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5.septembre.20245.9.2024 // Les Crises

Projet 2025 : la nouvelle Pax Romana des partisans de Trump

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Il y a près de 2 000 ans, le poète romain Juvénal inventait l’expression « Du pain et des jeux » pour qualifier les divertissements extravagants auxquels l’Empire romain avait recours pour détourner l’attention du public de politiques impériales qui suscitaient un mécontentement généralisé. Imaginez les banquets somptueux, les combats de gladiateurs, les sévices infligés aux jeunes hommes et jeunes femmes pour le plaisir des riches, et bien d’autres choses encore qui ont caractérisé les dernières années de cet empire. Et tout cela ne semble pas si éloigné de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, dans ces États-Unis de plus en plus désunis.

Source : TomDispatch, Liz Theoharis, Shailly Gupta Barnes
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Bien que l’Empire romain se soit décrit comme étant en faveur de la vie et de la paix, les différents Césars et leurs partisans semaient régulièrement la mort et la destruction dans leur sillage. Ils ont répandu la Pax Romana (la paix romaine), avec notamment un système fiscal qui condamnait les pauvres à la servitude pour dettes, une armée qui répandait la terreur et la violence dans la totalité du monde connu de l’époque, et une instance dirigeante qui dressait les unes contre les autres des communautés entières, tout en légiférant pour déterminer qui pouvait s’associer avec qui (en adoptant des lois sur le mariage, par exemple, qui interdisaient les mariages homosexuels, interraciaux ou même interclasses). L’empereur au pouvoir à l’époque de Jésus, César Auguste, était connu pour avoir inauguré un âge d’or des valeurs morales qui allait de pair avec cette Pax Romana, ce qui signifiait la guerre et la mort, en particulier pour les pauvres.

Quelques millénaires plus tard, ce monde offre une étrange ressemblance avec les distractions médiatiques, la violence et les politiques régressives que les partisans de MAGA [Make America Great Again, devise de Trump, NdT] et d’autres extrémistes défendent à notre époque. Qu’il s’agisse de l’affirmation de Donald Trump : « Moi seul peux résoudre vos problèmes », des attaques de la Cour suprême et des législations des États contre les droits reproductifs, le mariage homosexuel et les jeunes transgenres au nom des valeurs familiales, des coupes budgétaires dans la protection sociale, les soins de santé, les droits des travailleurs et d’autres programmes essentiels à la vie afin de protéger les intérêts des entreprises, de la militarisation sans fin des populations en autorisant la prolifération des armes (en particulier des fusils AR-15), tout en n’offrant que des condoléances et des prières pour les victimes de la violence, le mouvement MAGA se fait le chantre de guerres culturelles et de politiques extrémistes sous la bannière du nationalisme chrétien. Ce faisant, ses dirigeants peaufinent leur mépris pour les exclus, les exploités et les rejetés, mépris qui frappe d’abord et avant tout les pauvres, mais qui a des conséquences sur l’ensemble de la société.

Et aujourd’hui, après des décennies de pillage néolibéral et le couronnement d’un nationaliste chrétien revendiqué – le président de la Chambre Mike Johnson – qui occupe le troisième poste le plus puissant du gouvernement, la droite chrétienne et ses riches mécènes ont les yeux rivés sur un projet de prise de pouvoir encore plus ambitieux : le Projet 2025. Présenté dans le cadre du Projet de transition présidentielle 2025 de la Heritage Foundation, il s’agit d’un plan tentaculaire visant à optimiser le pouvoir présidentiel en faisant appel à des centaines de nouveaux militants politiques qui seront spécialement formés et déployés tout au long de la prochaine présidence de Donald Trump. Ce projet a été récemment affiché lors de la Convention nationale Républicaine et il a été rendu d’autant plus plausible par la récente tentative d’assassinat dont Trump a fait l’objet en utilisant ( eh oui !) un AR-15 ! Le document de près de 900 pages présente un plan visant à accroître la puissance militaire des États-Unis, à réduire les programmes de protection sociale et à donner la priorité au « mariage traditionnel ». Reflétant le Parti républicain d’aujourd’hui, parti qui compte plusieurs organisations nationalistes chrétiennes et des milliardaires parmi ses 100 sponsors institutionnels, le Projet 2025 est une feuille de route pour ce que l’on pourrait considérer comme une nouvelle Pax Romana.

