Le livre Diplomaties de la dette souveraine. Repenser la dette souveraine, des empires coloniaux à l’hégémonie (titre original en anglais Sovereign Debt Diplomacies : Rethinking sovereign debt from colonial empires to hegemony) mérite d’être lu. L’ouvrage a été publié en anglais aux Presses universitaires d’Oxford en 2021. [1] Pierre Pénet et Juan Flores Zendejas, qui en ont dirigé la publication, ont accompli un travail considérable. Vingt auteur·es ont apporté leur contribution. Bien que je sois en désaccord avec l’orientation de certaines contributions, je recommande la lecture de cet ouvrage.
Source : CADTM, Eric Toussaint
Jusqu’ici j’ai publié deux longs commentaires du livre :
Deux autres auteur·es du CADTM ont également commenté chacun·es un chapitre du livre :
Anaïs Carton le chapitre 9 avec l’article « Un État a le droit de refuser le transfert de dettes contractées en période d’assujettissement »
et Maxime Perriot le chapitre 10 avec l’article « La CNUCED, de l’activisme technocratique à l’assistance technique »
Je reprends le fil de ma critique de ce livre intéressant et important en livrant cette troisième partie.
Pierre Pénet et Juan Flores Zendejas ont raison d’écrire qu’il est essentiel de comprendre pourquoi les élites économiques des anciennes nations du tiers monde en sont venues à accepter des politiques conservatrices de gestion de la dette internationale
Pierre Pénet et Juan Flores Zendejas affirment à juste titre : « Comprendre comment et pourquoi les pays débiteurs ont donné leur assentiment aux politiques d’ajustement structurel, aux programmes d’austérité et aux plans de privatisation est indispensable pour mieux comprendre comment le régime hégémonique actuel des conflits liés à la dette souveraine a vu le jour et comment il se reproduit. » (p.28).
Dans le livre qu’ils ont coordonné, on ne trouve pas d’explication de ce phénomène. De mon côté, j’ai écrit plusieurs textes à ce sujet. De manière très synthétique, voici mon explication.
Depuis le début du XIXe siècle, les classes dominantes du Sud global (càd l’ensemble des pays qu’on désignait auparavant par le terme tiers monde ou Périphérie par opposition aux puissances impérialistes ou Centre) sont favorables au financement de l’État par la dette car cela leur permet de payer le moins d’impôts possible. De plus, le fait que le gouvernement de leur pays contracte des dettes en monnaies étrangères (en livres sterling et en francs français au XIXe siècle, et en dollars en particulier depuis la Seconde Guerre mondiale) leur permet d’avoir accès aux devises nécessaires pour importer les produits et les services nécessaires à leurs activités et à leur consommation. Enfin, les classes dominantes tirent un revenu, une rente de l’endettement public car elles achètent des titres de la dettesouveraine, qu’elle soit interne ou externe.
J’ai montré cela de manière détaillée dans plusieurs études consacrées à l’Amérique latine (avec le cas emblématique du Mexique, ou celui de la Grande Colombie de Simon Bolivar), ou encore ceux de l’Égypte et de la Tunisie…
Cela vaut pour le passé mais aussi pour le présent.
Cela explique pourquoi les actes de répudiation de dette de la part de pays du Sud global résultent de révolutions ou de grands mouvements populaires où le peuple entre en conflit tant avec les intérêts des classes dominantes locales qu’avec ceux des grandes puissances créancières du Nord.
Les mobilisations populaires qui ont abouti à des répudiations de dette dans les pays du Sud global sont notamment la révolution mexicaine de 1910-1920 qui a débouché sur une grande victoire contre les créanciers en 1942 après une trentaine d’années de suspension de paiement, la révolution russe triomphante en 1917 qui a abouti à la répudiation des dettes par les soviets en 1918, le soulèvement populaire de 1919 au Costa Rica qui a débouché également sur une répudiation de dettes, la révolution chinoise en 1949, la révolution cubaine en 1959, la révolution algérienne en 1962, le soulèvement populaire contre le Shah en Iran en 1979,…
Alexander Sack voulait que les États puissent être poursuivis par les créanciers privés
Le juriste conservateur russe Alexander Sack a élaboré en 1927 la doctrine de la dette odieuse [2] pour mettre en garde les créanciers privés contre des pratiques qui pourraient générer des pertes financières dont ils pâtiraient. En effet, de la fin du 18e siècle aux années 1920 toute une série de répudiations de dettes ont affecté le capital des prêteurs privés. Les États bénéficiaient d’une situation particulière en tant que pouvoir souverain face aux créanciers privés et rares étaient les organes de justice disposés à condamner un pays à payer des indemnités à un créancier privé.
