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4.juillet.20244.7.2024 // Les Crises

Pétrodollars : au bout de 50 ans, le pacte américano-saoudien prend fin

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L’accord sur les pétrodollars conclu il y a 50 ans entre les États-Unis et l’Arabie saoudite vient d’expirer. Le terme « pétrodollar » fait référence au rôle du dollar américain en tant que monnaie utilisée pour les transactions de pétrole brut sur le marché mondial. Cet arrangement remonte aux années 1970, lorsque les États-Unis et l’Arabie saoudite ont conclu, peu après la sortie des États-Unis de l’étalon-or, un accord qui allait avoir des conséquences considérables pour l’économie mondiale. Dans l’histoire de la finance mondiale, peu d’accords ont eu autant d’effets bénéfiques que le pacte du pétrodollar pour l’économie américaine.

Source : MSN, Paul Hoffman
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Une aubaine pour les obligations américaines

L’accord sur les pétrodollars, formalisé après la crise pétrolière de 1973, stipulait que l’Arabie saoudite fixerait le prix de ses exportations de pétrole exclusivement en dollars américains et investirait ses recettes pétrolières excédentaires en bons du Trésor américain. En contrepartie, les États-Unis fournissaient un soutien militaire et une protection au royaume. Pour les deux parties, c’était gagnant-gagnant. Les États-Unis y trouvaient une source stable de pétrole et un marché captif pour leur dette, tandis que l’Arabie saoudite assurait sa sécurité économique et générale.

Le statut de monnaie de réserve

Le fait que le pétrole soit libellé en dollars américains revêt une importance qui se situe au delà des catégories du pétrole et de la finance. En imposant que le pétrole soit vendu en dollars américains (DXY), l’accord a renforcé le statut du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. Cela a eu un impact profond sur l’économie américaine. La demande mondiale de dollars pour l’achat de pétrole a contribué à maintenir la monnaie forte, rendant les importations relativement bon marché pour les consommateurs américains. En outre, l’afflux de capitaux étrangers dans les bons du Trésor américain a favorisé des taux d’intérêt bas et un marché obligataire robuste.

Dans son récent livre, Bonfire of the Sanities (décembre 2023), David Wright, auteur de best-sellers et gestionnaire d’investissements, affirme que la force du dollar est un facteur clé du niveau de vie élevé de l’Amérique. Il déclare que si les Américains jouissent d’un « niveau de vie aussi élevé, c’est parce que le dollar est fort. » Il explique ensuite que cette force est due en partie à la confiance dans notre économie « et au fait que l’énergie ne peut être achetée sans dollars américains. »

Le potentiel de perturbation de l’ordre financier mondial

Toutefois, la domination du pétrodollar pourrait bien être confrontée à son défi le plus important à ce jour. L’accord entre les États-Unis et l’Arabie saoudite a expiré le 9 juin 2024. Cette expiration a des implications considérables, car elle est susceptible de perturber l’ordre financier mondial.

L’évolution de la dynamique du pouvoir sur le marché du pétrole est un facteur essentiel de cette évolution. L’essor des sources d’énergie alternatives, telles que les énergies renouvelables et le gaz naturel, a réduit la dépendance du monde à l’égard du pétrole. En outre, l’émergence de nouveaux pays producteurs de pétrole, comme le Brésil et le Canada, a remis en question la domination traditionnelle du Moyen-Orient.

L’avenir du dollar américain

L’expiration du pétrodollar pourrait affaiblir le dollar américain et, par extension, les marchés financiers américains. Si le prix du pétrole devait être fixé dans une devise autre que le dollar, cela pourrait entraîner une baisse de la demande mondiale pour le billet vert. Cela pourrait à son tour entraîner une hausse de l’inflation, des taux d’intérêt et un affaiblissement du marché obligataire aux États-Unis.

Principaux enseignements – Un changement important dans la dynamique du pouvoir mondial

L’expiration de l’accord sur les pétrodollars représente un changement important dans la dynamique du pouvoir mondial. Elle met en évidence l’influence croissante des économies émergentes et l’évolution du paysage énergétique. Bien que toutes les implications de ce changement restent à analyser, les investisseurs devraient au moins être conscients qu’au niveau macroéconomique, l’ordre financier mondial entre dans une nouvelle ère. La domination du dollar américain n’est plus garantie.

