Michael McFaul a été l’ambassadeur des États-Unis en Russie de janvier 2012 à février 2014.
Son analyse – totalement biaisée et d’une malhonnêteté intellectuelle hallucinante, que je vous laisserais apprécier – est donc très utile, d’autant qu’il développe largement ses vues dans cet article de Politico du 4 aout. C’est ce discours qui berce les oreilles d’Obama…
Vladimir Poutine est omniprésent dans les médias occidentaux ces jours-ci – nous toisant du regard depuis les couvertures de magazines, psychanalysé à longueur de journée à la télévision, caricaturé en tyran brutal dans les dessins des journaux. La plupart des portraits qui sont faits du dirigeant russe lui prêtent des intentions sinistres. Cependant, de nombreux commentaires sous-entendent que Poutine enregistrerait aussi des succès. Comme le dit le magazine Time, « chaque nouvelle crise le rend plus fort ». À en croire les commentateurs, Poutine est peut-être un méchant, ainsi en va-t-il de l’histoire, mais il est habile, coriace, fin stratège et intelligent, déjouant les manœuvres d’une pathétique alliance occidentale qui cherche à contrer le maître judoka du Kremlin.
Je ne suis pas d’accord. Poutine rêve de se voir comparé à Pierre le Grand ou à la Grande Catherine. Mais si l’on se réfère aux objectifs qu’il s’est lui-même fixés, ses résultats ne sont pas si impressionnants. Il a certes atteint certains de ses objectifs qui visaient à redonner à la Russie le rang prééminent sur la scène internationale, mais il a échoué sur ceux qui lui tiennent le plus à cœur . Et l’avenir paraît encore plus sombre.
Lorsque j’étais encore ambassadeur des États-Unis en Russie au début de l’année, il y avait un consensus parmi les diplomates, les officiels russes et les observateurs concernant les priorités de Poutine. À cette époque, la liste était : (1) renforcer l’Union Économique Eurasiatique qu’il essayait de former avec les États post-soviétiques aux frontières de la Russie ; (2) contenir la puissance américaine dans le monde, en particulier nos prétendues politiques de renversement de régimes au Moyen-Orient et en Eurasie ; (3) cultiver l’image des États-Unis comme ennemi, permettant ainsi de renforcer les soutiens populaires à Poutine et d’affaiblir les critiques à l’intérieur du pays ; (4) contrer l’expansion des systèmes de défense antimissiles américains ; (5) développer le commerce et l’investissement ; et (6) rétablir le rôle de la Russie comme puissance majeure respectée par le système international. Un objectif antérieur important – stopper l’expansion de l’Otan – ne figurait pas dans cette liste car, pour beaucoup parmi nous, cet objectif était déjà atteint.
Pour être clair, cette liste (ou programme) d’objectifs) ne serait pas la mienne pour faire de la Russie une grande puissance. Comme certains en Russie (bien qu’ils soient, j’en ai peur, une minorité décroissante), je crois que la voie de la grandeur passe par une Russie plus démocratique, plus orientée vers l’économie de marché et respectueuse du jeu des règles internationales. Mais durant les presque quinze années qu’il a passé au pouvoir, Poutine a montré qu’il avait une vision différente du chemin vers la gloire, n’incluant pas une gouvernance démocratique, se méfiant de la propriété privée et, de plus en plus, ignorant ou contournant les règles et les normes internationales qu’un temps, lui-même, il avait soutenues. Mais ne jugeons pas Poutine selon mes critères. Évaluons sa réussite en nous référant à son propre programme clairement défini.
Comment Poutine s’en sort-il ? Pas si bien que ça.
