Nous continuons notre étude des rémunérations des grands dirigeants. Je rappelle de nouveau que la cible visée ici est :
1/ les 50 ou 100 PDG des plus grandes entreprises françaises
2/ les premières centaines des dirigeants américains les mieux payés
et encore, seule une partie a un comportement qui peut apparaître choquant.
Les milliers de directeurs de nos grandes entreprises, et les dizaines de milliers de dirigeants de TPE PME ne sont bien entendu nullement visés – je salue même leur apport en général précieux dans la création de richesses, qui peuvent ensuite être redistribuées, au bénéfice de l’ensemble des travailleurs. L’ensemble des 3 millions de chefs d’entreprises français gagnent moins de 40 000 ans par an en moyenne.
Ceci étant dit On entend parfois que ces hausses de rémunérations sont liées au fait que les entreprises ont grandi, et réalisent plus de bénéfices. C’est tout simplement faux :
On constate qu’il n’en est rien, et que, bien au contraire, la rémunération des PDG ramenée aux bénéfices de leur entreprise est 6 à 10 fois supérieure au consensus historique.
D’ailleurs, il n’y a pas de raison dans l’absolu que cette rémunération soit directement indexée sur le volume des profits… Le service rendu par le PDG d’une entreprise de 100 000 salariés est-il 10 fois supérieur à celui d’une entreprise de 10 000 salariés ?
Cela rend illisible toute l’échelle de rémunération des entreprises et du pays :
En quoi un PDG rendrait-il plus de services au pays que les plus dirigeants de la justice, de la défense, de l’éducation, du pouvoir politique ? Le président d’un pays n’a-t-il pas une responsabilité écrasante par rapport à un grand patron ? Et quoi, il faudrait payer M. Obama 20 milliards de dollars par an alors ? Le salaire des patrons de hedge funds est écoeurant – surtout quand on sait que ce sont ceux qui se sont enrichis en pariant sur l’écroulement des subprimes…
Les grands dirigeants n’ont toutefois pas abandonné toute idée de progrès social :
… mais les bénéficiaires sont malheureusement très réduits…
On constate ainsi que l’accroissement des inégalités est très concentré, l’écart entre le PDG et les n°3 et n°5 doublant également. Ambiance au comité de direction…
Intéressons-nous maintenant à l’évolution de la structure de la rémunération, entre salaire fixe et salaire variable, qui est pour moi un aspect fondamental du problème.
La croissance de la rémunération indexée sur le cours de bourse est patente – alors que la stabilité a prévalu pendant 60 ans…
Le phénomène n’a pas touché que le Top 50, le Top 500 est dans le même cas. Le salaire fixe ne compte plus que pour 15 % du total…
NB. : « Amusant » : 2 entreprises sur les 10 ont disparu durant la Crise (Merrill Lynch et Countrywide)…
© Pétillon
On constate bien que la part fixe du salaire est désormais négligeable, la fortune des PDG se faisant par l’évolution des cours boursiers, avec lesquels elle est très corrélée, bien plus qu’avec l’évolution des profits. A contrario, le pouvoir d’achat des travailleurs américains n’a connu aucune progression en quinze ans.
« Selon le Wall Street Journal, le montant des attributions de stock-options dans les sociétés qui composent le Standard & Poor’s 500 aurait été multiplié par dix entre 1993 et 2006. Il en a résulté des gains individuels dépassant l’entendement. Le président-directeur général du groupe Oracle aurait ainsi encaissé plus d’un milliard de dollars de stock-options entre 1992 et 2005 ; son homologue de la banque City Group, récemment soutenue par l’État fédéral américain, aurait quant à lui perçu 960 millions de dollars. » [Rapport d’information n° 1798 de l’Assemblée Nationale sur les rémunérations des dirigeants, juillet 2009]
Et en France me direz-vous ? Observons l’évolution de la hiérarchie des salaires des PDG.
Les niveaux atteints en 2007 ont été incroyables – 23 M€ pour le record ! Toujours dû uniquement à la Bourse. Mais évidemment, cela n’a pas duré :
La Crise a raboté les cours boursiers, et donc les rémunérations. Du coup, les grands dirigeants ont trouvé la parade : en revenir aux fondamentaux ! Beaucoup ont vu leurs salaires fixe et variable augmenter, et les stock-options sont de plus en plus remplacées par des distributions d’actions gratuites. On ne peut plus gagner les mêmes fortunes, mais au moins, à tous les coups on gagne !
Ainsi, le même phénomène s’observe en France, seule l’ampleur des rémunérations étant nettement moins élevée. Rappelons toutefois que 10 M€ par an, c’est environ 50 000 € par jour travaillé…
Nous conclurons demain par une réflexion sur cette situation, et réaliserons des propositions…
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