Source : Consortium News, Ray McGovern
Un article du New York Times Magazine sur Colin Powell et l’affaire de l’invasion de l’Irak met en lumière une NIE (National Intelligence Estimate) qui a été élaborée non pas pour établir la vérité, mais plutôt pour « justifier » une guerre préventive contre l’Irak, où il n’y avait rien à craindre. [Ndt : Les National Intelligence Estimates (NIE), que l’on peut traduire par « estimations du renseignement national », sont des documents émis par le gouvernement des États-Unis. Il s’agit d’évaluations officielles du Directeur du renseignement national sur des thématiques de renseignement liées à un sujet particulier relevant de la sécurité nationale.]
Le New York Times Magazine a publié un long article de Robert Draper intitulé « Colin Powell Still Wants Answers » [Colin Powell veut toujours des réponses, NdT]. L’article est basé sur le prochain livre de Draper, « To Start a War : How the Bush Administration Took America Into Iraq ». [Pour déclencher une guerre, comment l’administration Bush a entraîné l’Amérique en Irak, NdT]
Google Books le qualifie comme étant « le compte rendu définitif et révélateur de la décision sans doute la plus déterminante de l’histoire de la politique étrangère américaine ». Je suis impatient.
En attendant, l’article de Draper se concentre sur le secrétaire d’État de l’époque, M. Powell, et sur son discours à l’ONU du 5 février 2003, ainsi que sur la National Intelligence Estimate (NIE) sur laquelle il est largement basé. Une grande partie des détails seront nouveaux pour la plupart des lecteurs, mais pas tellement nouveaux pour le Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS) [un groupe d’agents anciens et actuels de la communauté du renseignement des États-Unis, NdT], qui avait été établi un mois auparavant. Le VIPS a étudié le discours, l’a disséqué et a envoyé son verdict au Président George W. Bush avant la fermeture des bureaux le même après-midi.
Nous avons donné à Powell un « C » charitable, en lui reprochant, entre autres, de ne pas avoir fourni le contexte et la perspective nécessaires. Nous aurions dû carrément le recaler.
Draper décrit comment, malgré les gros efforts de la CIA pour plaire, le « dossier » élaboré par l’agence pour la guerre contre l’Irak, utilisant des preuves comme celles qui existent sur les armes de destruction massive, n’a pas été jugé assez alarmiste par le vice-président Dick Cheney et d’autres faucons de l’administration.
Plus précisément, les faucons n’étaient pas satisfaits des briefings du Pentagone et de la Maison Blanche sur les ADM (Armes de destruction massive, Ndt) en Irak, présentés fin décembre 2002 par le directeur adjoint de la CIA, John McLaughlin, qui étaient légers mais alarmistes (le terme technique utilisé était « penchés en avant »). Les faucons ont commencé à regarder ailleurs, car tous les hauts fonctionnaires (y compris Powell) ne semblaient pas « être favorables au programme ».
Draper rapporte que Powell a ordonné à Carl Ford, directeur de la très respectée Unité de renseignement du Département d’État (INR), de revoir sa copie concernant les armes biologiques, chimiques et nucléaires. Les analystes de Ford ont fortement contesté bon nombre des principales affirmations des suspects habituels – en particulier celles provenant de bureaucrates non spécialisés dans le renseignement et favorables à la guerre, enrôlés pour soutenir les penchants de Cheney et du secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld pour la guerre.
Le chef de cabinet de Powell, le colonel Lawrence Wilkerson, a passé également un temps fou à repousser les affirmations non fondées et douteuses des adeptes de Cheney, si bien que Powell a finalement demandé à Wilkerson de commencer la rédaction à partir de rien.