Source : MSN, Paul Hoffman, 15-06-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Gaspard des montagnes // 04.07.2024 à 08h13

Avec la fin de la convertibilité du dollar en or que Richard Nixon a décidé en 1971, la nécessité d’arrimer le dollar à une valeur forte était devenue impérative !

C’était d’autant plus impératif que les importations de pétrole vers les Etats-Unis augmentaient depuis les années 50 alors que la production nationale baissait dans un contexte de croissance de la consommation.

Il faut bien voir que l’Arabie saoudite avait déjà passé un accord avec les Etats-Unis en 1945 : le Pacte du Quincy portant sur le soutien des US aux Saoud, le pétrole et la situation politique au moyen-orient.

Avec l’adhésion de l’Arabie saoudite aux BRICS nous entrons dans une nouvelle ère : celle de la dédollarisation. Les Etats-unis seront confrontés à la diminution de la demande de dollars dans le monde, ce qui à terme, ne peut qu’entrainer une baisse de sa valeur donc le renchérissement des importations.

Pour le moment, l’attractivité du dollar est maintenue par les taux élevés des obligations US.. mais quid de la durabilité de ce soutien ?
lequel soutien entraine la création de nouveaux dollars dans un contexte de baisse de sa demande ?

14 réactions et commentaires

  • Gaspard des montagnes // 04.07.2024 à 08h13

    Avec la fin de la convertibilité du dollar en or que Richard Nixon a décidé en 1971, la nécessité d’arrimer le dollar à une valeur forte était devenue impérative !

    C’était d’autant plus impératif que les importations de pétrole vers les Etats-Unis augmentaient depuis les années 50 alors que la production nationale baissait dans un contexte de croissance de la consommation.

    Il faut bien voir que l’Arabie saoudite avait déjà passé un accord avec les Etats-Unis en 1945 : le Pacte du Quincy portant sur le soutien des US aux Saoud, le pétrole et la situation politique au moyen-orient.

    Avec l’adhésion de l’Arabie saoudite aux BRICS nous entrons dans une nouvelle ère : celle de la dédollarisation. Les Etats-unis seront confrontés à la diminution de la demande de dollars dans le monde, ce qui à terme, ne peut qu’entrainer une baisse de sa valeur donc le renchérissement des importations.

    Pour le moment, l’attractivité du dollar est maintenue par les taux élevés des obligations US.. mais quid de la durabilité de ce soutien ?
    lequel soutien entraine la création de nouveaux dollars dans un contexte de baisse de sa demande ?

    • Xettoise // 04.07.2024 à 18h39

      Parfait, L’article ainsi que votre propre réponse devrait être lu obligatoirement dans toutes les grandes écoles

      • Gaspard des montagnes // 05.07.2024 à 08h12

        Merci pour le compliment !!
        Cela fait du bien de pouvoir rappeler quelques faits et réalités, sans que le débat ne parte « en vrille »

        Cependant après avoir évoqué le passé et le présent, le plus dur reste à faire : imaginer l’avenir !

  • Lt Briggs // 04.07.2024 à 08h48

    « Si le prix du pétrole devait être fixé dans une devise autre que le dollar (…) »

    Il n’en existe actuellement pas d’autre pour se substituer au dollar. Les achats de pétrole pourront se faire dans des monnaies nationales (Yuan, rouble, etc.), dont aucune n’offre des garanties supérieures à la monnaie américaine. Comme les détenteurs de montagnes de dollars n’ont pas intérêt à ce que cette monnaie perde soudainement toute valeur, on s’achemine vers un lent déclin. Les inconnues sont la vitesse de ce déclin et le nouveau seuil auquel va se stabiliser le dollar. Il faudra alors voir les conséquences de l’affaiblissement du dollar sur les rapports de force mondiaux et leur traduction sur la situation politique interne aux Etats-Unis, qui n’est déjà pas particulièrement stable.

    • egdltp // 04.07.2024 à 11h49

      Je crois que le premier détenteur de réserve en dollar c’est la Chine et je pense qu’ils sont capables, pour un objectif stratégique, d’accepter de faire une croix dessus. Donc votre argumentaire sur l’intérêt des possesseurs de dollar à ne pas l’attaquer est faible. C’est d’ailleurs la principale faiblesse du monde de la finance : ne voir la réalité qu’au travers de ses lunettes.