Indubitablement, il a remporté quelques victoires ces dernières années. Premièrement, il a aidé Bashar El Assad, le plus proche allié de la Russie au Moyen-Orient, à garder le pouvoir en Syrie, en bloquant l’action du Conseil de sécurité et en fournissant des armes et de l’argent au beau milieu d’une guerre civile brutale. C’est un fait tragique. Deuxièmement, il a réussi à convaincre la plupart des Russes que les États-Unis sont l’ennemi de la Russie – et il l’a fait bien avant cette dernière crise ukrainienne et la campagne de propagande anti-occidentale massive des médias russes, menée à cette occasion. En 2010, environ deux tiers des Russes avaient une opinion positive des États-Unis Aujourd’hui, le même pourcentage en a une opinion négative. La propagande fonctionne. L’efficacité de cette campagne a aidé Poutine à affaiblir l’opposition démocratique russe, car il sont dépeints comme des marionnettes des États-Unis. Troisièmement, il a commencé à rétablir la stature internationale de la Russie, du moins jusqu’à la crise ukrainienne. Son positionnement de la Russie comme contrepoids conservateur à l’Occident libéral et décadent a trouvé un écho dans l’esprit de beaucoup à travers le monde, tout comme ses positions en faveur de la défense de la souveraineté et contre le prétendu interventionnisme américain. Il a réussi, d’une certaine manière, à séduire à la fois les conservateurs sur le plan social [social conservatives] ainsi que les militants de gauche anti-impérialistes. Et les jeux Olympiques de Sotchi ont créé un engouement pour la Russie que je n’avais jamais observé auparavant.
Cependant, la liste de ses échecs récents est encore plus impressionnante. Le plus dommageable est son échec à obtenir l’adhésion de l’Ukraine à l’Union Économique Eurasienne – et en fait, sa réponse musclée à cet échec est l’étincelle responsable de la crise actuelle. Avec plus de quarante millions de consommateurs, l’Ukraine était la clé du succès économique de l’Union, ce que n’étaient ni la modeste Biélorussie ni le Kazakhstan exportateur de pétrole. Au départ, il semblait que Poutine allait réussir à convaincre l’Ukraine de choisir son Union Eurasienne plutôt que l’Union Européenne. Le plan d’aide de 15 milliards de dollars à l’Ukraine semblait avoir aidé à convaincre le président ukrainien Victor Yanoukovich de repousser la signature de l’accord avec l’Union Européenne (EU). J’étais ambassadeur des États-Unis à Moscou à cette époque et je me rappelle à quel point certains de mes interlocuteurs russes se montraient arrogants concernant cette victoire sur l’Union Européenne, et partant, sur nous. (Ceux qui au sein du gouvernement russe étaient responsables du paiement des 15 milliards de dollars n’étaient pas aussi enthousiastes.) Mais alors, comme nous le savons tous, les Ukrainiens ont réagi. Leurs manifestations sur la place Maidan ont stoppé net toute future avancée vers l’union proposée par Poutine. Un coup de maître de la part de Poutine ? Je n’en suis pas si sûr.
Ayant échoué à atteindre son objectif le plus cher – la participation de l’Ukraine à l’Union Eurasienne – Poutine a poursuivi ce qu’il considérait comme étant sa meilleure solution de rechange, à savoir un gouvernement à Kiev favorable à la Russie aussi longtemps que possible. En février de cette année, des officiels européens, américains et russes ont travaillé ensemble à la conclusion d’un pacte entre le gouvernement Ianoukovitch et l’opposition ukrainienne qui aurait prolongé le mandat du président ukrainien et repoussé les élections. Une nouvelle fois cependant, les Ukrainiens rassemblés sur la place Maidan ont dit non, et l’allié de Moscou, Ianoukovitch, s’est enfui. Le second choix de Poutine (et, pour être honnête, l’option soutenue également par le gouvernement américain à l’époque) n’a pas marché.
Répliquant à ce deuxième échec, Poutine a contre-attaqué en annexant la péninsule ukrainienne de Crimée. Avant cette année, je ne me souviens pas avoir entendu Poutine consacrer un discours majeur à défendre les Russes « opprimés » en Crimée ou à critiquer la cession de la Crimée, par le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, à ses camarades en Ukraine en 1956 (NdT : 1954 en fait). Mais le soudain intérêt de Poutine pour ces prétendues injustices du passé l’a aidé à justifier et mener rapidement à bien son occupation de la Crimée.
