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16.novembre.201416.11.2014 // Les Crises

[Reprises] Odessa : obstinée et douloureuse, par Danielle Bleitrach

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Quelques billets du blog Histoire et Société de la sociologue Danielle Bleitrach.


Obstinée et douloureuse, mama Odessa célèbre ses morts

Odessa dans le langage local c’est Mama Odessa… La petite mère russe autant que la yiddish mama… Cet après-midi dans cette ville frappée de stupeur doit se tenir le meeting qui célèbre le souvenir des morts assassinés dans la Maison des syndicats… Nous partons Marianne et moi, emmitouflées, sous la protection de notre bon géant Yvan qui nous recommande : « si des gens me provoquent ou veulent m’attaquer, je vous en supplie partez en courant, ne cherchez surtout pas à me défendre… N’ajoutez pas à la situation l’inquiétude que j’aurai pour vous… courez le plus rapidement possible jusqu’à la maison et cachez-vous, ne répondez à personne mais tout se passera bien, ne vous inquiétez pas… »

Au sortir de chez nous, sur le trottoir nous enjambons machinalement une croix gammée nazie, photo prise à la hâte… Mais devant nous marche un jeune homme qui tient dans ses mains trois œillets rouges.

Le soir dans le restaurant de cuisine ashkenaze où nous mangeons de délicieux gefultfish, Yvan nous dira : « Ils sont comme ça, ils arborent des croix gammées, le signe du loup, ils font des heil Hitler, ils frappent les gens et ils disent « Nous des fascistes, pas du tout ! »

Peu à peu en nous rapprochant de Koulikouvo polié, le lieu du rassemblement, la place de la Maison des syndicats sur laquelle a eu lieu le massacre[1]. Nous devons nous réunir, devant la maison des syndicats. La veille nous y avons été avec Marianne il y avait des fleurs et un maillot de marin supplicié avec l’inscription de mama Odessa. Des policiers étaient là, gardaient-ils le reposoir ou étaient-ils chargés d’espionner ceux qui venaient s’y recueillir ?

À Odessa tout est ambigu, on efface les signes de la Russie, de l’Union Soviétique, mais c’est à moitié, comme si ceux qui l’osent n’étaient pas assurés et craignaient la révolte d’Odessa silencieuse trop silencieuse. Ainsi en est-il de ce monument dans un square, qui mène à Koulikouvo polie, au milieu des habitations HLM, les Kroutchéviennes, des petites immeubles à trois étages charmants au milieu de la verdure autour du dit square et de sa statue à un héros de l’Union soviétique. Il est encore là, les dates de ses exploits son nom, mais l’écriteau qui expliquait la geste du héros a été arraché.

Au loin nous voyons l’imposante Maison des syndicats derrière un rideau d’arbres. Yvan s’exclame « ça y est ils recommencent! » La manifestation est autorisée, mais ça fait la troisième fois que les autorités prétendent qu’il y a eu un coup de téléphone prévenant du dépôt d’une bombe. Le lieu est bouclé, ceint d’un grand ruban rouge et blanc et tous les deux mètres un policier municipal flanqué de l’équivalent des CRS locaux cagoulés et avec gilets pare balle.

Pendant ce temps, dans le chemin qui fait le tour du champ de Koulikovo commencent à affluer des promeneurs dont la plupart portent des fleurs. Il y a surtout des femmes…

Certaines d’entre elles commencent à s’énerver devant ce cordon de police: « Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas passer? » , une des mères que nous avons rencontrées il y a peu est littéralement portée par son autre fils et elle leur crie « fascistes ! », une autre leur jette « Puissiez-vous crever ! » Ils ont visiblement ordre de ne pas répondre et se contentent de sourire. Un de nos amis nous dit : « devant la maison des syndicats, pendant l’incendie, ils n’ont pas bougé, ils ont laissé faire, mais il y en a eu quelques uns qui à titre individuel ont secouru les blessés, tenté de les arracher à leurs bourreaux…

Nous sommes Marianne et moi entourées, protégées… Faute de pouvoir se rendre à la maison des syndicats, une première cérémonie religieuse a lieu devant un monument qui fait face aux bâtiments. Un pope assure un service religieux, les fleurs s’accumulent et on nous annonce enfin que l’on peut se rendre devant la maison des syndicats :