Au XIXe siècle et au début du XXe siècle une majorité de juristes affirmait clairement l’impossibilité pour des personnes privées de saisir la justice contre un État en matière de dette. Voici une série d’opinions de juristes :
Nous pouvons citer Louis Berr, conseiller honoraire à la Cour de Paris, qui déclare : « Le Français qui conclut un contrat avec un gouvernement étranger se soumet à l’avance aux lois de ce gouvernement en ce qui concerne la juridiction et le droit de ses tribunaux ; il renonce volontairement à la protection de ses propres lois nationales. Par conséquent, les questions concernant le paiement et la liquidation d’obligations dirigées contre un État étranger ne peuvent être soulevées devant ses propres tribunaux qu’en accord avec les règles du droit public qui ont cours dans l’État débiteur. » [3]
Sir Robert Phillimore écrit : « Les tribunaux anglais ont décidé que des obligations payables au porteur par le gouvernement d’un État créent une dette qui n’est qu’une dette d’honneur, dont le paiement ne peut être imposé par aucun tribunal étranger ni par un tribunal de l’État emprunteur, sauf consentement de son gouvernement. (Citant Crouch vs Credit foncier of England L. R. 8 Q. B. 374 (1873) ; Twycross vs Dreyfus 5 Ch. D. 605 (1877). » [4]
Carl Ludwig von Bar [5] écrit : « Si tous les créanciers réussissaient à obtenir leur dû en saisissant les biens de l’État, ils pourraient paralyser la machine étatique. Par conséquent, les dettes publiques, émises en fonction d’un droit spécial, contractées auprès d’un certain nombre de créanciers, s’appuient sur la condition que l’État est en position – ce dont l’État lui-même est juge par législation – de faire face à ses obligations. L’État a pour ainsi dire une beneficium competentia au sens le plus large ; il doit d’abord se préserver lui-même, et le paiement de ses dettes est une considération secondaire. » [6]
A. Wuarin : « C’est par une loi (ou un décret) qu’est autorisé l’emprunt ; ce sera postérieurement par la promulgation d’une autre loi (ou d’un autre décret) que l’État, sans explication, se déclarera libéré de tout engagement ou décrétera la suspension de l’amortissement du paiement des intérêts, supprimera les garanties… » (cité par Sack, p. 37)
A. de La Pradelle [7] et N. Politis : « La dette résultant d’un emprunt est aussi obligatoire en droit que toute autre dette, mais il n’en est pas moins vrai que, contractée dans un intérêt public, elle est soumise pour son exécution aux conditions imposées par les nécessités financières et administratives de l’État emprunteur : née en vertu de mesures législatives, elle peut être modifiée par d’autres mesures législatives » [8].
A. de La Pradelle et N. Politis : « Les souscripteurs, comme les acquéreurs ultérieurs des titres de l’emprunt, n’ignorent ni la nature de l’opération ni le risque qu’elle leur fait courir, ils l’acceptent d’avance ; ils savent que, si le gouvernement débiteur a l’obligation de les payer, il aura la liberté, si les circonstances l’y contraignent, de différer l’échéance de sa dette, d’en modifier les modalités, ou même d’en réduire le montant. Faute de réglementation internationale des faillites d’État, la liquidation en est faite par les soins du débiteur, qui, toutefois, s’il est soucieux de sa réputation et de l’intérêt de son crédit, devra plutôt y procéder d’accord avec ses créanciers que par voie d’autorité. » [9]
Grégoire Dimitresco : « L’État a le droit de se soustraire à l’exécution totale ou partielle du contrat qu’il passe avec ses créanciers, ou de modifier les clauses de ce même contrat, s’il le juge convenable et si les circonstances l’exigent ; ce droit dérive pour lui de la nature du contrat. Il est en effet incompatible avec le rôle et la fonction de l’État de s’engager dans d’autres conditions. » [10]
Luis Maria Drago, juriste et ministre argentin [11], a déclaré lors de la convention de La Haye de 1907 : « Il ne peut y avoir le moindre doute quant au fait que les emprunts d’État sont des actes juridiques, mais d’une nature particulière qui ne peut se confondre avec nulle autre. La loi civile commune ne leur est pas applicable. Émis par un acte de souveraineté qu’aucun particulier ne pourrait exercer, ils ne représentent, en aucun cas, un engagement vis-à-vis de personnes déterminées. En effet ils stipulent en termes généraux que des paiements seront effectués, à une date donnée, au porteur qui est toujours une personne indéterminée. Le prêteur de son côté n’avance pas d’argent comme dans un contrat de prêt ; il ne fait qu’acheter une obligation sur le marché ; il n’y a ni acte individuel certifié ni relation directe avec le gouvernement débiteur.