Ce succès, cependant, a eu un coût élevé vis-à-vis de l’objectif principal de sa politique étrangère : en annexant la Crimée, Poutine a rendu certain le fait que l’Ukraine ne rejoindrait jamais l’Union Économique Eurasienne. En réalité, l’intervention de Poutine a plus fait pour consolider la nation ukrainienne que tout autre événement des deux décennies écoulées depuis son indépendance. Même des régions considérées « pro-russes » comme Dniepropetrovsk, Odessa ou Kharkov embrassent à présent leur identité ukrainienne plus fermement que jamais. De plus, le pouvoir ukrainien, y compris le président nouvellement élu Petro Porochenko, semble être finalement déterminé à conduire de vastes réformes économiques avec, en particulier, des mesures anticorruption, qui, en cas de succès, rendraient l’Ukraine plus indépendante de la Russie. Dans le sillage des erreurs récentes de Poutine, il est difficile d’imaginer comment l’Ukraine pourrait un jour se détourner de son orientation pro-européenne pour revenir à une position plus favorable à la Russie. La Russie a perdu l’Ukraine à tout jamais. Est-ce une bonne chose pour la Russie ? Certainement pas.
Poutine a également rendu nerveux ses partenaires actuels (Biélorussie et Kazakhstan) du projet d’Union Eurasiatique. Si Poutine se sent le droit de défendre les populations d’origine russe de l’est de l’Ukraine, ressentira-t-il un jour la même obligation d’agir pour défendre les populations russes de ces pays ? En outre, il a favorisé l’accélération du processus de signature de l’accord avec l’Union Européenne non seulement par l’Ukraine, mais aussi par les anciennes républiques soviétiques inquiètes de Géorgie et de Moldavie. Génie de la « Realpolitik » ? Je ne crois pas.
Après avoir annexé la Crimée, Poutine a laissé entendre qu’il allait jouer le même jeu en Ukraine orientale. Il a rappelé au monde que ce territoire, qu’il appelle désormais « Novorossia » (Nouvelle Russie), faisait autrefois partie de l’Empire russe, et a critiqué les bolcheviques qui ont bradé cette terre. Ses médias se sont mis à appeler cela le « Printemps russe », prétendant au cours d’une violente campagne qu’il s’agissait en fait d’un écho du Printemps arabe, dans lequel la Russie était la libératrice des personnes d’origine russe opprimées en Ukraine orientale ; sur Twitter et sur le réseau social russe VKontakte, des dizaines de milliers de personnes ont été mobilisées pour réclamer l’indépendance de Novorossia. Mais tout cela est pour ainsi dire du passé. Les rebelles d’Ukraine orientale n’ont pas réussi à convaincre la majorité de rejoindre leur cause séparatiste dans ces régions. Et l’armée ukrainienne a fini par riposter, et a repris de nombreuses villes et de nombreux villages qui avaient été conquis par les insurgés dans un premier temps. Aujourd’hui, Poutine ne mentionne jamais la Novorossia. Il s’est rendu compte que « libérer » cette région n’était plus possible. Stratège de génie ? Je n’en suis pas si sûr.
Poutine s’en tient donc maintenant à un objectif minimal en Ukraine orientale – une situation que l’on peut définir comme en constant bouleversement avec une souveraineté contestée, qui rendrait cette région similaire aux autres zones de « conflits gelés » jamais officiellement résolus en Géorgie, Moldavie et Azerbaïdjan, délaissées après le démantèlement de l’Union soviétique. Si la rébellion (pro-russe) s’enlise pendant des années, voire des dizaines d’années, alors le nouveau régime à Kiev aura moins de chance de se renforcer et l’Occident d’étendre l’influence de l’Union Européenne et de l’Otan en Ukraine, du moins d’après ce qui semble être la logique russe.
Pour être clair, je ne comprends pas en quoi un voisin faible, pauvre et instable serait dans l’intérêt national de n’importe quel pays – mais Poutine ne m’a pas demandé de définir l’intérêt national russe. Et en plus Poutine ne parvient même pas à réaliser cet objectif minimal. Alors que ses intermédiaires commençaient à perdre du terrain il y a quelques semaines, il leur a expédié des armes plus dangereuses. Nous connaissons tous les conséquences tragiques de cette décision – la destruction du vol MH17 de la Malaysian Airlines. Tandis que les insurgés continuent à perdre, Poutine a mis la barre encore plus haut en bombardant des cibles ukrainiennes à partir du territoire russe, et donc en risquant de transformer une guerre civile en conflit entre États. Mais ses alliés perdent encore face à l’armée ukrainienne et son ensemble disparate de milices alliées et de forces volontaires. Poutine le Grand ? Pas vraiment.
