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8.octobre.20208.10.2020 // Les Crises

Procès Assange Jour 7 : Ellsberg et Goetz à la barre des témoins

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Source : Consortium News
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Consortium News suit virtuellement le déroulé du procès de Julian Assange à Old Bailey à Londres. Chaque jour, il publie un compte rendu détaillé de l’audience. L’équipe Les-Crises vous en propose la traduction exclusive.

Ellsberg et Goetz à la barre des témoins

3h45 EDT : Daniel Ellsberg, le célèbre lanceur d’alerte des Pentagone Papers, et le journaliste allemand John Goetz seront à la barre virtuelle en tant que témoins de la défense ce mercredi.

Goetz, ancien journaliste du Spiegel, était présent lors d’un dîner à Londres en 2010 avec les rédacteurs du Guardian, au cours duquel l’accusation prétend que Julian Assange a déclaré que les informateurs révélés dans une publication de WikiLeaks méritaient de mourir. Goetz a déclaré dans des articles de presse que Julian Assange n’avait jamais dit une telle chose. On peut s’attendre à ce qu’il dise la même chose sous serment ce mercredi.

Ellsberg témoignera probablement sur le rôle de la presse et les protections du Premier Amendement dont elle bénéficie pour la publication d’informations classifiées, en s’appuyant sans doute sur son expérience dans l’affaire des Pentagone Papers. L’audience commence à 5h EDT, 10h BST et 19h AEST [Australian Eastern Standard Time: Heure de la côté Est de l’Australie, NdT].

Goetz témoigne qu’Assange a fait attention aux expurgations ; il est empêché de répondre à la remarque sur le dîner

6h15 EDT : John Goetz, ancien reporter du Spiegel, est venu à la barre et a tenté de rétablir la vérité sur la séquence des événements qui ont conduit WikiLeaks à publier des câbles diplomatiques non expurgés le 2 septembre 2011.

Goetz a expliqué au procureur James Lewis que c’est la publication du mot de passe de l’ensemble des archives des câbles non expurgés par les journalistes du Guardian David Leigh et Luke Harding dans leur livre de 2011 qui a conduit le site web Cryptome à publier ces archives le 1er septembre. Goetz a tenté d’expliquer à Lewis que WikiLeaks a ensuite republié ces archives, et n’a pas été le premier à publier des noms non expurgés comme Lewis tente de l’établir.

Lewis, apparemment perturbé, a alors commis l’erreur de confondre les journaux de guerre afghans avec les câbles diplomatiques et a été corrigé par Goetz.

Sous examen direct, Goetz a établi que Julian Assange a insisté pour prendre des mesures de sécurité avec les documents tandis que Goetz, pour Der Speigel, travaillait avec le Guardian et le New York Times sur les dossiers afghans. Goetz a également témoigné qu’Assange a participé à l’effort de suppression des noms des informateurs avec les autres organisations de presse. Après que les câbles aient été partagés avec la pré-publication du gouvernement américain, WikiLeaks a demandé à la Maison Blanche et à l’armée américaine en Afghanistan de suggérer des noms qui devraient être expurgés et aussi une aide technique.

Goetz a également souligné que dans le procès de Chelsea Manning, il a été établi qu’aucun informateur nommé n’avait été blessé.

Lorsque l’avocat de la défense Mark Summers a essayé de se concentrer sur un élément clé de l’affaire de l’accusation – à savoir qu’Assange a déclaré lors d’un dîner que les informateurs méritaient de mourir, selon le livre des journalistes du Guardian – Lewis a objecté que ce cas ne figurait pas dans le témoignage écrit du témoin et qu’une déclaration de témoin supplémentaire aurait dû être déposée.

La juge Vanessa Baraitser a donné raison à l’accusation et n’a pas autorisé Summers à poursuivre les interrogatoires sur le dîner. Goetz a précédemment déclaré dans des comptes rendus de presse qu’Assange n’avait fait aucune déclaration de ce type et aurait probablement témoigné à cet effet, mais le tribunal n’a jamais pu l’entendre. Le fait qu’aucune loi américaine ne rende illégale la publication des noms des informateurs remet en question la pertinence des efforts du gouvernement pour se concentrer sur la publication de noms non expurgés.