Dans des contrats ordinaires, le gouvernement agit en vertu de droits qui sont inhérents à la personne juridique ou à l’entité administrative, en exerçant ce qu’on appelle le jus gestionis ou le droit dont est investi le représentant ou administrateur de n’importe quelle société par actions.
Dans le second cas, il agit en fonction du jure imperii, en sa qualité de souverain, en posant des actes dont seule est capable la personne publique de l’État. Dans le premier cas nous comprenons que le gouvernement peut être convoqué devant les tribunaux, comme ça arrive tous les jours, afin de répondre de ses engagements en droit privé ; nous ne pouvons concevoir dans le second cas que l’exercice de la souveraineté puisse être mis en cause devant un tribunal ordinaire. Il serait à tout le moins nécessaire d’établir cette distinction pratique à laquelle je me suis permis de renvoyer en Commission plénière ; pour des contrats ordinaires, les tribunaux sont compétents ; aucun tribunal n’est compétent pour des emprunts publics. » [12]
Ces différentes opinions de juristes reflètent la pratique de toute une période qui va de la fin du 18e s aux années 1970. L’œuvre à laquelle s’est dédié Alexander Sack consistait à convaincre la communauté internationale qu’il fallait se doter d’un code et de structures juridiques internationales permettant de mieux garantir les droits des créanciers privés face aux États (p. XIV). De ce point de vue, cette proposition de Sack a connu un succès réel. Au XXIe siècle, les créanciers privés obtiennent régulièrement que des tribunaux condamnent des États en matière de dette, alors qu’au XIXe siècle et au début du XXe ils étaient souvent déboutés.
Comme l’indiquent Pierre Pénet et Juan Flores Zendejas, à partir des années 1970-1980 avec la vague néolibérale, les créanciers ont finalement réussi à obtenir une érosion de l’immunité des États. Ils ont réussi cela grâce à l’action de différents acteurs : des gouvernements de grandes puissances, en particulier le gouvernement des États-Unis et celui de la Grande Bretagne, les organes de justice de différents pays, la Banque mondiale et le FMI, mais aussi les gouvernements des pays du Sud qui ont renoncé à l’exercice plein et entier de leur souveraineté en déléguant à des juridictions étrangères en particulier celle de l’État de New York ou celle de la Grande-Bretagne le pouvoir d’intervenir en cas de litige en matière de dette souveraine.
Dès avant les années 1970, l’action de la Banque mondiale et du FMI, orchestrée par les grandes puissances occidentales, a joué un rôle non négligeable afin de défendre les intérêts des créanciers privés comme je l’ai indiqué dans la deuxième partie de cette série consacrée au livre de Pénet et Zendejas qui sont d’ailleurs très clairs à ce sujet.
Dès les années 1950, lorsqu’un pays membre du FMI et de la Banque mondiale leur demandait un crédit, ces deux institutions fixaient deux conditions préalables : le paiement des dettes internationales antérieurement contractées et une indemnisation « adéquate » des biens étrangers nationalisés. Comme l’indique Julia Juruna dans un article publié par le Le Monde diplomatique en octobre 1977 : « Le cas le plus frappant fut sans doute celui du Guatemala, où la Banque mondiale ressuscita la question du paiement de titres émis en 1829 : ce pays obtint les crédits de la Banque seulement après que les tribunaux guatémaltèques eurent donné raison aux détenteurs de ces obligations plus que centenaires » [13].
Un saut qualitatif dans l’érosion de l’immunité des États souverains face aux créanciers a été franchi en 1976. Comme l’indiquent Pénet et Zendejas à propos des États-Unis : « Le Foreign Sovereign Immunities Act de 1976 a donné une interprétation plus restrictive des principes protégeant les débiteurs souverains et a permis aux créanciers de poursuivre un gouvernement étranger devant les tribunaux américains » (p. 25).