Le projet officiel 2025 prend la main

Comme l’explique le site officiel du Projet 2025 (et franchement, est-ce que ce ne semble pas venir directement du candidat à la vice-présidence J. D. Vance ?) : « Que les conservateurs gagnent les élections n’est pas suffisant. Si nous voulons sauver le pays de l’emprise de la Gauche radicale, il nous faut un programme de gouvernement et les personnes adéquates en place, prêtes à le mettre en œuvre dès le premier jour de la prochaine administration des conservateurs ». Bien que ses auteurs adoptent sans aucune réserve le discours populiste conservateur – en fustigeant le wokisme et les « Marxistes Culturels » – la question essentielle du projet est de savoir comment permettre à une petite minorité de chrétiens riches, essentiellement blancs et masculins, d’exercer un contrôle toujours plus grand sur les citoyens et les ressources.

La confiscation totale de l’État est l’objectif ultime poursuivi par les artisans du nationalisme chrétien. Le Projet 2025 clarifie simplement la manière dont ils prévoient de mettre en œuvre leur volonté de puissance. Chacun de ses chapitres – depuis « la prise des rênes du gouvernement » en centralisant l’autorité exécutive dans le bureau du président, jusqu’ à la garantie de la « défense commune » par le renforcement de toutes les branches de l’armée – vaut la peine d’être passé en revue.

Le chapitre le plus long porte sur le « bien-être général » et il ne faut pas s’étonner que les ministères de l’agriculture, de la santé et des services sociaux, ainsi que celui du logement et du développement urbain fassent l’objet d’importantes coupes budgétaires, notamment :

  • Imposer des critères d’éligibilité encore plus stricts, ainsi que des exigences en matière d’emploi et une évaluation des actifs afin de limiter l’accès à Medicaid, alors que plus de 23 millions d’Américains ont été exclus de ce programme depuis 2023 ;
  • Revoir la façon dont le « Thrifty Food Plan » est formulé pour restreindre au maximum les prestations de coupons alimentaires, tout en imposant pour le Supplemental Nutritional Assistance Program (SNAP), de sévères contraintes dans le domaine de l’emploi alors même que la plupart de ses bénéficiaires ont un emploi et/ou font partie de ménages avec des enfants, des personnes âgées ou des personnes handicapées;
  • Mettre fin à la gratuité universelle des repas scolaires en supprimant la « disposition d’éligibilité communautaire », qui permet aux districts scolaires ayant un taux de pauvreté élevé de fournir des programmes de petit-déjeuner et de déjeuner gratuits à tous les enfants qui en ont besoin,
  • Éliminer le programme Head Start [Head Start est un programme du Département de la Santé, de l’éducation et des services sociaux des États-Unis qui fournit une éducation complète, des services d’implication parentale, de santé, de nutrition, aux enfants à faibles revenus et à leurs famille, NdT], alors que 39 millions d’enfants et de familles en ont bénéficié depuis 1965, et que plus de 800 000 familles pauvres avec de jeunes enfants en bénéficient actuellement, et tout cela, parallèlement à la suppression du ministère de l’Education,
  • Mettre fin aux programmes « Housing First » [programme pour loger les sans abris, NdT] et interdire aux non-citoyens, et même aux familles à statut mixte, de vivre dans des logements publics à loyers modérés,
  • Et imposer un « programme de vie » et un « programme de famille » qui restreindront l’accès à l’avortement et aux droits reproductifs et limiteront les droits des personnes LGBTQ+.

De telles propositions seraient sans aucun doute profondément impopulaires. En fait, au fur et à mesure que les gens en apprennent davantage sur le Projet 2025, l’opposition grandit, même au-delà des clivages politiques. La plupart des Américains souhaitent un gouvernement qui prenne en charge les plus démunis, qui constituent un segment croissant de la population et de l’électorat, un gouvernement qui soutienne le droit à l’avortement, le droit de vote et la liberté d’expression. Au moins 40 % d’entre nous – 135 à 140 millions de personnes – sont soit pauvres, soit à deux doigts de la ruine économique, dont 80 millions d’électeurs potentiels. Les réductions en matière de protection sociale prévues dans le Projet 2025 auraient pour effet de faire basculer un grand nombre de personnes au-delà du seuil de pauvreté et de les acculer à la ruine financière.