      • Lt Briggs // 04.07.2024 à 13h37

        « Donc votre argumentaire sur l’intérêt des possesseurs de dollar à ne pas l’attaquer est faible »

        La Chine détient environ 770 milliards de bons du trésor américain. Je n’ai jamais entendu dire qu’un pays avait tiré un trait sur 770 milliards de dollars pour le simple plaisir d’en embêter un autre. Les Chinois essaient de se délester de leur dette américaine sans pour autant perdre 25 ans de recettes d’exportation. C’est la quadrature du cercle pour eux et pour l’instant ils s’en sortent bien.

        • Olivier mais pas Berruyer // 04.07.2024 à 22h47

          La Russie a subit une rétention, voire rapt, de quelques centaines de milliards d’euros/dollars.
          La Chine peut très bien, si cela est sa stratégie, faire l’impasse sur cela, d’autant plus qu’elle sait qu’elle est dans le collimateur et qu’elle peut subir les mêmes choses.
          Si elle décide ou si elle est forcée, de toute manière la réponse sera brutale pour les économies occidentales.
          Le lent déclin US (occident) est acté. Les prises de position de la Russie et de la Chine en sont la preuve. S’il y aura une accélération de la pente du déclin, cela est impossible à savoir, trop de facteurs sont présents et puis surtout, nous ne sommes pas dans la tête des dirigeants des BRICs.
          L’occident ne fait plus peur à ces pays.

      • utopiste rationnel // 04.07.2024 à 16h15

        Quels sont les premiers clients de la Chine ? Pour quels montants ?

  • Savonarole // 04.07.2024 à 10h04

    On va en revenir à une de mes vieilles marottes : ils ont entéré le petrodollar eux même en éjectant 10% de la production de la production de pétrole de swift. En cela ils ont crée un déséquilibre de marché et fait comprendre au monde la différence entre les gens qui payent avec du papier et les gens qui payent avec du concret.
    C’était il y a environ deux ans … et les marchés de l’énergie resteront bordéliques jusqu’à ce que cette question de fond soit réglée. Question bien plus profonde qu’il n’y parrait et qui va finir par se régler sans doute par des moyens bien peu raisonnables. Pauvre monde.

  • landstrykere // 04.07.2024 à 10h44

    Le pétrole est déjà vendu en autre chose que le dollar. Celà commençait avec l’Iran.
    L’article fait une impasse volontaire sur l’exclusion de la Russie du système bancaire euro-américain, du racket exercé par les Etats-Unis sur plusieurs pays, du terrorisme américain à grande échelle sur les infrastructures énergétiques (Nordstream).
    Russie et Arabie Saoudite sont dans l’OPEP+ pour rappel.
    Le pétrole russe se vend en yuans, roupies, dirhams et en troc. Le noyau des BRICS oeuvre à « booter » un système bancaire et financier non lié au dollar ni à aucune devise dominante.
    Une sorte de crypto-devise adossée à du réel c@d dea ressources et des biens.
    Le dollar n’est pas une devise de commerce libre mais une laisse. Le procédé consiste à se débarasser de ses dollars progressivement, jusqu’à un seuil à partir duquel une sanction n’est plus pertinente.

  • Incognitototo // 05.07.2024 à 00h29

    Un article bienvenu qui nous rappelle où est le problème central de l’économie mondiale et nos abdications devant les diktats néolibéraux US depuis 1971.

    Pour mémoire, s’il y a eu choc pétrolier (contrairement à la façon dont l’OPEP a justifié l’augmentation en la présentant comme une sanction), c’est que depuis 1969 les pays créditeurs nets vis-à-vis des USA ont perdu en 3 ans 30 % de leur CA (!!!) et de pouvoir d’achat, et donc au final beaucoup plus pour leurs bénéfices… La décision de 71 (fin de BW décidé unilatéralement par les USA) amplifiant en plus dans un premier temps la perte de confiance dans le $.
    C’est ainsi que les pays qui le peuvent (les membres de l’OPEP, a contrario des pays européens dont l’impuissance est entérinée) décident un « rattrapage » en multipliant le prix du pétrole par 4.
    Ils le feront également pour le 2e choc pétrolier (78/81), où ils se rattraperont en multipliant les prix par 2,7, puisque le $ a perdu presque 40 % de sa valeur d’échange toujours par rapport à son plus haut de 1969.

    Les mouvements spéculatifs correspondent donc toujours aux variations de la valeur du $. Ces 2 dernières années obéissent également totalement aux mêmes types de logiques et n’ont évidemment rien à voir avec la guerre en Ukraine. C’est tellement énorme, évident et facile à démontrer que même les médias mainstreams ont commencé à en parler (à cause des monstrueux bénéfices des entreprises internationales).