La foule crie « Un peuple uni est invincible », une femme s’approche de nous et murmure « Savez-vous de qui provient ce cri, des juifs » Elle a employé le mot péjoratif en russe « jude », le mot allemand au lieu du mot neutre… quand je lui demande des explications, elle jette des regards autour d’elle et elle veut nous entraîner à l’écart pour nous répondre… C’est plutôt bon signe qu’elle craigne de dire en public son antisémitisme… nous refusons de céder à ses sollicitations et elle renonce…

Un seul drapeau est autorisé, celui d’Odessa. Je demande s’il y a des membres du parti communiste d’Ukraine… On me présente aussitôt deux femmes extraordinaires, l’une d’elle est très jeune, ravissante, une métisse africaine avec un chapon melon. L’autre est une petite vieille Véra, un modèle de poche,une minuscule babouchka, un petit fruit racorni et sucré avec des doigts comme des sarments qui ne craignent pas le froid… On ne peut pas ne pas être amoureuse de Véra, elle a les yeux bleus les plus innocents du monde, et le sourire le plus lumineux qui se puisse imaginer. Elle a préparé une soucoupe en cristal qu’elle a empli de bonbons acidulés de toutes les couleurs, elle tend à chacun son offrande. Elle se serre contre nous en apprenant que nous sommes des communistes françaises et nous dit à quel point Simonenko est ressorti fortifié de sa rencontre avec les communistes français. C’est très important que nous soyons là . Je suis obligée de plier les genoux pour être à ses côtés sur la photo.

Mes amies m’expliquent que Véra a été infatigable quand il s’agissait de soulager les blessés et elle est allé les voir, les veiller à l’hôpital, c’étaient de grands brûlés et ils souffraient beaucoup. Véra trottinai de l’un à l’autre, les aidant, leur murmurant de tendres proles maternelles. Elle a près de 90 ans et la jolie métisse communiste qui l’accompagnait la surveille comme une flamme prête à s’éteindre. Nous avons rendez-vous avec elle aujourd’hui pour nous rendre au siège du parti communiste.

Et c’est alors que commence le meeting qui est aussi un spectacle, avec des moments d’une grande beauté et d’une émotion intense…

Quand les participants lâchent des ballons noirs. Ils montent ensemble dans le ciel bleu et peu à peu s’éloignent poussés par le vent en traçant une calligraphie d’oiseaux migrateurs… Même les plus incroyants ne peuvent s’empêcher de songer que ces âmes ont choisi de rester ensemble…

Leurs mères tiennent leur photos sur la poitrine et éclatent en sanglots tandis qu’on lit des poèmes, la foule répète en russe : « Nous n’oublions pas, nous ne pardonnons pas ! »

Puis c’est le tour de Marianne, je lui tiens le micro et elle dit les mensonges en occident, le silence complice et combien nous faisons ce que nous pouvons, les réunions dans le Pas de calais, à Lyon, dans la patrie de Jaurès, à Arcachon et la fête de l’Humanité à Paris. Elle termine sur notre reconnaissance à nous Français d’avoir été libérés par les Russes, par les peuples d’Union Soviétique.

Elle est saluée par des cris d’enthousiasme, des merci la France, la France est notre amie ! Puis tout monde reprend en cœur : « le fascisme ne passera pas ! » A la fin du discours, nous sommes gelées et nous devons partir, les gens viennent vers nous. Un vieil homme m’explique tout le mal qu’il faut penser des fascistes, je n’y comprends pas grand chose mais je saisis « Normandie Niemen », et je sais qu’il me propose de combattre à nouveau. Je manifeste mon accord et nous nous donnons une accolade comme si nous avions derrière nous lui l’armée rouge et moi la Résistance française… une femme me dit qu’il faut absolument que nous expliquions aux Français qu’il lui est impossible de vivre avec sa retraite… Si vous saviez comme ils ont besoin de nous…

Une vidéo.