C’est là que ça devient intéressant ; c’est là qu’un peu d’histoire et d’expérience de l’art du renseignement s’avère utile. Draper cite Powell : « C’est George Tenet qui est venu à la rescousse. »
Le directeur de la CIA, M. Tenet, a suggéré de baser un nouveau projet sur l’estimation du renseignement national du 1er octobre 2002, « Iraq’s Continuing Programs for Weapons of Mass Destruction » (Poursuite des programmes de l’Irak sur les armes de destruction massive). Cette proposition avait suscité un immense intérêt chez Tenet et d’autres personnes qui avaient été cooptées pour « se démener » afin de faciliter une guerre Bush/Cheney au sujet de l’Irak. En effet, on peut supposer que la proposition a séduit la plupart des personnes impliquées dans la préparation du discours de Powell, étant donné que la réunion du Conseil de sécurité n’avait lieu que quelques jours plus tard.
J’ai fait référence à cette NIE, à juste titre, comme étant la Putain de Babylone [référence biblique, NdT], qui avait tort sur chaque accusation majeure concernant les ADM en Irak. Je parle d’après mon expérience à la CIA en tant qu’ancien agent à la présidence des National Intelligence Estimates. Celle-ci a été élaborée non pas pour établir la vérité, mais plutôt pour « justifier » une guerre préventive contre l’Irak, où il n’y avait rien à craindre.
À leur crédit, les analystes État/INR avaient exprimé leur désaccord formel avec certaines de ses principales conclusions en septembre 2002.
Non, il n’est pas possible que Powell n’ait pas pu être au courant. Et il n’est pas difficile d’expliquer pourquoi Powell a choisi de rejeter ses propres analystes du renseignement, malgré leur réputation relativement solide. Je résisterai à la tentation de deviner la motivation de Powell, même si je l’ai beaucoup connu. À l’époque, nous avions l’habitude de passer quelques minutes à comparer nos notes avant mes briefings matinaux individuels avec son patron, le secrétaire à la défense Casper Weinberger, avec le President’s Daily Brief [NdT : Le President’s Daily Brief est un document présenté chaque matin au président des États-Unis, contenant un résumé d’informations classifiées en lien avec la sécurité nationale, collectées par différentes agences de renseignement américaines].
Je ne suis pas surpris, cependant, car Draper cite Powell expliquant sa décision de rester au poste de secrétaire d’État et de faire ce qu’on lui a dit : « Je savais que je n’avais pas le choix. C’est le président ». Draper ajoute que, « même si Powell ne l’admettait pas, le fait que Bush lui demande d’être celui qui présenterait le dossier contre Hussein à l’ONU était extrêmement flatteur. Cheney a adopté une approche plus directe : « Le vice-président m’a dit « Vous êtes l’homme le plus populaire d’Amérique. Faites quelque chose de cette popularité ».
La NIE tout usage sur les ADM irakiennes
Draper décrit le directeur de l’INR, M. Ford, comme ayant eu « mal au cœur » en regardant Powell à la télévision devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Le chagrin de Ford était largement partagé par les analystes sérieux du renseignement – ainsi que par nous, anciens élèves, qui observions la prostitution de ce qui avait été notre profession d’analyse du renseignement telle qu’on nous l’avait enseignée. Mais là, avec le temps de rédaction qui s’écoulait – un consensus approuvé par la communauté du renseignement déjà « dans les tuyaux » – l’estimation du renseignement national était destinée à enfumer.
Certes, on était loin de partir « de zéro ». C’est plutôt devenu un cas d' »ordures à l’entrée, ordures à la sortie ». Draper liste les éboueurs des services de renseignement : le directeur de la CIA Tenet, son adjoint McLaughlin, le président des NIE Robert Walpole, par exemple. Ils étaient coupables d’avoir truqué la NIE en premier lieu, et ensuite son dérivé que Powell a présenté en séance publique au Conseil de sécurité. Non, il ne s’agissait pas d’erreurs innocentes. Les renseignements étaient frauduleux dès le départ.
Je n’invente rien. Les membres du Veteran Intelligence Professionals for Sanity pouvaient voir ce qui allait se passer, et ont avisé Bush, l’après-midi du discours de Powell, de se méfier « de ces conseillers clairement enclins à une guerre pour laquelle nous ne voyons aucune raison impérieuse et dont nous pensons que les conséquences involontaires risquent d’être catastrophiques ». Le VIPS a fait suivre ce discours de deux autres mémos avant l’attaque de mars 2003 des États-Unis et du Royaume-Uni contre l’Irak.