7h35 EDT : L’audience a été ajournée alors que les équipes juridiques adverses discutent de la manière de présenter comme preuve une déclaration de Khaled El-Masri, qui a été kidnappé en Macédoine du Nord par des agents de la CIA et envoyé dans un site secret en Albanie où il a été sodomisé, selon Goetz, qui a ensuite retrouvé ces agents de la CIA vivant en Caroline du Nord.

Le reportage de Goetz dans Der Spiegel a conduit à une enquête parlementaire allemande et au dépôt d’un mandat d’arrêt par les procureurs de Munich pour ces hommes de la CIA, car El-Masri est citoyen allemand. Mais le mandat n’a jamais été émis aux États-Unis, où ils vivaient.

Goetz a témoigné que ce n’est qu’après la publication de câbles diplomatiques par WikiLeaks qu’il a compris pourquoi. Il a déclaré à la barre que les câbles montraient l’immense pression exercée par les États-Unis sur l’Allemagne pour qu’elle ne délivre pas de mandats d’arrêt américains, mettant en garde contre de graves répercussions sur les relations américano-allemandes.

Lewis, sans surprise, a soutenu devant le juge que le témoignage écrit d’El-Masry n’était pas accepté comme preuve par les États-Unis et qu’il contesterait son admissibilité car les États-Unis soutenaient qu’il n’était pas pertinent pour l’affaire Assange. Lewis a alors proposé un compromis pour permettre des modifications de la déclaration. Nous attendons que le tribunal reprenne ses travaux.

L’audience est suspendue pour discuter de la déposition des témoins

9h25 EDT : L’audience est toujours suspendue car les deux parties discutent probablement encore de la question de savoir si la cour va entendre le témoignage de Khaled El-Masri, et si oui, dans quelle mesure. Dan Ellsberg est censé témoigner lors de la séance de l’après-midi. « J’ai besoin d’une solution au problème », vient de déclarer la juge Baraitser.

Ellsberg et Goetz réfutent que des informateurs aient été blessés et que Assange aurait été le premier à divulger leurs noms

14h15 EDT : le témoignage d’Ellsberg est terminé et la cour est en suspens jusqu’à 10h BST jeudi. La question de la prétendue divulgation des noms des informateurs par Assange a de nouveau été au centre des débats alors que le gouvernement tente de construire son argumentation sur cette base.

Cependant, trois questions importantes sur le sujet sont apparues dans les témoignages jusqu’à présent :

1. Il n’est pas interdit par la loi de révéler les noms des informateurs.

2. Assange n’a pas révélé les noms des informateurs en premier.

3. Pas un seul informateur n’est connu pour avoir été blessé suite à la révélation de son nom.

Dans son témoignage du matin, le journaliste allemand John Goetz, qui a collaboré avec WikiLeaks en 2010, a tenté de rétablir les faits sur la séquence des événements. Il a déclaré que Assange avait travaillé dur pour expurger les noms et qu’il était même « paranoïaque » quant à la sécurité des documents. Assange a demandé à la Maison Blanche et au Département d’Etat de l’aider pour expurger les noms.

WikiLeaks avait prévu de prendre une année pour diffuser lentement les parties non publiées de ses archives de fuites afin de les expurger autant que possible. Mais les journalistes du Guardian David Leigh et Luke Harding ont publié le mot de passe de ces archives dans leur livre publié en février 2011.

Un journal allemand, Der Freitag, a appris l’existence du mot de passe et l’a publié même si Assange s’est efforcé de les convaincre de ne pas le faire en raison du risque de révéler les noms des informateurs. Après que Freitag l’ait publié, Cryptome a publié l’ensemble des archives non expurgées sur son site web le 2 septembre 2011.

WikiLeaks a alors pris la décision de publier également l’ensemble des archives le lendemain pour aider à alerter les informateurs afin qu’ils puissent se mettre en sécurité. Néanmoins, le gouvernement tente de présenter Assange comme un irresponsable mettant des personnes en danger.