    Pour comprendre ce qui se passe réellement au niveau économique et les possibles corrélations, si on oublie que seules la spéculation sur le $ et sa demande incessante toujours croissante sont les véritables maîtres du jeu des prix, on ne peut pas avoir une analyse des causes exactes. Aussi je vois mal l’Arabie Saoudite, goinfrée d’avoirs en $, dire, même demain, stop au jeu dont nous sommes les maîtres…

    D’ailleurs, si par hypothèse, le $ perdait 50 % de sa valeur (par la baisse de sa demande) : mathématiquement et grossièrement, tous les actifs du monde perdraient 50 % de leur valeur et tous les prix doubleraient. Aussi dans ce cas tous ceux qui ont des réserves en $ auront du souci à se faire puisqu’ils seront également ruinés (c’est d’ailleurs par ce chantage que les USA ont installé depuis 1971 leur hégémonie sur le reste du monde). C’est pourquoi je pense que la Chine, notamment, ne créera jamais de réelle rupture au système actuel, du moins tant qu’elle aura encore besoin du commerce international pour alimenter ses excédents, ses besoins et sa production.
    D’ailleurs dans les faits, le $ s’est réapprécié par rapport à toutes les autres devises en 2022 (au moment où les spéculateurs se gavaient en anticipant la reprise du commerce mondial), et il reste à un niveau élevé sans s’effondrer depuis.

    Aussi, pour l’instant, toutes choses égales par ailleurs, on est encore loin de l’Armageddon financier qui finira bien par arriver un jour si les pays ne veulent toujours pas profondément réformer le système monétaire international, actuellement fondé sur un système de Ponzi ou si la demande en $ diminue ou cesse, tout s’effondre. On comprend bien d’ailleurs dans ce contexte que pour les USA (et bien d’autres également) la décroissance est une perspective totalement inenvisageable.

  • Auguste Vannier // 05.07.2024 à 09h21

    Article et commentaires très intéressants.
    La dédollarisation du commerce mondial est enjeu stratégique des BRICS+ qui n’a de sens qu’à moyen terme pour éviter une catastrophe financière systémique. Les pays sanctionnés par les USA se sont préparés de longue date, d’autant plus que leurs marchés intérieurs sont en pleine croissance et font l’objet d’une politique volontariste (avec de grands investissements dans des infrastructures et services publics, l’augmentation du pouvoir d’achat de leurs citoyens-cf Chine, Russie). S’y ajoute une diplomatie de coopération (et non « colonialiste ») avec le sud global, et la mise en évidence de l’hypocrisie absolue de l’hégémon occidental.
    Avec la déliquescence de nos « Politiques » et de nos économies Européennes, nous avons du soucis à nous faire.

  • DVA // 05.07.2024 à 11h08

    Les dirigeants des dix pays membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ont signé des dizaines d’accords commerciaux et de sécurité lors du sommet à Astana, au Kazakhstan…
    La réunion de jeudi 4 JUILLET 2024 a marqué l’adhésion de la Biélorussie à l’organisation, qui incluait déjà la Chine, l’Inde, l’Iran, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Pakistan, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan – une composition qui place le cœur de l’OCS en Asie centrale.
    À l’issue de ce sommet au Kazakhstan, l’OCS a publié une déclaration finale qui actualise sa position sur la gouvernance mondiale et les questions environnementales…dont ‘…Les membres de l’OCS désapprouvent le protectionnisme, les sanctions unilatérales et autres restrictions commerciales…les dirigeants de l’OCS préconisent l’utilisation accrue des monnaies nationales et le développement de systèmes de paiement innovants pour faciliter le commerce.
    Les membres ont également pour objectif d’harmoniser et d’intégrer leurs infrastructures de commerce électronique et d’autres éléments de l’économie numérique, tout en coopérant pour lutter contre tout monopole économique ‘…Et pour les BRICS…c’est le même topo !

  • Cyrano 78 // 05.07.2024 à 14h55

    Perso au niveau du dollar ou plutôt de la dette américaine, je suis de l’avis de Bernard Tapie

    Pour Bernard Tapie, nous sommes encore à l’époque du Franc.
     » Si tu dois 5 batons à ta banque
    tu as un problème avec ta banque
    Si tu dois 500 batons à ta banque
    La banque a un problème avec toi !! »

    Nous en sommes là, la Chine et le monde ont un problème avec les USA.

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