La fuite du mémo de Downing Street, publié par le Times of London le 1er mai 2005, a presque fourni un « flagrant délit ». Le mémo, tiré d’un briefing du 23 juillet 2002 du Premier ministre Tony Blair par le chef des services de renseignement britanniques, de retour de consultations avec Tenet à Langley, montrait que la Maison Blanche avait déjà décidé d’attaquer l’Irak en vue d’un changement de régime et que « les renseignements et les faits étaient mis en place pour cette politique ». [C’est nous qui soulignons].
Ce sujet et d’autres détails sont abordés dans un chapitre que j’ai écrit en 2005, pour le livre Neo-CONNED Again ! [Encore une nouvelle escroquerie, NdT] que j’ai intitulé « Sham Dunk : Cooking Intelligence for the President ».[Fabriquer un faux, mitonner des renseignements pour le Président, NdT]
Malheureusement, pas un seul des nombreux fonctionnaires des services de renseignement au courant de ce qui se passait n’a contacté les médias ou n’a démissionné. En revanche, avant l’attaque contre l’Irak, trois hauts fonctionnaires du service extérieur, observant la situation depuis Athènes, Oulan-Bator et Washington, ont sommairement démissionné par principe – tant il était devenu clair que les États-Unis s’engageaient dans une sorte de « guerre choisie ».
La « guerre choisie » est plus formellement connue sous le nom de « guerre d’agression » – définie par le Tribunal de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale comme « le crime international suprême qui ne diffère des autres crimes de guerre que par le fait qu’il contient en lui-même le mal accumulé de l’ensemble ». (Pensez à la torture, par exemple, comme faisant partie de cette accumulation).
Tout aussi triste, aucun des auteurs du crime n’a eu à répondre de ce crime, ni même de la torture et des autres maux accumulés. Personne n’a eu à rendre des comptes. Le colonel Pat Lang et moi-même avons abordé cette question dans un article d’opinion en 2007 ; nous avons fait valoir que les États-Unis pouvaient difficilement se permettre de laisser la guerre en Irak se dérouler à la légère, même si cela impliquait de revenir en arrière pour examiner soigneusement ce qui s’était passé les années précédentes.
Quel est le résultat inévitable lorsque personne n’est tenu de rendre des comptes ?
Considérant tout cela plusieurs années plus tard, le chef de la commission sénatoriale du renseignement a annoncé le 5 juin 2008 les conclusions bipartites d’une étude quinquennale de sa commission selon lesquelles l’attaque contre l’Irak a été lancée « sous de faux prétextes ». Il a décrit les renseignements invoqués pour « justifier » la guerre contre l’Irak comme « non corroborés, contredits, voire inexistants ».
Des renseignements « inexistants » ?
Enfin, pour ceux qui pourraient continuer à croire que Powell et la conseillère à la sécurité nationale Condoleeza Rice (surnommée « champignon atomique »), par exemple, se sont trompés, plutôt que de mentir sur les armes de destruction massive en Irak, permettez-moi de vous suggérer de regarder cette très courte vidéo.
Alors, demandez-vous si l’Irak pourrait passer de zéro arme de destruction massive avant le 11 septembre à un formidable arsenal d’ADM à peine un an plus tard.
Les NIE : une grosse affaire
Depuis la création de la CIA, la NIE est le genre suprême d’analyse du renseignement et a bénéficié de l’apport d’autres agences de renseignement – ces dernières années, 17 d’entre elles. Le bilan de la NIE en matière de précision est mitigé. Par exemple, l’une d’entre elles, achevée en septembre 1962, disait que les Soviétiques n’essaieraient jamais de mettre des missiles à Cuba, alors que ceux-ci étaient en route.
Une NIE très professionnelle sur l’Iran en 2007, dirigée par un ancien directeur d’État à l’INR, a conclu unanimement « avec une grande confiance » que l’Iran avait cessé de travailler sur une arme nucléaire fin 2003. Il est évident que cette dernière a joué un rôle important pour contrecarrer la planification par Cheney et Bush d’une attaque contre l’Iran en 2008, leur dernière année de mandat. (Bush en dit d’ailleurs autant dans la partie de ses mémoires qu’il a écrites lui-même).