Le procureur James Lewis a également cité un extrait du livre du Guardian pour accuser Assange d’avoir déclaré lors d’un dîner à Londres que des informateurs méritaient de mourir. Goetz était présent à ce dîner et a déclaré précédemment qu’Assange n’avait jamais dit une telle chose. Lorsque l’avocat de la défense Mark Summers a commencé à l’interroger à ce sujet, Lewis y a fait objection et la juge Vanessa Baraitser l’a soutenu.

Ellsberg témoigne

Daniel Ellsberg, pour la défense, a commencé par comparer les communiqués de WikiLeaks au Pentagone Papers, en disant qu’ils avaient tous deux « le plus grand intérêt public ». Ellsberg a déclaré que les publications de WikiLeaks étaient les premiers communiqués « en 40 ans qui montraient un modèle » dans l’élaboration des politiques et, comme les documents sur le Vietnam, montraient que les guerres d’Afghanistan et d’Irak se déroulaient mal et que le gouvernement mentait au peuple américain à leur sujet.

Ellsberg a fait une observation astucieuse en affirmant que les rapports de terrain divulgués par Manning contenaient des informations sur la torture américaine et un programme d’assassinat qui n’auraient jamais figuré dans de tels rapports au Vietnam, qu’Ellsberg a déclaré avoir lui-même écrit lorsqu’il travaillait à l’ambassade américaine de Saïgon pendant la guerre.

L’existence de tels programmes, a-t-il dit, aurait été limitée aux plus hauts niveaux du gouvernement. Le fait que des milliers de personnes aient les autorisaions nécessaires pour lire les rapports que Manning a divulgués montre que la torture et les assassinats ont été « normalisés ».

En contre-interrogatoire, Lewis a souligné qu’Assange n’était pas poursuivi pour la vidéo Collateral Murder, qu’Ellsberg avait mentionnée en direct, mais plutôt pour avoir publié les règles classifiées d’engagement en Irak.

Ellsberg a déclaré que les règles d’engagement étaient nécessaires pour montrer les preuves de crimes de guerre dans la vidéo. Si le gouvernement avait pris des mesures contre les pilotes qui rient en tuant des hommes innocents, le public américain l’aurait accepté. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Au lieu de cela, ils poursuivent l’homme qui a publié les preuves incriminantes.

Ellsberg n’a pas aseptisé son discours

Lewis a ensuite tenté de prouver qu’Ellsberg avait été prudent en publiant les Pentagone Papers en retenant quatre volumes contenant des détails sur les négociations de paix au Vietnam en cours à l’époque. Ellsberg a déclaré qu’il avait fait cela parce qu’il ne voulait pas faire obstacle à la diplomatie et que si les pourparlers échouaient, le gouvernement pourrait le blâmer.

Mais il a ensuite sapé l’argument de Lewis en témoignant qu’il n’avait pas expurgé le moindre nom d’informateur ou même d’agent de la CIA sous couverture (ce qu’il savait être illégal) afin que les expurgations ne soient pas utilisées comme excuse pour saper la crédibilité des documents.

Ellsberg a témoigné qu’il rejetait la notion qui s’était développée dans les médias grand public du Bon Ellsberg, du Mauvais Assange. Il a déclaré qu’en fait, Assange avait, contrairement à lui-même, expurgé des noms, retenu 15 000 documents sensibles, et avait demandé au Pentagone et au Département d’État de l’aider à faire d’autres expurgations. Mais tous deux avaient refusé de l’aider. Ellsberg a spéculé que cela avait été fait pour que le gouvernement puisse le poursuivre plus tard pour avoir révélé des noms, ce qu’il fait maintenant.

Lewis a rétorqué : « Alors, c’est entièrement la faute des gouvernements ».

« Oui, ils portent une lourde responsabilité », répondit Ellsberg.

Il a déclaré que le gouvernement était « très cynique » en feignant soudainement de s’inquiéter pour les informateurs alors qu’ils n’ont pas essayé de les aider lorsque Assange les a approchés.

C’est à ce moment qu’Assange a commencé à parler fort, derrière sa cage de verre, et que Baraitser l’a averti qu’il serait renvoyé du tribunal s’il continuait.