Même Donald Trump a tenté de prendre ses distances par rapport au Projet 2025, alors que l’attention se portait sur son programme clairement de nature à susciter la (di)vision. Cependant, plus de la moitié des auteurs, rédacteurs ou contributeurs du projet ont fait partie, à un moment ou un autre de son administration – et il ne fait de doute pour personne que son candidat à la vice-présidence est à 100 % un adepte de ce projet !

Le processus est déjà engagé, de façon informelle

Toutefois, plus terrifiant encore que le soutien de Trump ou de Vance à ce projet régressif est le fait que, malgré une aversion populaire vis-à-vis de ce type de politique, une seconde présidence Trump ne sera peut-être pas nécessaire pour mettre en œuvre des parties significatives du Projet 2025. En ce sens, il reflète le monde antique de la Pax Romana. Plutôt que de dépendre de tel ou tel empereur, cette « paix » était un programme politique et idéologique qui punissait les pauvres et marginalisait énormément de gens, tout en maintenant tous les citoyens dans le droit chemin.

D’après ses récents arrêts, il est clair que la Cour suprême est en train d’accélèrer le calendrier du Projet 2025 sur le plan de la justice, à la fois en termes de nouvelles politiques particulières mais aussi en termes de mainmise sur le pouvoir de l’exécutif qui est au cœur de ce mandat (et maintenant des décisions de la Cour). En juin, par exemple, elle a statué en faveur de la ville de Grants Pass, dans l’Oregon, qui a adopté une loi permettant d’infliger des amendes, des peines d’emprisonnement et, finalement, l’expulsion de ses habitants sans logements. Ce précédent ne fera qu’exacerber un terrain déjà hostile auquel sont confrontées les personnes sans domicile, en donnant une assise solide au plan de 2025 visant à éliminer encore plus de projets de construction de logements.

Pire encore, comme l’a récemment souligné Elie Mystal, du quotidien The Nation, en quelques semaines seulement, la Cour a « légalisé la corruption des fonctionnaires, déclaré le président des États-Unis entièrement exonéré de poursuites pénales pour « actes officiels » et fait dépendre la compétence d’édicter des réglementations de l’approbation de la Cour, instance non élue ». Comme il le souligne, « Aucune législation ne peut résoudre les problèmes que la Cour a créés… [et] elle continuera de faire tout ce que les Républicains demandent et pour lequel personne ne l’a élue ».

En outre, dans l’arène législative, les débats du Congrès autour de la Farm Bill font écho au Projet 2025 de réduire l’aide alimentaire en limitant les modifications du Thrifty Food Plan, la formule actuelle qui détermine les allocations du Supplemental Nutrition Assistance Program [SNAP, carte donnant accès à l’achat de nourriture pour les personnes précaires, NdT]. Au niveau des États, par exemple, une majorité Républicaine au Kansas a voté l’année dernière pour passer outre le veto du gouverneur et adopter des obligations en matière d’emploi pour les bénéficiaires plus âgés du SNAP.

Somme toute, plusieurs des priorités du Projet 2025 sont déjà mises en œuvre au niveau local et étatique, les droits reproductifs, les droits des LGBTQ+, l’éducation publique, les programmes d’aide sociale et les personnes sans domicile sont gravement menacés dans les États dirigés par les Républicains dans tout le pays. Depuis la décision de la Cour suprême en 2022 de casser l’arrêt Roe v. Wade [Roe v. Wade, 410 U.S. 113 est un arrêt de 1973 rendu par la Cour suprême des États-Unis sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l’accès à l’avortement, NdT], 21 États ont promulgué des interdictions totales ou partielles de l’avortement. Dans le même temps, des groupes d’extrême droite tels que Moms of Liberty [ organisation politique conservatrice américaine qui milite contre les programmes scolaires mentionnant les droits LGBT, la race et l’origine ethnique, la théorie critique de la race et la discrimination, NdT] cherchent à prendre le contrôle des administrations scolaires locales dans le cadre d’une « guerre contre le wokisme ».

Une stratégie multiétatique est également en cours pour contrecarrer les efforts déployés par les collectivités pour mettre en œuvre des programmes de revenu minimum garanti. Au moins 10 États ont contesté les programmes de revenu de base en adoptant des interdictions législatives, des restrictions de financement, des contestations constitutionnelles et des injonctions judiciaires, tandis que 4 États dirigés par des Républicains – l’Arkansas, l’Idaho, l’Iowa et le Dakota du Sud – ont déjà complètement interdit de tels programmes.