Ce serait cependant une erreur de mettre la NIE » Putain de Babylone » du 1er octobre 2002 avec toutes ces ADM irakiennes dans la catégorie de la malheureuse estimation de 1962 sur Cuba. Les conclusions de l’estimation sur l’Irak n’étaient pas erronées, elles étaient frauduleuses. Les conclusions ont été définies pour « justifier » une attaque non justifiée contre l’Irak.
Voici ce qui s’est passé et pourquoi c’est pertinent aujourd’hui. Tout au long de l’année 2002, M. Tenet, qui, en tant que directeur de la CIA, était en charge de l’ensemble de la communauté du renseignement ainsi que de la CIA, avait habilement évité de faire une estimation sur les ADM en Irak parce qu’il savait que les preuves étaient minces comme du papier à cigarettes. Alors que la campagne publique visant à justifier une attaque contre l’Irak s’intensifiait en septembre 2002, le chef de la commission sénatoriale du renseignement, Bob Graham (Démocrate-Floride), a demandé à Tenet de bien vouloir préparer une telle estimation. La réponse est revenue : peux pas ; trop occupé.
Sous la pression de Dick Durbin (Démocrate-Illinois), membre de la commission, Graham a rappelé Tenet et lui a dit, en substance : pas de NIE, pas de vote pour autoriser la guerre.
Après avoir informé la Maison Blanche, Tenet a obtenu l’autorisation de procéder à la préparation d’une NIE – à deux conditions. Elle devait se conformer aux accusations extrêmes sur les ADM irakiennes que Cheney a formulées lors d’un discours prononcé lors d’une convention de vétérans des guerres étrangères à Nashville le 26 août 2002 ; et la NIE devait être officiellement publiée avant la première semaine d’octobre, lorsque la Maison Blanche voulait un vote de la Chambre et du Sénat pour donner à Bush la permission de faire la guerre.
Pas de problème pour Tenet, qui s’est retrouvé le bénéficiaire final du compteur Geiger finement réglé de l’ancien directeur de la CIA Robert Gates pour les carriéristes et la corruptibilité dans la sélection des cadres supérieurs. Les responsables malléables promus à l’origine par Gates étaient heureux de pouvoir établir en un temps record une estimation officielle rédigée selon les spécifications de leur visiteur habituel : le vice-président Cheney. Il s’agit de la NIE sur la capacité d’armement de l’Irak que Draper décrit comme ayant été « élaborée en moins de trois semaines » en septembre 2002.
La corruption des escrocs : « Si désireux d’aider »
James Clapper, que le président Barack Obama a nommé directeur du renseignement national supervisant l’ensemble de la communauté du renseignement, était alors en charge de l’analyse des images satellites, avant l’attaque contre l’Irak. A-t-il dit à qui que ce soit qu’aucune ADM n’avait été découverte sur les images – la principale source de ce type de renseignement ? Eh bien, non. Au contraire, il se « penchait en avant ».
En novembre 2018, à la Fondation Carnegie, Clapper vantait son mémoire Facts and Fears : Hard Truths From a Life in Intelligence. [Les faits et les craintes : les dures vérités d’une vie dans le renseignement, NdT] Dans ce livre, Clapper attribue la responsabilité de la fraude qui en a résulté (qu’il appelle « l’échec ») pour trouver les ADM (inexistantes), selon ses propres termes, « à sa place – carrément sur les épaules des membres de l’administration qui défendaient un récit sur un programme hostile d’ADM en Irak et sur les agents de renseignement, dont je fais partie, qui étaient si désireux de nous aider à trouver ce qui n’existait pas vraiment ». (C’est nous qui soulignons) .