Il lui reste une option : l’invasion. Cependant, malgré les mauvaises notes que j’attribue à Poutine en tant que grand stratège, je continue de croire qu’il est trop intelligent pour envoyer des troupes russes en Ukraine. Il comprend sûrement que les soldats russes subiraient des pertes lors de la première bataille, puis, en tant que force d’occupation, endureraient des attaques incessantes de type guérilla. L’amère expérience de l’occupation soviétique en Afghanistan demeure trop fraîche et incite l’armée russe à rester très prudente. Mais s’il décide effectivement d’y aller, les conséquences négatives à long terme pour l’armée, l’économie et la position internationale russe seraient énormes. Il ne lui reste aucune option acceptable en Ukraine.
L’échec de la guerre par procuration dans l’est de l’ukraine a également produit de nombreux dégâts collatéraux sur ses autres objectifs de politique étrangère. Si le débat concernant l’expansion de l’OTAN était passé au second plan avant l’avancée de Poutine en Ukraine, il est maintenant revenu au premier plan et au centre des préoccupations. De la même façon, le renforcement de la capacité de l’OTAN à défendre ses membres à l’est de l’Europe est redevenu une priorité pour la première fois depuis de nombreuses années. Les dirigeants russes ont toujours redouté l’installation de soldats américains en Pologne ou en Estonie, ce qui pourrait bien se produire maintenant. De plus, les actions de Poutine en Ukraine ont garanti que le projet de défense antimissile en Europe serait non seulement mené à bien, mais qu’il pourrait même s’étendre. Après dix ans de discussions non suivies d’action, Poutine a provoqué le développement par l’Europe d’une politique de réduction de la dépendance au gaz et au pétrole russe. Le résultat des actions de Poutine en Ukraine est que les États-Unis sont maintenant susceptibles de devenir un exportateur d’énergie, en concurrence avec la Russie pour les parts de marché. Certains qualifient les politiques de Poutine de pragmatiques et intelligentes. Je ne suis pas d’accord.
Avant les actions de Poutine en Ukraine, presque tous les officiels de haut rang du gouvernement russe avec lesquels j’avais pu parler insistaient sur le besoin désespéré pour la Russie d’attirer des investissements, considérés alors comme le seul moyen viable de stimuler la croissance. Depuis les actions de Poutine en Ukraine, à peu près 75 milliards de dollars ont quitté le pays, alors que des dizaines de milliards supplémentaires d’argent du contribuable ont été utilisés pour défendre le rouble et financer une dette plus coûteuse. Les sanctions économiques sévères, et le spectre de nouvelles sanctions à venir, imposées par les États-Unis et l’Europe, ont déjà suscité l’incertitude parmi les investisseurs russes et étrangers, ainsi que la prudence parmi les consommateurs russes. De plus, l’intégration de la Crimée au sein de la Russie va coûter des dizaines de milliards de dollars. Ces conséquences économiques sont-elles dans l’intérêt de la Russie ? Je ne le pense pas.
De nouvelles sanctions américaines sur l’exportation de technologies dans le domaine énergétique pourraient être particulièrement dommageables au programme de Poutine. Lorsque j’étais au gouvernement américain, j’ai entendu plus d’une fois Poutine expliquer aux représentants américains que le partenariat de plusieurs milliards de dollars entre Rosneft et ExxonMobil, afin d’exploiter les gisements énergétiques dans les régions arctiques, était l’accomplissement le plus important des relations États-Unis–Russie de ces vingt dernières années. Beaucoup se demandent aujourd’hui si ce projet ambitieux pourra se poursuivre selon les échéances initalement prévues. Un brillant stratège défendant les intérêts nationaux russes ? Je me demande ce qu’Igor Setchine, à la tête de Rosneft, et qui est maintenant sur la liste des sanctions américaines, en pense.