Ellsberg a déclaré que le cynisme du gouvernement était encore plus marqué lorsque les guerres américaines au Moyen-Orient au cours des 19 dernières années avaient causé un million de morts et 37 millions de réfugiés. « Il est extrêmement cynique pour eux de prétendre qu’ils se soucient de ces gens », a déclaré M. Ellsberg.

Il a également tenu bon lorsque Lewis a lu la déclaration écrite sous serment de l’assistant du procureur américain Gordon Kromberg concernant de nombreux informateurs qui ont été menacés à cause des publications de WikiLeaks. Ellsberg a contesté le fait que quelqu’un ait réellement été blessé ou même menacé. Lewis n’a pas pu établir si quelqu’un l’avait réellement été.

Le procès se poursuit

Le père d’Assange a parlé aux médias par la suite :

Source : Consortium News, 16-09-2020
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

SanKuKaï // 08.10.2020 à 10h05

Tout ce procès est vraiment une incroyable comédie. Les agents dont les noms ont été révélés faisaient-ils du tourisme? Non, ils avaient des activités illégales dans les pays où ils officiaient. Une activité illégale est risquée par définition. S’ils avaient été des agents Russes aux USA, ils seraient tous en prison et les journaux étrangers qui auraient mentionné leurs noms auraient une médaille. Au final c’est la Mafia qui juge les gens qui les empêchent de magouiller, c’est le monde à l’envers.

3 réactions et commentaires

  • RGT // 08.10.2020 à 09h34

    « Il a déclaré que le gouvernement était « très cynique » en feignant soudainement de s’inquiéter pour les informateurs ».

    Inquiétude réellement feinte, les USA se foutant totalement du sort des informateurs, voire même les « donnant » pour en retirer un quelconque avantage.

    Comme pour les les bidasses « de base », les informateurs ne sont pour les « élites » du pentagone que de la chair à canon sacrifiable à merci.

    Seul l’intérêt « stratégique » (profits immédiats) compte et s’il faut que quelques millions de « moins que rien » périssent pour que la finance et l’industrie de l’armement se portent bien c’est juste un « dégât collatéral insignifiant » (même un bienfait car ça fait baisser le nombre de « bouches inutiles à nourrir »).

    Et les USA ne sont pas la seule nation à pratiquer ces « bienfaits », les « élites » se contentant dans toutes la nations de cette planète d’endoctriner de force la population au nom de la « patrie » et faisant passer les sceptiques pour des traîtres qu’il faut absolument faire passer devant une cour martiale afin qu’ils soient menés d’urgence au poteau d’exécution.

    Nommez-moi UN SEUL pays dont les dirigeants n’ont pas utilisé ces pratiques barbares.
    Même la « Sainte Suisse » n’a pas les « cuisses propres » et ses « élites » se débrouillent aujourd’hui pour que des « pays amis » fassent le sale boulot à leur place.

    Par contre, dans le cas des USA, ce comportement atteint son paroxysme et ce pays, pour préserver les intérêts de « ses élites » ne se gêne pas pour ouvertement foutre le bordel sur la planète entière.

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  • SanKuKaï // 08.10.2020 à 10h05

    Tout ce procès est vraiment une incroyable comédie. Les agents dont les noms ont été révélés faisaient-ils du tourisme? Non, ils avaient des activités illégales dans les pays où ils officiaient. Une activité illégale est risquée par définition. S’ils avaient été des agents Russes aux USA, ils seraient tous en prison et les journaux étrangers qui auraient mentionné leurs noms auraient une médaille. Au final c’est la Mafia qui juge les gens qui les empêchent de magouiller, c’est le monde à l’envers.

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    • Rémi // 08.10.2020 à 14h23

      Attention, je doute qu’être informateur américian en Afghanistan soit illégal. De même dans l’IRak d’après l’invasion. Ceci dit lorsque vous collaborez avec les forces américaines vous prenez le risque d’aider un pays qui n’est pas le votre et qui n’est pas particulièrement aimé. C’est donc á vos risques et périls.
      De plus le gouvernement américian semble avoir perdu pas mal d’espions pour des mesures de sécurisations insuffisantes et cela ne venait pas de Wikileak.

        +2

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