Dans le droit fil de l’appel à l’expansion militaire du Projet 2025, le sénateur du Mississippi Roger Wicker a récemment publié un rapport proposant d’ajouter 55 milliards de dollars au budget déjà colossal du Pentagone pour l’exercice 2025, tout en augmentant les dépenses militaires à hauteur de centaines de milliards de dollars au cours des cinq à sept prochaines années. Le rapport, intitulé « La paix par la force », relance l’idée erronée selon laquelle le fait de dépenser toujours plus pour les préparatifs de guerre accroît notre sécurité. Non seulement Wicker déforme l’histoire de la Guerre froide, mais ses prescriptions ne tiennent pas compte de l’expérience acquise au cours des vingt dernières années de renforcement militaire et de la désastreuse guerre mondiale contre le terrorisme. Selon le Costs of War Project et le National Priorities Project, les guerres menées par ce pays après le 11 Septembre ont coûté au moins 8 000 milliards de dollars, tué des millions de personnes et déplacé des dizaines de millions d’autres dans le monde, tout en accélérant le chaos climatique par leurs émissions polluantes. S’il était mis en œuvre, le plan de Wicker ne ferait qu’accroître le risque de nouveaux conflits à caractère déstabilisateur, promettant à la Pax Romana moderne encore encore plus de guerres et de morts.

Paix, paix, quand il n’y a pas de paix

Alors que les Républicains extrémistes qu’ils soient élus ou nommés ouvrent la voie au Projet 2025, les deux grands partis se rallient à l’idée de développer une économie de guerre. En effet, le soutien bipartisan à l’aide militaire à Israël contribue à ce que les Nations unies ont qualifié de génocide à Gaza.

Ce n’est pas nouveau non plus. Chaque année, le budget du Pentagone est invariablement adopté avec un large soutien bipartisan, même si quelques représentants votent différemment. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, 21 000 milliards de dollars ont été consacrés à la guerre, à la surveillance, au maintien de l’ordre, au contrôle des frontières et à l’incarcération. Pour l’année fiscale 2023, près des deux tiers du budget discrétionnaire fédéral financeront le complexe militaro-industriel et les dépenses à fins militaires. Cette année, un amendement Démocrate à la loi sur l’autorisation de la défense nationale (National Defense Authorization Act) prévoit l’enregistrement automatique de tous les citoyens et résidents masculins âgés de 18 à 26 ans dans la base de données du service sélectif [Le Selective Service System est une agence indépendante du gouvernement des États-Unis qui gère une base de données des citoyens américains enregistrés et d’autres résidents américains potentiellement soumis à la conscription, NdT]. Cette mesure n’a été adoptée que par la Chambre des Représentants, mais elle montre bien que tous les partis souhaitent une augmentation du nombre d’individus susceptibles d’être appelés un jour à effectuer leur service militaire. Bien qu’il ne s’agisse pas (encore) d’une conscription, elle en suggère l’idée – et c’est par une députée Démocrate, celle de Pennsylvanie, Chrissy Houlahan, que l’amendement a été déposé.

La contrepartie étatique et locale de ce militarisme est le soutien à la police. Les législateurs Républicains et Démocrates semblent vouloir adopter une législation « musclée envers la criminalité », notamment en recrutant davantage de policiers, en déployant plus largement la Garde nationale, en étendant les mesures de surveillance et en recriminalisant la possession de drogues. Il va de soi que le programme 1033 permet aux forces de police locales d’être armées et entraînées par l’armée américaine.

Ce consensus remarquablement bipartisan en faveur d’une économie de guerre ne doit pas être considéré comme une simple « problématique », mais plutôt comme une approche de la gouvernance qui s’appuie sur la force et la violence, plutôt que sur le consentement, pour établir un contrôle social. Et comme nous l’avons noté plus haut, la nation pourrait se doter d’un système d’inscription automatique au service sélectif avant d’avoir un système d’inscription automatique au vote. Après tout, ce même Congrès qui accorde toujours plus de ressources pour la guerre n’a pas réussi à mettre en échec la radiation des électeurs, à étendre les droits de vote ou à protéger notre démocratie de manière efficace.