Clapper a expliqué :
« … nous avons appris que le vice-président Cheney faisait pression sur le Pentagone pour obtenir des renseignements sur les armes de destruction massive irakiennes, et ensuite l’ordre est venu [à Clapper en tant que directeur de la NIMA, l’Agence nationale d’imagerie et de cartographie] de trouver les sites d’ADM. Nous nous sommes mis au travail, en analysant l’imagerie pour finalement identifier, avec des degrés de confiance variables, plus de 950 sites où nous avons évalué qu’il pourrait y avoir des ADM ou quelque chose en lien avec des ADM. Nous avons fait appel à toutes les compétences de la NIMA… et tout était faux ».
Pendant la séance de questions et réponses, j’ai commenté l’empressement de Clapper à satisfaire les supérieurs pour lesquels il travaillait à l’époque, et à leur donner les informations qu’ils désiraient pour « justifier » des choses comme la guerre – au point de trouver « ce qui n’était pas vraiment là » ?
J’ai noté qu’exactement deux ans plus tôt, les Obama et les Clinton étaient désespérés à l’idée de mettre la victoire de Donald Trump sur le compte de l’ingérence russe. Et donc, je me suis demandé s’il s’agissait d’une répétition ? Est-ce que Clapper avait craqué et encore « trouvé ce qui n’était pas vraiment là » ? Ceci, je l’ai souligné, était la conclusion du VIPS, y compris de deux anciens directeurs techniques de la NSA qui avaient fait les recherches criminalistiques sur la façon dont les e-mails du DNC [Comité national démocrate, NdT] ont fini entre les mains de WikiLeaks – le travail que le FBI a décidé de ne pas faire.
Pourquoi pas une NIE sur l’ingérence russe ?
C’est là que le bât blesse. En décembre 2016, M. Clapper a rejeté une demande du président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, Devin Nunes (Républicain-Californie), de présenter aux membres un exposé sur l’ingérence présumée de la Russie dans l’élection de novembre.
Ce refus a incité M. Nunes à mettre en doute les récentes déclarations de la CIA, notamment sur l’existence ou non d’une évaluation de l’agence selon laquelle Moscou voulait aider Trump à gagner la présidence. « Nous voulons clarifier les rapports de presse selon lesquels la CIA dispose d’une nouvelle évaluation qu’elle ne nous a pas communiquée », a-t-il ajouté.
Nunes a été plus tranchant dans une lettre adressée au directeur du renseignement national, M. Clapper. Il a affirmé qu’il était « consterné » que la commission n’ait pas été informée des rapports selon lesquels la CIA avait révisé des informations qu’elle avait précédemment communiquées aux membres. Nunes a noté que lors d’une audience publique en novembre, Clapper a déclaré que les preuves reliant le gouvernement russe à WikiLeaks n’étaient « pas si solides », et que la communauté du renseignement n’avait pas « une bonne compréhension » de la question.
McGovern interroge Clapper au Carnegie Endowment à Washington. (Alli McCracken)
À peu près au même moment, plusieurs sénateurs démocrates, dont Patrick Leahy (Démocrate-Vermont) et Ben Cardin (Démocrate-Maryland), ont écrit une lettre à Clapper pour demander une NIE sur les « tentatives russes de manipuler la récente élection présidentielle américaine ».
« Étant donné la gravité de ces affaires, avec des implications sans précédent pour la sécurité nationale, nous pensons que notre communauté du renseignement doit donner la priorité à une NIE publique et concluante pour exposer les faits de cette grave affaire au peuple américain », ont insisté les sénateurs dans leur lettre.
Oups. Le canard boiteux Clapper et ses patrons ont soudainement développé une allergie de type Tenet à la préparation d’une NIE complète. La Maison Blanche a plutôt choisi de confier à Clapper une étude pour Obama. Les démocrates au Congrès pourraient bien avoir été avertis de la minceur des preuves (maintenant complètement discréditées) selon lesquelles la Russie a piraté les e-mails du DNC publiés par WikiLeaks. En tout cas, ils ont acquiescé à ce que Clapper a mal nommé une « évaluation de la communauté du renseignement » intitulée « Évaluation des activités et des intentions de la Russie lors des récentes élections américaines ».