Avec la crise de la dette du Tiers Monde qui a débuté en 1982 et la titrisation des dettes souveraines, les créanciers aidés par la Banque mondiale, le FMI et les gouvernements du Nord ont pu marquer des points supplémentaires dans l’affirmation de leurs droits face aux États débiteurs.
A ce propos, comme l’indique Pénet et Zendejas (p. 26), j’affirme dans mon livre La Bourse ou la Vie. La Finance contre les peuples (1998)qu’il y a une continuité entre les pratiques impérialistes du XIXe et celle du XXe mais il clair que dans mes différents travaux j’ai analysé la profonde évolution des méthodes utilisées par les puissances impérialistes et des institutions comme la Banque mondiale et le FMI. Les formes de domination impériale ont fortement changé.
Poursuivons notre réflexion avec deux exemples assez récents : celui de l’Argentine et celui de la Grèce, deux cas emblématiques d’une évolution au cours de laquelle les créanciers ont obtenu plus de moyens de coercition pour faire primer leurs intérêts particuliers aux dépens de l’intérêt des États et des peuples. Pénet et Zendejas y font allusion. Dans les deux paragraphes qui suivent je résume à ma façon ces deux exemples.
À partir des années 1970, les gouvernements argentins successifs ont délégué à la justice de l’État de New York le pouvoir de juger l’Argentine en cas de litige avec ses créanciers. Cette politique des autorités argentines est en contradiction avec la constitution argentine qui prévoit que le pays ne peut pas abandonner sa souveraineté quand il contracte des obligations internationales.
Cela a permis à des fonds vautours de faire condamner l’Argentine à leur verser des sommes colossales tout à fait disproportionnées par rapport à l’argent effectivement déboursé pour acquérir des titres sur le marché secondaire de la dette avec de fortes décotes (voir Giselle Datz dans Pénet et Zendejas p. 267-268). L’Argentine n’est pas du tout un cas isolé, c’est pour cela qu’il est emblématique. Quasiment tous les gouvernements du Sud Global acceptent d’adopter la même orientation et confient à la justice de l’État de New York ou de Londres le pouvoir exorbitant de juger tout litige en matière de dette souveraine.
Le cas de la Grèce est tout aussi emblématique. Jusqu’en 2012, les titres que la Grèce émettait et vendait sur les marchés financiers précisaient qu’en cas de litige avec les créanciers la justice grecque trancherait. Sous pression de la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI), le gouvernement grec du socialiste Papandreou a accepté que les anciens titres soient remplacés par de nouveaux qui adoptaient la loi anglaise et la justice britannique pour trancher en cas de conflit. [Voir le rapport d’audit de la commission pour la vérité sur la dette grecque>12020] instituée par la présidente du parlement grec en 2015 qui m’en a confié la coordination scientifique : (en particulier la page 20).
Un début de riposte des États face aux abus des créanciers privés
Un chapitre très intéressant du livre de Pénet et Zendejas est consacré partiellement au début de riposte de certains États par rapport aux droits exorbitants des créanciers privés. Il s’agit du chapitre 11 intitulé “Placing contemporary Sovereign Debt : The fragmented landscape of legal precedent and legislative pre-emption”. Giselle Datz, son auteure, montre très bien comment les créanciers privés et, en particulier, des fonds vautour ont pu utiliser la justice de l’État de New York pour faire condamner l’Argentine au cours en 2008 et au début des années 2010. Giselle Datz relève fort pertinemment que les États ont progressivement accepté à partir des années 1970-1980 d’introduire des clauses de renoncement de leur immunité dans les contrats qui régissent l’émission de titres souverains vendus sur les marchés financiers (p. 264). Cela a eu des conséquences fatales. L’auteure montre ensuite que certains États du Nord, sous pression de mouvements sociaux qui prennent la défense des peuples du Sud Global, ont adopté des lois qui vont à l’encontre des prétentions des fonds vautour. Elles consacrent trois pages (p. 271-273) à l’action menée par le CADTM et d’autres organisations comme le Centre national de coopération au développement et son homologue flamand qui ont obtenu que le parlement belge adopte en 2015 une loi anti-fonds vautour.