Emplois et logements, et non la mort dans la rue

La plus grande violence engendrée par la Pax Romana a toujours été subie par les pauvres, qui ont souvent été arrachés à leur famille, asservis dans des travaux pénibles et dépossédés de leurs terres et de leurs ressources. Pour maintenir sa domination autoritaire sur des millions de gens, l’Empire romain s’est appuyé sur sa puissance militaire et sur la peur inspirée par son impitoyable armée. Pourtant, c’est dans les rangs des pauvres que Jésus et ses disciples ont entrepris une révolution non violente pour la paix.

Aujourd’hui, des dizaines de millions de pauvres dans ce pays sont en première ligne de notre démocratie défaillante et de notre société de plus en plus militarisée. Ils sont les authentiques canaris des mines de charbon, subissant déjà la violence d’une société qui a donné la priorité à la guerre et aux profits plutôt que de s’attaquer à la souffrance et aux conséquences des emplois sous payés, au fardeau écrasant de la dette, à la pollution de l’eau et des sols, et au fait que les vies sont abrégées par la pauvreté, la police et le déni des droits humains fondamentaux. Il est certain que ces gens peuvent également prévoir une évolution vers un état de guerre toujours plus intense et les retombées possibles du projet 2025 si Donald Trump et J.D. Vance l’emportent cette année.

Forgés dans le creuset de la violence, les criminalisés et les pauvres réclament toujours une paix véritable.

Le 29 juin, la révérende Savina Martin, vétérante de l’armée et ex-mère de famille sans-abri, est montée sur la scène de l’Assemblée de la Poor People’s Campaign à Washington, DC, et a fait part de ses réflexions :

« Je suis une ancienne combattante de l’armée américaine et j’ai été affectée par le problème de la privation de logement il y a de nombreuses années. Aujourd’hui, des milliers de vétérans sans-abri se battent pour obtenir [leurs] allocations, un logement… naviguant dans un système complexe alors qu’ils sont malades et souffrent, essayant de survivre à la guerre menée contre les pauvres. Hier, la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Grants Pass v. Johnson autorise les villes à criminaliser les sans-abri en leur interdisant de dormir dehors lorsqu’il n’y a pas d’abri disponible. Comment le fait de dormir quand on est sans-abri peut-il être contraire à la loi ? Si vous dormez, vous êtes arrêté ? »

« Ce système compte sur nous pour mener ses guerres, mais nous ne pouvons pas compter sur [notre gouvernement] pour garantir notre droit au logement ou nos soins de santé ? Au lieu de cela, [notre gouvernement] consacre 1 100 milliards de dollars à la guerre, aux armes et à un système qui criminalise les pauvres, entraînant des incarcérations massives, des déportations et des détentions. Nous voulons des emplois et des logements, et non à être condamnés à une mort dans la rue. »

Savina parlait là de guerre contre les pauvres, du pouvoir du complexe militaro-industriel et d’un programme extrémiste qui lui permettra de faire le lien, selon une approche inquiétante, avec 140 millions de citoyens démunis et à faibles revenus dans ce pays – et des milliards d’autres dans le monde. Comme à d’autres moments de l’histoire, la lutte des pauvres pour défendre leur vie et leur dignité dans un monde qui leur refuse l’une et l’autre est une lutte pour le meilleur de ce que nous pouvons être en tant que société. C’est dans leur capacité à diriger que réside notre espoir à tous – non dans le Projet 2025, une future administration Trump ou la version trop dévastatrice d’une Pax Americana qui l’accompagnerait, c’est cette paix (et justice) que Savina et tant d’autres réclament et continueront de réclamer, jusqu’à ce qu’elle soit nôtre.

*

Liz Theoharis, collaboratrice régulière de TomDispatch, est théologienne, ministre ordonnée et militante de la lutte contre la pauvreté. Elle est coprésidente de la Campagne des Pauvres Un Appel National pour un renouveau moral, elle est aussi directrice du Kairos Center for Religions, Rights and Social Justice à l’Union Theological Seminary de New York, elle est l’autrice de Always With Us ? What Jesus Really Said About the Poor et We Cry Justice : Reading the Bible with the Poor People’s Campaign (Toujours avec nous ? Ce que Jésus a vraiment dit à propos des pauvres et de Nous crions justice : Lire la Bible avec la campagne des pauvres). Suivez-la sur Twitter à @liztheo.