Une NIE aurait bien sûr nécessité la participation des 17 agences de renseignement, dont certaines, comme l’État/INR, pourraient poser des questions gênantes sur les preuves ainsi que sur les conclusions. L’excuse boiteuse de Clapper selon laquelle il n’y avait pas assez de temps pour faire une NIE complète n’est pas sérieuse.
Après plusieurs mois de promotion de l' »évaluation de la communauté du renseignement » comme étant le produit des 17 agences de renseignement, Clapper a été forcé d’admettre au Congrès qu’en fait, seuls la CIA, le FBI et la NSA étaient impliqués ; et en fait, seulement des « analystes triés sur le volet » parmi ces trois agences. Ces satanés INR (avec leur expertise importante de la Russie) et Agence de renseignement de la défense, qui a la responsabilité de garder un oeil sur le GRU, l’agence de renseignement militaire russe présumée être à l’origine du piratage, ont notamment été exclus du processus.
L’ancien ambassadeur des États-Unis en Russie Jack Matlock a demandé à un ancien collègue pourquoi l’État/INR était exclu du processus. Son ami lui a expliqué simplement que l’INR n’était pas d’accord avec l’analyse – et ce n’était pas la première fois.
En d’autres termes, l' »évaluation de la communauté du renseignement » du 6 janvier 2017 a été délibérément organisée comme un effort collectif pour trouver les réponses que les patrons de Clapper à la Maison Blanche voulaient – une reprise de sa prestation avec l’analyse d’images sur les ADM en Irak.
Et c’est parti pour le Russiagate.
Cette escapade a peut-être en fait été plus facile pour Clapper, qui a peut-être cru à ce qu’il a dit lors d’une interview avec Chuck Todd sur NBC le 28 mai 2017, à savoir que les Russes sont « presque génétiquement poussés à coopter, pénétrer, gagner des faveurs, peu importe, ce qui est une technique typiquement russe ». Clapper ne voudrait certainement pas qu’un membre du Département d’État se mêle de sa grande maîtrise du génome russe.
Clapper et ses collègues ne sont plus en fonction et, selon certaines estimations, pourraient avoir la chance d’éviter la prison. Les mois à venir devraient voir une sorte de dénouement à tout cela – ou peut-être pas. « Nous verrons bien ce qui se passera. »
En tout cas, les enjeux sont très importants. En attendant, pourquoi pas une NIE sur le piratage russe du DNC. Avec tout le travail qui a déjà été fait, la préparation ne devrait pas prendre beaucoup de temps – à supposer que le travail puisse être examiné de près.
Ray McGovern travaille avec Tell the Word, une maison d’édition de l’Église œcuménique du Sauveur dans le centre-ville de Washington. Au cours de ses 27 ans de carrière en tant qu’analyste de la CIA, il a contribué au President’s Daily Brief, dirigé la branche de la politique étrangère soviétique et présidé les National Intelligence Estimates. Il fait toujours partie du groupe de direction du Veteran Intelligence Professionals for Sanity.
Source : Consortium News, Ray McGovern, 18-07-2020
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Commentaire recommandé
Cette histoire est le début de la fin du softpower US.
Depuis des décennies, l’establishment, l’état profond et Hollywood ont sué sang et eau , avec succés, à donner une image saine, attractive , bienveillante et sympathique des USA. Comme le sont souvent les gens là bas…. au premier abord. 🙂
Toutes les enquêtes d’opinion mondiales le montrent impitoyablement, depuis 2003, la côte de popularité des USA s’est effondrée même chez les « alliés ». Et même Saint Barack lui même n’as réussi à la redresser, un peu, que fort peu de temps. Alors avec Trump…
Mais le pire, c’est que l’indice de crédibilité est encore plus bas. C’est à dire que même des gens qui apprécient les USA n’ont plus confiance dans leurs déclarations.
Or, tout notre système est basé sur la confiance. Quand elle s’effondre, il ne reste plus que l’intimidation. Et ça ne dure jamais longtemps.
Les prétextes contre l’Irak étaient si grotesques que même un enfant de dix ans pouvait les démonter.