Et bien sûr le sujet est beaucoup plus vaste que ce point précis, même s’il est important. Poutine a mis en mouvement des tendances néo-autarciques, anti-modernisation qui, si elles devaient se prolonger, feraient reculer le développement économique russe pour les décennies à venir. Poutine a essayé de justifier ces contraintes de plus en plus fortes sur le commerce et les investissements, ainsi que le rôle plus important de l’État dans l’économie comme une opportunité qui permettra à la Russie d’être moins dépendante de l’économie mondiale. (Il a même sous-entendu qu’internet serait un outil dangereux au service de la CIA, conçu pour saper la souveraineté russe.) Mais ce n’est pas vraiment une bonne recette pour la prospérité : historiquement, se tourner vers l’intérieur et augmenter le rôle de l’État dans l’économie n’a pas souvent été une bonne stratégie de croissance économique. Vous rappelez-vous de l’effondrement de l’Union soviétique ? Il est difficile de voir ainsi Poutine en visionnaire, allant à l’encontre de décennies, voire de siècles d’expérience. Je me sentirais nerveux si j’étais un entrepreneur vivant actuellement en Russie. En fait, beaucoup le sont. C’est pour cela qu’ils quittent la Russie.
Les sondages internationaux montrent que l’image de la Russie dans le monde a subi de sérieux dommages depuis l’intervention russe en Ukraine. Poutine a définitivement perdu son ambition d’être le champion mondial de la souveraineté nationale. Et le crash du vol 17 de la Malaysia Airways a détruit en un jour des années investies à améliorer la réputation de la Russie à l’étranger, y compris les 50 milliards de dollars dépensés pour les jeux Olympiques de Sotchi, qui étaient destinés à présenter une nouvelle Russie moderne au monde. La Russie est certes crainte à nouveau, mais elle n’est pas respectée. Une telle image de voyou dissuadera l’investissement étranger pour les décennies à venir et diminuera les chances de Poutine de signer des contrats ou de forger des alliances avec d’autres chefs d’État. Armer les rebelles d’Ukraine orientale avec des missiles sol-air a-t-il servi l’intérêt national russe ? Pour l’instant, il est difficile de voir comment.
OB : très très intéressant ça. Primo, vous noterez que « popularité en chute dans le monde occidental » devient « popularité internationale » – en effet, je ne pense pas du tout que sa popularité ait beaucoup baissé en Chine, Inde, Amérique du Sud, ou Afrique… Secundo, nos dirigeants qui ne vivent que pour les sondages (avec le succès qu’on connait) semblent trouver bizarre que Poutine mène une politique qui le rend populaire chez lui et pas aux États-Unis (eux-mêmes faisant le contraire…).
Pendant que Poutine ternissait l’image de la Russie à l’étranger, il est vrai qu’il renforçait sa propre image dans le pays. C’est un fait. Mais pour combien de temps ? La cote de popularité de Poutine se maintient au-dessus de 80 % aujourd’hui, mais souvenez-vous que le président George W. Bush bénéficiait du soutien de 90 % des Américains pour engager la guerre en Afghanistan et encore de 70 % d’opinions favorables pour envahir l’Irak. Il avait cette cote de popularité alors qu’il ne contrôlait ni le Congrès ni les principales chaînes de télévision, ce que Poutine fait aujourd’hui. Déjà, dans le sillage de la tragédie de la Malaysia Airlines, les intellectuels russes ont mis en doute la sagesse de sa trajectoire. L’ancien ministre des Finances de Poutine, Alexei Kudrin, a averti des dangereuses conséquences économiques de la nouvelle diplomatie aventureuse russe, sentiment partagé en privé par le monde des affaires. Ce débat ne peut que se renforcer, surtout avec des succès militaires limités en Ukraine et une croissance économique qui stagne en Russie.
L’Occident, mené par les États-Unis, devrait contribuer à renforcer ce débat – en continuant à confronter la politique agressive de Poutine. Cela ne signifie pas que nous réussirons toujours.
L’histoire des 70 dernières années est remplie d’exemples de l’impuissance des États-Unis et de nos alliés à empêcher les agressions des dirigeants du Kremlin envers leurs voisins, que ce soit l’Ukraine aujourd’hui, la Géorgie en 2008, la Tchécoslovaquie en 1968 et la Hongrie en 1956. Mais cela ne veut pas dire que nous devrions nous tenir à l’écart. Même si nous avons souvent échoué à arrêter les agressions du Kremlin, nous avons quand même réussi quelquefois à rendre ces actes belliqueux coûteux pour la Russie. La réponse d’Obama aujourd’hui ressemble plus à la réponse de Ronald Reagan à la répression soviétique contre le mouvement de protestation Solidarité en Pologne en 1981 qu’aux réponses plus timorées à d’autres interventions du Kremlin. Il devrait donc poursuivre dans cette direction. C’était la dernière fois que Washington imposait de sérieuses sanctions contre Moscou. Reagan et son équipe réagirent ainsi non pas parce que l’on pensait que ces sanctions allaient changer l’attitude russe (ou polonaise), mais parce qu’ils pensaient qu’une mauvaise attitude devait être punie. Reagan n’a pas fait changer immédiatement Brejnev d’avis, mais il a permis de faire de ce conflit une question de principe et non pas de simple calcul d’intérêt, dont l’écho résonne aujourd’hui dans la manière dont nous devrions aujourd’hui exprimer notre indignation face à la désintégration des frontières d’un voisin par Poutine, alors qu’il avait légalement promis de les sécuriser.