Shailly Gupta Barnes est directrice politique du Centre Kairos pour les droits, les religions et la justice sociale et de la Campagne des pauvres : Un appel national pour un renouveau moral. Elle a une formation en droit, en économie et en droits humains et a passé près de 20 ans à travailler avec et pour les communautés pauvres et spoliées.

Source : TomDispatch, Liz Theoharis, Shailly Gupta Barnes, 28-07-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Hiro Masamune // 05.09.2024 à 08h03

Faire un inventaire à la Prevers des politiques locales débiles des états et contés républicains et projetter le tout sur le Don qui s’est montré plus que suspicieux sur l’ensemble de ces mesures c’est quand même douteux comme façon de construire un argumentaire.
Quand on vu ce qu’a fait l’administration démocrate au niveau fédéral ces 4 dernières années, notement au niveau des food stamps et des politiques de santé publique , c’est l’hopital qui se moque de la charité…
Enfin tant que ça permet de ne pas parler de la dette et des questions fiscales , tout est bon à prendre je présume.

8 réactions et commentaires

  • Hiro Masamune // 05.09.2024 à 08h03

    Faire un inventaire à la Prevers des politiques locales débiles des états et contés républicains et projetter le tout sur le Don qui s’est montré plus que suspicieux sur l’ensemble de ces mesures c’est quand même douteux comme façon de construire un argumentaire.
    Quand on vu ce qu’a fait l’administration démocrate au niveau fédéral ces 4 dernières années, notement au niveau des food stamps et des politiques de santé publique , c’est l’hopital qui se moque de la charité…
    Enfin tant que ça permet de ne pas parler de la dette et des questions fiscales , tout est bon à prendre je présume.

  • Koui // 05.09.2024 à 08h19

    Les principales dépenses de l’État américain sont le paiement de la dette, l’armée et les aides sociales. Comme le budget est de plus en plus déficitaire du fait de l’augmentation des deux premiers postes, il ne reste plus qu’à sabrer dans les aides sociales pour gagner du temps. Mais l’arrivée de millions d’immigrés tous les ans, la croissance des inégalités et la stagnation de l’emploi induisent un besoin croissant de soutien aux plus pauvres. C’est une dynamique qui épuise la vigueur américaine et porte les germes d’une révolution, d’une discontinuité de l’histoire américaine. Trump et Harris ne semblent pas avoir la carrure suffisante pour faire face à un tel risque.

  • DVA // 05.09.2024 à 10h13

    Un pays ‘ orchestré’ par l’argent des milliardaires US ..pays où la démocratie se résume au complexe militaro-industriel US aux mains des milliardaires…qui encourage les conflits pour accroître ses profits, augmenter les ventes d’armes et alimenter la croissance des industries militaires connexes. La guerre est son affaire.
    Il se moque éperdument de l’issue des conflits, tant qu’il peut vendre des armes…et les électeurs ( riches ou pauvres!) choisiront toujours UNIQUEMENT parmi les candidats qui ont le soutien d’au moins un de ces milliardaires…Eh oui…le principe « un dollar, une voix », au lieu du principe « une personne, une voix »…reste de mise !…Alors ‘ le bien être de la population et la ‘ démocratie’ aux USA et dans leurs pays vassaux…

  • L’éveil // 05.09.2024 à 10h40

    Cet article donne une interprétation totalement fausse de la réalité.
    TRUMP est le seul président avec KENNEDY à avoir replier les armées US vers le sol US, en mettant notamment fin à la guerre en Syrie.
    Ce complexe criminel, qui a très vraisemblablement assassiné JFK et son frère Robert, son fils qui était démocrate et a rejoint Trump en parle très bien :

    RFK Jr : « Mon oncle a passé les 1 000 jours de son administration à se battre avec son appareil militaire et ses agences de renseignement pour maintenir le pays hors de la guerre »
    « Le 22 octobre 1963, il a signé le décret de sécurité nationale 263 ordonnant à tout le personnel militaire de rentrer du Viêt Nam.
    30 jours plus tard, il a été tué.
    Une semaine plus tard, LBJ, son successeur, a annulé cet ordre et envoyé 250 000 soldats, puis Nixon est arrivé et en a envoyé 560 000.
    56 000 Américains ne sont jamais rentrés chez eux, y compris mon cousin George Skakel, qui est mort lors de l’offensive du Têt.
    Cinq ans plus tard, mon père s’est présenté contre la guerre du Viêt Nam et a été tué après avoir remporté les élections primaires en Californie.
    « Trois jours avant l’investiture de mon oncle, Eisenhower a prononcé ce discours qui est aujourd’hui l’un des plus importants de l’histoire américaine.
    Il a mis en garde les Américains contre l’émergence d’un complexe militaro-industriel qui détruirait la démocratie. »
    https://x.com/Holden_Culotta/status/1830039250274041950