Voici un extrait de ce que Datz en dit : (…) « en juillet 2015, la Chambre des représentants belge a adopté à l’unanimité sa loi ’anti-fonds vautours’ (…). Le projet de loi d’avril 2015 cite comme motivation plusieurs cas de litiges liés aux fonds vautours dans des tribunaux étrangers : Elliott Associates v. Peru en Belgique (1996-99), Kensington International v. the Democratic Republic of Congo (DRC) en Belgique (cité ci-dessus), FG Hemisphere v. the DRC dans un tribunal de Jersey en 2004, Donegal International v. Zambia devant des tribunaux britanniques (2007), et, bien sûr, NML v. Argentina devant les tribunaux de New York (avec des décisions judiciaires critiques énoncées en 2008 et 2012). La loi a établi que ’ si un tribunal belge identifie un fonds agissant comme un ’vautour’, ce dernier ne peut réclamer plus que le prix réduit qu’il a payé ’. » (Datz in Pénet et Zendejas, p. 272) [14]
Cette loi a été mise en cause devant la Cour constitutionnelle de Belgique par un des principaux fonds vautour de la planète NML Capital LTD de Paul Singer, un magnat étasunien. Le CADTM associé au CNCD est intervenu en justice et a obtenu que la Cour constitutionnelle de la Belgique déboute la plainte de NML Capital LTD et confirme la validité de la loi de 2015 [15].
Voici ce qu’en dit Datz :
« Enfin, le 31 mai 2018, la Cour constitutionnelle belge a mis un terme aux revendications de NML Capital selon lesquelles la loi belge de 2015 était inconstitutionnelle. Au contraire, la Cour a considéré que la loi était ’non discriminatoire, respectueuse des engagements européens et internationaux de la Belgique et ne violait aucun droit constitutionnel’. »
Giselle Datz ajoute : « Il s’agit d’une victoire pour le public qui soutient la loi et, en particulier, pour les ONG qui se sont jointes à l’État belge pour soutenir la loi : la coalition belge des ONG de développement francophones, CNCD-11.11.11, son organisation sœur flamande 11.11.11, et le Comité pour l’abolition de la dette illégitime (CADTM). » (p. 273) [16]
Il est important de souligner que d’autres pays comme la France et la Grande Bretagne ont également adopté des lois pour limiter les droits de certains créanciers privés comme les fonds vautour (voir G. Datz p. 270 et p. 273-274).
Il s’agit d’un début de retour de manivelle face aux abus des créanciers privés.
Il est certain que la riposte qui sera donnée aux prétentions abusives des créanciers dépendra fondamentalement de l’action des peuples. Néanmoins les dispositions législatives mentionnées plus haut peuvent constituer une petite avancée.
- Deux siècles de conflits à propos des dettes souveraines
- Un livre qui remet la dette odieuse à l’ordre du jour
- Pourquoi les élites du Sud Global sont favorables à l’endettement, comment les créanciers ont réussi à marquer des points, et comment une riposte est en cours
- Retour sur la dette de la Tunisie et de l’Égypte au XIXe siècle et leur colonisation par la France et la Grande-Bretagne
L’auteur remercie Patrick Saurin pour la relecture de cet article.
Notes
[1] Sovereign Debt Diplomacies. Rethinking Sovereign Debt from Colonial Empires to Hegemony, Edited by Pierre Pénet and Juan Flores Zendejas, Oxford University Press, 2021
[2] Les effets des transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations financières : traité juridique et financier, Recueil Sirey, Paris, 1927. Voir le document presque complet en téléchargement libre sur le site du CADTM : http://cadtm.org/IMG/pdf/Alexander_Sack_DETTE_ODIEUSE.pdf
[3] Louis Berr, Étude sur les obligations, Paris, 1880, p. 236 cité par Edwin Borchard, State Insolvency and Foreign Bondholders, Vol. I. General Principles. Yale University Press, New Haven, 1951, p. 6.
[4] Sir Robert Phillimore, Commentaries upon International Law 3e édition, Londres, Butterworth’s, 1882, II, p. 18. cité par Edwin Borchard, p. 6. Voir aussi https://en.wikipedia.org/wiki/Robert_Phillimore
[6] Carl Ludwig von Bar, Theorie und Praxis des internationalen Privatrechts, Hannover, Hahn, 1889, II p. 663, cité par Edwin Borchard, p. 6.
[8] Cité et souligné par Sack dans Les effets des transformations des États…, p. 37 ; original : Recueil des arbitrages internationaux, T2,1856-1872, Paris, Pedone, 1923, p. 547.