Je le reconnais. Quand j’ai quitté la Russie en tant qu’ambassadeur des États-Unis au début de l’année, j’étais impressionné par les réussites de Poutine. Il dirigeait la coalition anti-américaine dans le monde, un rôle qu’il avait tenu avec bonheur au sommet du G20 de Saint-Pétersbourg en septembre de l’année dernière. Il avait « gagné » en Syrie, savourait la publicité internationale positive que lui valait l’asile qu’il avait accordé au lanceur d’alerte Edward Snowden, et bien sûr il y avait eu ce show spectaculaire aux Jeux olympiques de Sotchi.
Mais il a gâché tous ces succès par ses actions en Ukraine. Il est difficile de voir maintenant comment il pourrait finir dans les livres d’histoire aux côtés de Pierre le Grand ou de Catherine II – à moins, bien sûr, qu’il n’ordonne qu’ils soient écrits ainsi !
Michael Mc Faul est l’ancien ambassadeur des États-Unis en Russie
Source : Politico. Traduction collective par les lecteurs du blog www.les-crises.fr
112 réactions et commentaires - Page 2
Quand j’ai lu au début de son discours « cette liste [..] ne serait pas la mienne pour faire de la Russie une grande puissance », je me suis dit « Cet âne va nous proposer plutôt l’économie de marché »; et bien, ça n’a pas manqué; comme quoi les cons ça se reconnait aussi à ce qu’ils sont prévisibles car bornés.
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AlerterLes américains aiment faire la pluie et le beau temps:
http://www.lalibre.be/actu/belgique/le-journaliste-belge-mehmet-koksal-interdit-d-entree-aux-etats-unis-53e8f31535702004f7ddfec2
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AlerterAnalyse provacatrice qui démontre bien le désespoir des états unis. M’enfin vue qu’il a été viré, il ne fallait pas s’attendre a autre chose de la part d’un homme qui c’est fait humilié.
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AlerterEn pesant bien les éléments d’information disponibles, en recherchant les points communs on
voit un schéma global se dessiner et une stratégie d’un cynisme sinistre mais redoutablement
efficace.
Ce schéma permet de comprendre une stratégie globale qui compile :
* Une real politique forte.
* Un cynisme assumé, issu de la doctrine Wolfovitz.
* La prise en compte de l’essor d’internet et des réseaux sociaux dans l’opinion publique
* Le déclin économique et la croissance… de la dette américain, et de la part du budget
militaire dans cette dette.
* Une politique garantissant à terme l’approvisionnement énergétique.
* Unne grille de lecture permettant la réactivité et la conduite simplifiée d’une stratégie gagnante.
Celà à l’avantage de masquer le but ultime derrière une « showed blur politic » ou politique floue affichée, dont le fondement est de brouiller la lisibilité à court terme sur les objectifs géostratégiques finaux. Voilà un avantage majeur au niveau tactique et stratégique.
C’est un élément clé qu’il faut garder à l’esprit, et qui rend intelligibles la chronologie
événementielle des crises.
Je mexplique, considérons
la Lybie, avec le chaos actuel,
les 2 guerres/intervention en Irak, et leurs suites dans la stabilité du pays et la montée
du califat
la Syrie, en alimentant la guerilla via les émirats, ISIS, Al Qaïda…
l’Ukraine avec la guerre civile au Donbass et la stigmatisation de la Russie
Appliquons leur les règles de gestion suivantes :
Pour tout état doté de ressources stratégiques, non allié déclaré des USA et pas en voie de
le devenir.