    • Comm’en terre // 05.09.2024 à 15h46

      Trump n’a pas mis fin à la guerre en Syrie. Il a au contraire attaqué l’armée syrienne plusieurs fois et s’est ouvertement vanté de piller le pétrole syrien.
      Il a également augmenté les budgets militaires et a fait exploser les dépenses publiques tout en sabrant les normes sociales et environnementales.

  • Palef // 05.09.2024 à 11h05

    Républicains ou Démocrates, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.
    Si les démocrates l’emportent, respect de façade de la Démocratie, continuation de la politique (anti)migratoire d’Obama et de Biden, la Dette croîtra encore ainsi que les dépenses militaires, continuation et aggravation de la guerre que les USA mènent désespérément contre la Russie en Ukraine, avec tous les risques de catastrophe nucléaire finale,… Déclin plus rapide des USA.
    Si les républicains l’emportent, Gouvernement dirigiste, priorité à l’Industrie sur le sol américain, continuation de la politique (anti)migratoire, contrôle de la Dette et des dépenses militaires, arrêt de l’agression des USA contre la Russie en Ukraine, tentative de coopération avec la Russie, priorité à la politique de « Défense » contre la Chine, obligation pour l’Europe de se prendre en charge,…

    Alors, La peste ou le choléra ?

  • Bouddha Vert // 05.09.2024 à 12h23

    Theoharis, un prénom pour le moins syncrétique?
    Tout empire, tout concept, toute construction est vouée à grandir, plafonner, durer, durer et finir… pour renaitre ici ou un peu plus loin. Rome, l’antique, n’y a pas échappé et les états unis du XXème ne dureront pas dans leur place.
    Organiser ou désirer une organisation éthique de transition ne peut pas se nourrir que de bonnes intentions.
    En ce bas monde, il nous faut des bases solides, admettre et savoir que rien ne dure est une base (?!), s’en désoler est un peu curieux et prédispose surtout à la foi dans un autre monde, divin…
    S’il existe des passages moins rugueux que d’autres ils se trouvent derrière nous, la moulinette de l’Histoire va nous faire passer dans un monde avec moins de ressources et d’énergie ainsi qu’un héritage bio-minéralogique dans un triste état, à 8 milliards, il va forcément y avoir disruption dans le modèle.
    Le plus dure sera certainement d’abandonner l’idée de terraformer Mars, de se passer de voiture autonome et autres « smart-city », bof… la page est blanche, il faut en être certains.

  • MRexpat // 05.09.2024 à 12h44

    Cela aurait pu être intéressant le titre me plaisait bien.
    Hélas ça commence très mal avec des théologiens qui décident de réécrire l’histoire pour qu’elle colle au narratif qu’il souhaite présenter.
    Pour faire bonne mesure la date choisie parmi les 1000 ans d’existence de la Rome occidentale correspond à une période ou Rome se rapproche de son apogée qui aura lieu une centaine d’années plus tard, comme comparaison « repoussoir » sur l’avenir d’un pays on fait mieux.
    Enfin la Pax Romana correspond à une période de prospérité inédite pour les peuples sous domination romaine, l’idée des Romains était de romaniser les peuples vaincus en leur apportant leur style de vie, leurs technologies et en construisant des routes, aqueducs, bâtiments de commerce et de loisir (souvent construit par ou avec l’aide des légionnaires qui quand ils ne combattaient pas étaient aussi des bâtisseurs).
    L’objectif était de les intégrer à l’empire avec la possibilité pour les autochtones de devenir citoyen romain. C’est une des raisons pour lesquelles l’Empire romain a duré aussi longtemps et a mis des centaines d’années pour s’effondrer malgré les nombreuses guerres civiles qui ont suivi cette période de stabilité.

    Mais bon dans un monde où la culture et la connaissance de l’histoire se limitent souvent aux productions de Hollywood, on ne risque pas grand-chose à raconter n’importe quoi.

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