Depuis, c’est un festival de montages plus grotesques les uns les autres, de plus en plus rapidement et de plus en plus grossièrement. L’affaire Navalny est pathétique d’incohérences, d’absurdités et de timing. Et hier encore les USA décrètent des sanctions de l’ONU contre l’Iran… qui n’existent pas…et menacent le monde entier, y compris et surtout « les alliés »
Et au vu des années Obama, il est clair que même une victoire des dems ne changera rien.
Un pays peut éventuellement vivre dans la haine ou la peur des autres. Pas dans le dégoût ni le mépris
9 réactions et commentaires
« Le chagrin de Ford était largement partagé par les analystes sérieux du renseignement – ainsi que par nous, anciens élèves, qui observions la prostitution de ce qui avait été notre profession d’analyse du renseignement telle qu’on nous l’avait enseignée. »
Oui, oui, et combien d’entre eux se sont manifestés pour clamer haut et fort que la prestation de Powell n’était qu’un tissu de mensonges?
Zéro? Qui ne dit mot consent…
N’est pas Daniel Ellsberg qui veut.
+8
Alerter« La « guerre choisie » est plus formellement connue sous le nom de « guerre d’agression » – définie par le Tribunal de Nuremberg »
Et on attend toujours que soient jugés les responsables de cette guerre d’agression… Ils sont toujours vivants, non?
+10
AlerterSi tous les responsables de guerres d’agression (extérieures ou contre « leur » propre peuple – cf. GJ) étaient tous traduits devant la CPI v2 (La CPI est une fumisterie de la « communauté internationale » pour faire des procès staliniens de dirigeants qui refusent de céder) je ne pense pas qu’il resterait beaucoup de « dirigeants démocratiques » en liberté dans les « grandes démocrassies occidentales ».
Si de plus ils devaient (avec leurs commanditaires bien sûr) indemniser en premier lieu « leur » propre population, puis les victimes des pays qu’ils ont détruits et « ramenés à l’âge de pierre » j’ai le sentiment que les « dettes publiques » fondraient soudain comme neige au soleil.
Hélas, c’est une très vielle tradition humaine qui remonte à l’époque où les hommes ont eu la stupidité de confier leur sort à des « élites » autoproclamés sans possibilité de les contrôler ni de pouvoir les critiquer ou les « répudier », « élites » qui ne doivent rendre de comptes à personne (les « élections » étant une fumisterie de plus pour permettre à la caste dirigeante de faire une partie de chaises musicales sans pour autant perdre ses privilèges).
Si déjà la première leçon de TOUTES les guerres était enseignée à la population il n’y aurait plus d’invasions :
La première victime d’une guerre est TOUJOURS la population du pays agresseur qui doit, outre le financement intégral des opérations (pour le plus grand profit des opportunistes) payer de son propre sang les massacres qui s’ensuivent pendant que les « élites » restent bien à l’abri dans leurs palais luxueux.
Même les pires dictateurs sanguinaires (souvent mis en place par « nos » gouvernants – Oups!) n’ont pas à être combattus tant qu’ils n’agressent pas directement notre population sur notre sol national.
Dans le cas de l’Irak, les seuls qui auraient eu le droit légitime d’agresser ce pays sont L’Iran et le Koweit.
L’Iran n’avait rien demandé et l’agression irakienne était « suggérée » par la « communauté internationale » et les pétromonarchies, et dans le cas du Koweit, ils l’avaient bien cherché en plantant à plusieurs reprises des poignards dans le dos de « l’ignoble » Saddam.
+6
AlerterSi les services de renseignements présentaient des analyses « libres et non faussées » ça se saurait.
Depuis toujours, les infos des « barbouzes » ont toujours été bricolées pour plaire au Prince, que ce soit par ledit Prince, par son entourage, par des opportunistes et même par les barbouzes elles-mêmes dans un souci de ne pas déplaire à « dieu ».
Comme de toutes façons les services de « renseignements » et tous les services de « l’état » sont directement financés par le « prince » (par le biais de l’impôt payé par les gueux) il ne faut surtout pas s’attendre à des analyses qui ne seraient pas en total accord avec les souhaits de la monarchie absolue (tous systèmes politiques confondus).
