les nouvelles preuves suggèrent que les actions entreprises par deux responsables saoudiens travaillant aux États-Unis pour soutenir les pirates de l’air étaient « délibérées, soutenues et soigneusement coordonnées avec d’autres responsables saoudiens ». Si cela est vrai, l’incapacité de notre gouvernement à tenir les Saoudiens pour responsables du rôle de leurs fonctionnaires dans les attentats est inexcusable. Cela rend encore plus répugnante la complaisance des administrations successives à l’égard de l’Arabie saoudite au cours des deux dernières décennies.

Comme on pouvait s’y attendre, le gouvernement saoudien nie les allégations, mais c’est ce que Riyad fait toujours lorsque des accusations crédibles d’actes répréhensibles sont portées contre lui. Dans les semaines qui ont suivi le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi en 2018, le gouvernement saoudien a affirmé qu’il ne lui avait rien fait et a même utilisé un sosie mal déguisé pour promouvoir une fausse histoire selon laquelle il avait volontairement quitté le consulat d’Istanbul. Le gouvernement saoudien a régulièrement nié sa responsabilité dans les frappes aériennes sur des cibles civiles au Yémen, alors que ses forces étaient les seules à pouvoir les lancer. Les démentis saoudiens ne comptent pas pour grand-chose, et je ne parierais pas non plus sur leur véracité dans cette affaire.

Benjamin et Simon démontrent avec force que les preuves d’une implication saoudienne plus profonde dans les attentats du 11 Septembre discréditent la réponse militarisée de Washington à la « guerre contre le terrorisme ». Le fait d’imaginer qu’Al-Qaïda ait pu mener des attaques aussi spectaculaires sans le soutien d’un État et d’un réseau de soutien à l’intérieur des États-Unis a encouragé les décideurs politiques à se laisser aller à une hyperinflation de la menace qui a transformé le terrorisme d’un problème réel mais gérable en la menace déterminante de l’époque. Si les États-Unis avaient mieux compris comment les attaques se sont produites, Benjamin et Simon suggèrent : « Nous aurions pu avoir la confiance nécessaire pour quitter l’Afghanistan rapidement, au lieu de nous y attarder pendant 20 ans. » Les États-Unis n’auraient pas non plus eu de raison de s’engager dans des conflits en Afrique au nom de la lutte contre le terrorisme.

S’il est vrai que « l’Arabie saoudite de 2001 n’existe plus », comme l’affirment Benjamin et Simon, les preuves d’une importante complicité officielle saoudienne dans les pires attaques terroristes de l’histoire américaine doivent être prises en compte lorsque l’on s’interroge sur l’avenir des relations américano-saoudiennes. Si des éléments d’un autre gouvernement étaient impliqués dans une attaque majeure contre les États-Unis, il est douteux que nos dirigeants politiques envisageraient aujourd’hui l’idée de leur donner une garantie de sécurité et une technologie nucléaire, comme cela est suggéré dans le cadre d’un nouvel accord entre les États-Unis et l’Arabie saoudite. Il existe déjà de nombreuses raisons pour lesquelles le pacte de sécurité et l’accord nucléaire proposés par l’administration Biden avec Riyad ne sont pas souhaitables pour les États-Unis, mais les preuves de l’implication plus profonde des Saoudiens dans les attentats du 11 Septembre devraient rendre l’idée tellement radioactive sur le plan politique que personne ne voudra avoir quoi que ce soit à faire avec elle.

Malgré la guerre à Gaza, l’administration Biden est toujours déterminée à poursuivre un accord de normalisation avec l’Arabie Saoudite et Israël. De nombreux rapports récents indiquent que les négociations sur la partie américano-saoudienne du « méga-accord » sont sur le point d’être achevées. Les Saoudiens ont été heureux d’accepter un arrangement dans lequel les États-Unis leur offrent de nombreux cadeaux coûteux et où ils ne sont censés faire presque rien en retour. Comme c’est le cas depuis le début, la réticence d’Israël à faire de réelles concessions aux Palestiniens sur quoi que ce soit est le principal obstacle à la conclusion d’un accord plus large. Les États-Unis ne devraient pas participer à un accord dans lequel ils assument des charges supplémentaires sans rien gagner.

La fixation du président sur cet accord a déconcerté de nombreux experts en politique régionale et étrangère, qui ne comprennent pas pourquoi les États-Unis consacrent autant de temps et d’énergie à une initiative qui ne résoudra aucun des problèmes de la région. L’une des explications est que l’administration pense que cela permettra aux Saoudiens de s’aligner plus étroitement sur les États-Unis dans le cadre de la rivalité avec la Chine, mais cela n’a pas beaucoup de sens. Les Saoudiens continueront à renforcer leurs liens commerciaux avec la Chine, quoi que leur donnent les États-Unis. Une autre explication est que le président considère qu’un accord israélo-saoudien est aussi dépassé que son approche de la région dans son ensemble et qu’il pense qu’il sera du même ordre que les accords de Camp David. L’explication la plus simple est peut-être que Biden souhaite surpasser Trump en faisant des faveurs à Israël.

