« Etat-nation du peuple juif » ou « Etat juif et démocratique » ? Des mots qui divisent un pays. Au point de mettre fin à deux ans de coalition gouvernementale.
« Dans l’état actuel des choses et avec ce gouvernement, il m’est impossible de gouverner ». Par ces quelques mots prononcés lors d’une conférence de presse mardi soir, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a mis fin à deux années de gouvernement de coalition avec les partis centristes. Accusant les ministres Yair Lapid et Tsipi Livni d’être à l’origine d’un putsch, Netanyahou a ajouté ne pouvoir « tolérer d’opposition au sein même de son gouvernement ».
Principal point de friction au sein de la formation gouvernementale : le projet de loi soutenu par Bibi destiné à définir Israël comme « l’Etat nation du peuple juif ».
Le Premier ministre avait en effet exigé le soutien de Yair Lapid à ce projet de loi auquel s’oppose le ministre de l’Economie ainsi que la ministre de la Justice Tzipi Livni, chef du parti centriste HaTnuha.
Mais pourquoi ce texte a-t-il mis le feu aux poudres ?
Que prévoit le projet de loi ?
Ce projet de loi définit l’État d’Israël dans les Lois fondamentales, qui font office de Constitution, comme « l’État-nation du peuple juif » et non plus comme un « État juif et démocratique ».
Une acception interprétée par les opposants au projet de loi comme la désormais primature de la dimension identitaire juive sur le caractère démocratique du pays. Une vision quelque peu démentie par Netanyahou qui a précisé lors de la présentation de la loi :
Il y a ceux qui veulent que la démocratie l’emporte sur le caractère juif et il y a ceux qui veulent que le caractère juif l’emporte sur la démocratie. Dans les principes de la loi que je présente aujourd’hui, ces deux principes sont égaux ».
Mais ce texte décrié prévoit pourtant bien de réserver les droits collectifs en Israël aux juifs seulement, limitant la communauté arabe du pays à des « droits personnels… conformément à la loi. »
Un projet d’ailleurs rédigé à l’origine par le député du Likoud (droite) Zeev Elkin et adopté par le Premier ministre dans un format édulcoré. Dans la version originale de Elkin le texte allait en effet jusqu’à définir l’hébreu comme seule langue nationale d’Israël réduisant ainsi l’arabe à un état secondaire.
Pourquoi est-il refusé par le centre, la gauche mais aussi une partie de la droite ?
Ce projet est une « inscription du racisme, déjà présent dans la rue, dans la Loi et au cœur du système politique », a accusé Majd Kayyal, d’Adalah, le Centre juridique de défense des droits de la minorité arabe. « La démocratie garantit que tous les citoyens ont les mêmes droits et sont égaux face à l’Etat, mais cette modification raciste introduit une distinction sur la base de la religion », selon lui.
Le procureur général Yehouda Weinstein, conseiller juridique du gouvernement, a lui aussi critiqué ce projet, estimant qu’il affaiblissait le caractère démocratique d’Israël.
Même le président Reuven Rivlin, issu du parti de Netanyahou, le Likoud, a déclaré ne pas « comprendre l’intérêt de cette loi ». « Mettre en avant le caractère juif de l’Etat d’Israël aux dépens de son caractère démocratique remet en question les principes de la Déclaration d’indépendance qui affirmait que « juif et démocratique » sont des valeurs de la même importance », a-t-il souligné.
Est-il désormais relégué aux oubliettes ?
Cependant, si la législation israélienne prévoit que le Parlement peut continuer à voter des lois même après l’adoption d’une loi de dissolution entraînant l’élection de nouveaux députés, ce texte n’a pratiquement plus aucune chance d’être adopté avant les élections en raison de l’absence de soutien des députés centristes, désormais expulsés du gouvernement.
C. L.
Source : Le Nouvel Obs
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