Certes, de nos jours les gouvernants n’envoient plus des bataillons de Waffen SS exterminer les « ennemis internes de l’état » mais on en est pas loin et les voix « dissidentes » se retrouvent toutes dans des positions plus qu’inconfortables si par malheur elles ont le malheur d’exprimer leurs doutes en public.
N’oubliez JAMAIS qu’à partir du moment où un « dirigeant » (ou un groupe le manipulant) peut sans contrainte faire valoir son « bon plaisir » la vérité est condamnée à passer à la trappe.
Que ce soit pour des décisions d’ordre militaire, d’asservissement de la population ou pour rabaisser les revenus de la majorité au profit des dirigeants et de leurs « bons amis ».
Vous avez dit « démocrassie » ?
+8
AlerterLa France doit être une république car il ne faut surtout pas qu’elle soit une démocratie.
Seyes.
Tout est dit.
+4
AlerterCette histoire est le début de la fin du softpower US.
Depuis des décennies, l’establishment, l’état profond et Hollywood ont sué sang et eau , avec succés, à donner une image saine, attractive , bienveillante et sympathique des USA. Comme le sont souvent les gens là bas…. au premier abord. 🙂
Toutes les enquêtes d’opinion mondiales le montrent impitoyablement, depuis 2003, la côte de popularité des USA s’est effondrée même chez les « alliés ». Et même Saint Barack lui même n’as réussi à la redresser, un peu, que fort peu de temps. Alors avec Trump…
Mais le pire, c’est que l’indice de crédibilité est encore plus bas. C’est à dire que même des gens qui apprécient les USA n’ont plus confiance dans leurs déclarations.
Or, tout notre système est basé sur la confiance. Quand elle s’effondre, il ne reste plus que l’intimidation. Et ça ne dure jamais longtemps.
Les prétextes contre l’Irak étaient si grotesques que même un enfant de dix ans pouvait les démonter.
Depuis, c’est un festival de montages plus grotesques les uns les autres, de plus en plus rapidement et de plus en plus grossièrement. L’affaire Navalny est pathétique d’incohérences, d’absurdités et de timing. Et hier encore les USA décrètent des sanctions de l’ONU contre l’Iran… qui n’existent pas…et menacent le monde entier, y compris et surtout « les alliés »
Et au vu des années Obama, il est clair que même une victoire des dems ne changera rien.
Un pays peut éventuellement vivre dans la haine ou la peur des autres. Pas dans le dégoût ni le mépris
+13
AlerterJe me souviens que voyant Colin Powell à la télévision montrant ses ‘preuves’, j’ai osé dire quelque-chose comme quoi c’était une grossière arnaque. Ma vieille tante qui avait pourtant l’esprit ouvert, cultivée, une connaissance réelle du monde, m’a proprement engueulé : « Comment oses-tu remettre en cause une des plus importante personnalité des États-Unis ? » (ou approchant).
J’étais virtuellement déshérité et réduit à l’état de petit crétin hargneux et irresponsable.
Ce que je ne nie pas.
Mais j’avais raison.
Comme des dizaines de milliers d’autres qui ont manifesté contre, pour RIEN.
Normal : un sondage (faux bien entendu) ‘disait’ que tous les dirigeants des grandes entreprises approuvaient cette guerre.
Le Spectacle qu’ILS nous jouent abuse encore quelques-uns.
La preuve, notre EMpereur Macron a été élu !
+8
AlerterPOWEL, POWEL certes, ce n’est pas un lampiste mais Cheney et Rumsfeld s’en tire toujours mieux dans ces accusations alors qu’ils sont les véritables commanditaires
+4
AlerterVoici le lien d une conférence du Colonel Wilkerson (bras droit de Colin Powell avec qui il a ecrit le fameux discours de l ONU). Cette conférence parle du lobby militaro industriel aux etats unis. Je pense qu il serait intéressant pour le site de sous titrer et de mettre en ligne
Cordialement
https://youtu.be/elorN_NsbMQ
+0
AlerterLes commentaires sont fermés.