Quelle qu’en soit la raison, les États-Unis risquent de payer un prix inacceptable pour tout accord. En tout état de cause, notre gouvernement ne devrait pas chercher à se lier plus étroitement aux Saoudiens. Les dernières révélations sur une éventuelle plus grande complicité saoudienne dans les attentats du 11 Septembre devraient être la goutte d’eau qui fasse déborder le vase et mette un terme à toute discussion sur un pacte de sécurité avec Riyad.

Daniel Larison est chroniqueur régulier à Responsible Statecraft, rédacteur en chef adjoint à Antiwar.com et ancien rédacteur en chef du magazine The American Conservative. Il est titulaire d’un doctorat en histoire de l’université de Chicago. Il écrit régulièrement pour sa lettre d’information, Eunomia, sur Substack.

Source : Responsible Statecraft, Daniel Larison, 24-05-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Sylphe // 17.06.2024 à 09h07

C’est rigolo. Au moment où les Saoudiens dans les bricks abandonnent le dollar, voilà que l’on découvre de nouveaux méfaits…. c’est comme une personne qui donne sa démission au moment où on va la foutre dehors !
[modéré]

19 réactions et commentaires

  • Sylphe // 17.06.2024 à 09h07

    C’est rigolo. Au moment où les Saoudiens dans les bricks abandonnent le dollar, voilà que l’on découvre de nouveaux méfaits…. c’est comme une personne qui donne sa démission au moment où on va la foutre dehors !
    [modéré]

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    • Pierrot // 17.06.2024 à 18h22

      Logiquement, ne serait-ce pas plutôt l’inverse (c’est-à-dire une personne qu’on fout dehors au moment où elle va donner sa démission) ?

      En l’occurrence, ce sont des Américains qui fournissent de nouvelles preuves de l’implication des Saoudiens au moment où ces derniers montrent leur volonté de s’éloigner du giron des États-Unis.

      Les événements ne suggèrent absolument pas que les Soudiens entreraient dans les BRICS et abandonneraient le dollar à cause de la divulgation de nouveaux éléments sur leurs responsabilités dans les attentats du 11 septembre. Ils suggèrent plutôt que les Américains pourraient faire ces révélations aujourd’hui parce que les Saoudiens se libèrent de leur influence.

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      • Lt Briggs // 18.06.2024 à 09h24

        « Ils suggèrent plutôt que les Américains pourraient faire ces révélations aujourd’hui parce que les Saoudiens se libèrent de leur influence

        Tout à fait. Les faits sont instrumentalisés selon les intérêts du moment une fois de plus. Afin de préparer un changement de politique, des faits largement connus des autorités et des spécialistes depuis le tout début sont distillés auprès du grand public. Parfois, les intérêts vitaux exigent au contraire qu’on taise certains actes. Que la Russie amorce un changement de politique étrangère suite à une révolution de palais, et le massacre de Boutcha disparaîtra aussi soudainement de l’agenda médiatique qu’il y est apparu. Ceux qui cherchent justice deviendront gênants et se heurteront alors au même mur d’indifférence que ceux qui tentent actuellement de dénoncer le carnage à Gaza.

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        • Linder // 18.06.2024 à 17h07

          Dans le documentaire « Fahrenheit 9/11 », réalisé par Michael Moore, et sorti en 2004, le problème du refus par l’administration des États-Unis d’explorer la piste saoudienne était déjà soulevé. Pendant ces 20 ans, ne voyaient pas que ceux qui avaient intérêt à ne pas voir …

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    • UnKnown // 19.06.2024 à 13h35

      Les preuves sont là depuis un bon moment (dès 2001 en fait, le FBI avait déjà des éléments qui pointaient la responsabilité directe de membres de la famille Saoud dans le financement des cellules qui ont organisées le 11 Septembre). Les documents déclassifiés sous le mandat Trump ne faisaient que confirmer cela par ailleurs. Dans un silence assez assourdissant ET des media mainstream, ET des blogosphères altermondialistes/conspi…

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  • Bouddha Vert // 17.06.2024 à 09h21

    Pas de fausses pudeurs, l’amitié entre les nations se résume au mieux à des intérêts partagés, le reste c’est pour la galerie, la représentation continue…

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  • LeonidK // 17.06.2024 à 09h59

    Les bruits de fin du pétrodollar ne sont évidemment pas du tout corrélés à la « découverte » de ce dont Pierre Conesa parle depuis des années…

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  • Nadji Khaoua // 17.06.2024 à 10h11