1)Supporter officieusement et le plus discrétement possible financièrement et matériellement
tout mouvement d’opposition, minorités, ou mouvements rebelles locaux même extrémistes.
2)Ce support doit toujours être indirect, via des pays alliés
3)N’utiliser officiellement que les ONG, à vocation démocratique ou humanitaires.
4)Isoler la cible de ses alliés historiques ou récents, de façon durable si possible.
5)Intervention militaire US minimale.
6)Déléguer les interventions si possible aux partenaires de l’OTAN.
7)Laisser perdurer une situation chaotique est préférable à toute paix stabilisant ou
renforçant le sentiment national. Les ressources ne vont pas s’envoler.
8)Détruire décrédibiliser et affaiblir constamment les alliés potentiels de la cible, par
tous les moyens,presse, médias, blogs, « coups de pouce » ponctuels, déclarations officielles,
vétos à l’ONU, pressions économiques directes ou indirectes.
9)Gérer au plus près les événements médiatiques, pour attirer ou détourner l’attention des
médias aux moments clés.
10)Si l’on ne peut abattre l’opposant, tout faire pour le diaboliser et l’isoler de ses alliés, en renforçant si nécessaire ses ennemis.
La logique apparait.
Mais quels en sont les avantages et les inconvénients?
AVANTAGES
+ aucune botte américaine sur le sol du pays cible, aucune perte en soldats US, animosité
minimale des populations envers les USA
+ pas de nécessité de victoire militaire sur le terrain
+ pas de gestion difficile d’un pays vaincu à administrer, et d’une population hostile à
contrôler (la leçon irakienne…)
+ minimise les coûts d’interventions militaires supportés majoritairement par les
partenaires membres de l’OTAN (UK, France, etc..)
+ à terme le chaos entretenu érode les partis dominants, sape l’émergence des acteurs
nationaux et des concurrents qui se détruisent, s’affaiblissent mutuellement, et s’usent
dans une sale guerre civile, qui n’impliquera pas les USA.
+ diabolisation des mouvements nationaux, rebelles, qui seront d’autant plus facilement
éliminés le moment venu.
+ le chaos empêche l’exploitation des ressources convoitées, mais elles restent ainsi
préservées des convoitises, et disponibles à moyen terme. Lorsque la poussière sera
retombée, le poids des 7 soeurs pétrolières restera un atout majeur pour l’exploitation, et
le contrôle des gisements, particulièrement après l’affaiblissement des représentants des
intérêts nationaux dans des pays saignés par la guerre civile.
+ les interventions US restent limitées et toujours affichées comme à but humanitaire
+ préservation et renforcement du rôle implicite de gendarme du monde des USA, via le
tambour ONU.
+ coûts de reconstruction des infrastructures nationales et de remise en exploitation des
ressources supportés par le pays cible par l’endettement et la dépendance envers des banques
et entreprises US.
+ stratégie favorable à l’économie US, et renforcement du dollar.
+ permet dans la phase post-guerre civile, de combiner l’aide humanitaire et l’implantation
des entreprises avec un consentement populaire, et un coup modéré.
+ Légitimation de l’OTAN
+ fédération des opposants derrière les projets ou traités favorables.
+ facilitation de la prise de décision via la grille des régles de gestion et réactivité accrue au déroulement de la crise.
INCONVENIENTS
– nécessite d’accompagner à moyen terme, dans les administrations successives, « l’évolution
favorable ».
– coûts en renseignement, et recours à des conseillers et des officines mercenaires privées
à financement occulte.
– nécessite de conserver des réseaux discrets d’appui simultané aux différentes guerillas en
lice, et souvent opposées
– nécessite un contrôle renforcé des médias, des informations, et suivi des réseaux sociaux.
– incertitude modérée de la mainmise sur les ressources convoitées.
– risques de mise à jour des actions entreprises, mais faciles à démentir, car passant par
des voies indirectes « fusibles ».
– lenteurs de relance de la production heureusement tempérée par la charge financière qui
échoit aux nationaux, mais bénéficie à l’économie US.
Notons qu’une part conséquente des inconvénients préexiste déjà.
Les points positifs l’emportent trés largement du point de vue stratégique et énergétique,
la finalité est hélas bien éloignée de toute valeur officielle.
Mais l’efficacité et la pérennité sont là.
+0
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