[9] Cité par Sack, p. 39 ; original op. cité, p. 547.
[10] Cité par Sack, p. 39.
[12] Voir James Brown Scott, The Proceedings the Hague Peace Conferences. The Conference of 1907, Oxford University Press, 1921, II, p. 557.
[13] Julia Juruna, « Le Fonds monétaire et les banques privées. Le ‘gendarme’ du grand capital », Le Monde diplomatique, octobre 1977, p. 1, 20 et 21.
[14] “in July, 2015, the Belgian House of Representatives unanimously passed its ‘anti-vulture funds’ law (…). The bill’s draft of April 2015 cites several cases of vulture fund-driven litigation in foreign courts as its motivation : Elliott Associates v. Peru in Belgium (1996–99), Kensington International v. the DRC in Belgium (cited above), FG Hemisphere v. the DRC in a Jersey Court in 2004, Donegal International v. Zambia in British courts (2007), and, of course, NML v. Argentina in New York courts (with critical judicial decisions stated in 2008 and 2012).¹⁵ The law established that ‘if a Belgian court finds a fund acting as a “vulture”, the latter cannot claim more than the discounted price it paid’ “ p. 272.
[15] La décision complète de la Cour peut être consultée à l’adresse suivante : http://www.const-court.be/public/f/2018/2018-061f.pdf. On y lit à la page 2 que le CADTM est intervenu dans cette affaire en opposition au fonds vautour NML Capital LTD, société privée basée aux Iles Caïmans, un paradis fiscal notoire.
Voir aussi CADTM, Eurodad, CNCD “Debt justice prevails at the Belgian Constitutional Court : Vulture funds law survives challenge by NML Capital”, Debt justice prevails at the Belgian Constitutional Court : Vulture funds law survives challenge by NML Capital
[16] “Finally, on 31 May 2018, the Belgian Constitutional Court put to rest NML Capital’s claims that the 2015 Belgian law was unconstitutional. Rather, the Court saw the law as ‘non-discriminatory, respectful of Belgium’s EU and inter- national commitments and not in violation of any constitutional right’. This was a victory for the supporting public and, in particular, for the NGOs that joined the Belgium state litigating in support of the law : the Belgian coalition of French- speaking development NGOs, CNCD-11.11.11, its Flemish sister organization 11.11.11, and the Committee for the Abolition of Illegitimate Debt (CADTM, 2018).” p. 273
Source : CADTM, Eric Toussaint, 04-08-2022
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Commentaire recommandé
Le problème n’est pas la dette mais son annulation.
Me semble avoir lu ici qu’au temps bibliques, les dettes, lorsqu’insoutenables pour le peuple, étaient tout simplement annulées : http://cadtm.org/Les-luttes-pour-l-annulation-des
On préférait alors la paix sociale, quitte à en ruiner un petit nombre.
4 réactions et commentaires
J’observe qu’une grande partie des pays sont très endettés dont la France. Pire cet endettement n’est pas contrôlé malgré la qualité de nos élites. Peut être que ces dettes sont une garantie pour l’industrie financière privée. Quand à la Chine j’ai lu quelque part que dans les temps anciens elle préférait à la guerre faire du commerce en créant des dettes à son avantage… Qu’en pense nos Sciences-PoPo.;
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AlerterLa représentation de la justice tient une balance à deux plateaux. Les états devraient pouvoir attaquer les créanciers quand les taux de leurs dettes mettent en danger leur stabilité ou leur sureté.
Le Sri-Lanka est un exemple récent, on a un état coulé par les dettes qui n’a plus eut les moyens d’importer de l’énergie et qui, conséquament, a mis en danger ses structures et sa population en continuant à payer ses traites en devises. D’ailleur le seul créancier qui a suspendu ses échéances au regard de la situation c’est l’état Chinois …. étonnant non ? Au vu le battage qu’on a fait autours des « pièges de dettes » chinois.
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AlerterÇa montre surtout que la notion de dette n’est pas comprise par la plupart des gens.
Une dette (une monnaie est une dette) est une convention sociale, on peut en créer ou en annuler autant qu’on veut, il n’y a aucune difficulté technique, juste politique.
Cette obsession de « protéger les créanciers », n’a aucun sens pour un état immortel qui fait rouler sa dette en permanence.
Surtout si le créancier prête de la création monétaire dont seul l’intérêt sera perçu, le principal étant détruit lors du remboursement.
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