    L’étrangeté de cette analyse, par ailleurs remarquable, est que ces auteurs n’approfondissent pas plus sérieusement la principale question qui en découle :
    Comment comprendre que parmi les soupçonnés « organisateurs saoudiens » des attentats terroristes du 11/09, deux sont des diplomates de 1er rang basés à Washington même et avaient toutes leurs « entrées » auprès des principaux décideurs politiques, militaires et financiers de l’Etat US ?
    Cette question est la principale à poser. Elle oriente vers le vrai débat et la vraie direction sur l’émergence et l’instrumentation stratégique de l’islamisme politique et son bras, le terrorisme islamiste, par principalement the Rogue State US.
    L’histoire contemporaine du soutien à la création du premier parti politique islamiste, le parti des Frères Musulmans dirigé par Hassan El-bana en Egypte sous domination Anglaise, au Moyen-Orient
    nous l’enseigne.
    Oui, la vérité historique et la réalité stratégique liées à cette question combien détournée, instrumentalisée, désorientée exige au préalable une objectivité totale.

    Nadji Khaoua, pr.
    Philosophie de l’économie, prospectiviste,
    Indépendant.
    pr.nadjikh@gmail.com

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  • issam // 17.06.2024 à 20h09

    C’est de l’opportunisme pur et simple. Il a fallu attendre une éternité pour prendre une position qui aurait pu, il y’a quelques années, avoir une solidarité internationale sans limite. C’est fini, plusieurs voiles sont tombés et il y’a intérêt à jouer franc jeu.

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  • Koui // 17.06.2024 à 22h44

    Je croyais que c’était les talibans et Saddam Hussein qui avaient tout manigancé avec Ben Laden. Bientôt, on apprendra que tous les passeports des terroristes étaient faux. En fait, c’était des chinois déguisés en arabes. Les chinois sont fourbes, c’est bien connu (je blague, ne me mettez pas en prison pour anti-jaunisme).

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  • tchoo // 18.06.2024 à 16h10

    Le complotisme d’hier, serait-il la vérité de demain?
    parce que si l’Arabie saoudite, quid de l’évacuation des ressortissants effectué juste après les attentats, alors que l’espace aérien était fermé?

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  • Ke20 // 18.06.2024 à 22h24

    On peut demander aux saoudiens comment piloter un avion au ras du sol a 860km/h?
    Vu la prouesse ça peut être utile au monde entier non?

      +4

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    • UnKnown // 19.06.2024 à 13h42

      Démonstration….https://www.youtube.com/watch?v=Uiv6UvYnf3s
      Pas bien compliqué avec des commandes de vol électriques. Après ça doit secouer un peu dans la cabine.

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      • Ke20 // 19.06.2024 à 22h21

        860km/h ??? Ah effectivement ça doit sacrément secouer oui !

        J’n’ai ni compas ni radar ds l’œil mais je doute fortement que les avions des vidéos volent à 860km/h ( encore plus si on en croit les commentaires des dits pilotes d’avion sous la vidéo ) . Bon…

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        • UnKnown // 20.06.2024 à 00h12

          Ca n’a franchement rien de différent à part que les kamikaze du vol 77 ont décidé d’ignorer la limite V-max autorisée et de foutre la manette des gazs à fond. La sécurité quand on veut planter son avion dans un bâtiment, c’est pas vraiment la priorité.

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          • Ke20 // 20.06.2024 à 16h21

            La réponse de con oui
            La réponse de con à la réponse de con non…..

            On ne peut pas faire voler un avion de ligne aussi vite aussi bas ! Qd on parle sur ce site d’un avion à 860km/h et qu’on me prouve que c’est possible à 400 à l’heure . C’est une réponse à la con d’aveugles bienheureux

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            • UnKnown // 23.06.2024 à 18h45

              Si, on peut, mais chacun sa religion apparemment. Je sais pas ce qu’il vous faut, des milliers de débris et morceaux de l’avion de toutes tailles ont été identifiés dans la zone du crash… Et SI, on peut faire voler un avion de ligne à 860 km/h à basse altitude, même si cela soumet la cellule à des contraintes anormales pour ce genre d’appareil. Faites tenir de ce domaine de vol plus de 5 minutes et quelque chose va forcément casser. Ca tombe bien, le vol AA77 n’a maintenu cette vélocité que pendant quelques dizaines de secondes.
              Le propriétaire des lieux est déjà passé à moult reprises sur cet attentat https://www.les-crises.fr/911-1-pentagone-1/
              Et la politesse aurait été bienvenue.

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    • UnKnown // 19.06.2024 à 13h44
  • scc // 26.06.2024 à 22h39

    Un autre exemple que je trouve encore plus parlant:
    https://youtu.be/sneYFUtiKKc?si=vPePiAVwugMJauOf

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