Danielle et Marianne

[1] Le nom de la place célèbre la victoire des Russes sur les hordes mongoles au XIVe siècle. Cette victoire marque la fin de la soumission des terres russes aux hordes mongoles, bien que les invasions de ceux-ci ne cessent définitivement qu’un siècle plus tard. Elle a aussi une grande importance symbolique pour l’unification des terres russes…


Témoignage à visage découvert sur les événements du 2 mai

Nous avons rencontré Alexandre Makarenko à Odessa le 3 novembre, deux rencontres, l’après-midi dans un café, le soir dans un restaurant. Cet homme très grand, élancé, calme et souriant a accepté de témoigner à visage découvert sur les événements du 2 mai tels qu’il les a vécus. Ces événements sont de première importance non seulement à cause de la violence et du massacre, mais parce qu’ils sont le signal déclencheur d’une répression de l’État qui va culminer dans le Donbass. Son témoignage est précieux parce qu’il est celui d’un citoyen engagé dans la vie d’Odessa, mais aussi parce qu’il montre justement le seuil tel qu’il a été franchi inutilement et qui consacre plus ou moins actuellement la fin de l’Ukraine.

Une autre précision essentielle à apporter, parce que les Français qui ont toujours de la difficulté à regarder autrement le monde qu’à travers leurs propres lunettes, confondant sans doute universalisme et colonialisme, sont persuadé que Alexandre Makarenko appartient à un groupe d’autodéfense… Alors quelques précisions, la droujine est une institution prévue par la Constitution et qui se met en marche en situation de crise avec des citoyens respectés de tous et qui se mobilisent pour défendre la ville contre l’étranger ou pour empêcher la guerre civile. Quelque chose entre les bourgeois du Moyen âge faisant leur ronde et les CDR a Cuba. Les droujines ne sont pas une organisation permanente, elles ont été constituées en février après le coup d’État du Maïdan qui a inquiété tout le monde dans l’est et dans le sud par son illégalité, la violence exercée contre des policiers désarmés, le rôle joué par des fascistes ouvertement hostiles aux populations russes et l’illégalité du nouveau gouvernement appuyé par l’étranger. Si dans le même temps sur les champs du Koulikouvo se sont constitués des baraquements antimaïdan, sur le modèle du maïdan, des citoyens de toutes opinions se sont entendus pour empêcher les désordres dans la ville et ceux venus de l’extérieur. On ne comprend rien à ce qui se passe en Ukraine si on ne perçoit pas cette « grande peur » qui a saisi les habitants du sud-est. Nous avions rencontré en Crimée de regroupements de citoyens qui gardaient les statues de Lénine. A Odessa qui revendique toujours plus ou moins un statut de port franc, on a revitalisé les regroupements de prudhommes avec deux droujines la droujine d’Odessa qui correspond à ce que on appelait au Moyen âge le « gros » peuple, les nationalistes, et la droujines populaire ou le petit peuple.

À l’époque Alexandre Makarenko est depuis le mois de février dans la droujine populaire[1]. Il y a deux droujines, la droujine populaire et la droujine d’Odessa, plus nationaliste. Il insiste sur le fait que ces droujines sont tout à fait légales. Ce sont des troupes de citoyens formées en conformité avec la loi. Leur reconnaissance juridique, précise-t-il est fondée sur l’article 27 de la Constitution, loi n° 28-63.3. C’est une loi qui porte sur les activités citoyennes pour la défese de l’ordre et des frontières de l’État. Sur la base de cette loi, à Odessa, les habitants comme lui, faisaient des patrouilles en collaboration avec la police et à l’intérieur de leurs équipes. Dans la journée, Alexandre travaillait et la nuit il faisait des patrouilles. Leur mission était le maintien de l’ordre et le soutien aux organismes d’État.

Ils ont eu ainsi l’occasion de défendre des euromaïdans contre les antimaïdans. En particulier il se souvient d’une journée, le 1O avril. De la même manière, le 2 mai, ils ont défendu les gens contre les nationalistes ukrainiens à la Maison des syndicats.

Les événements qu’il veut d’abord nous décrire se sont passés le 10 avril. A la 11e station de la Grande Fontaine. Il s’agit du nom d’un quartier traversé par une ligne de tramway avec ses stations. Donc quand il sort du travail, il téléphone à son commandant de la droujine populaire. Ce qu’il tient à préciser pour que nous voyions bien le contexte, c’est qu’ils sont en stationnement aux check points avec des gens qui sont pour l’Euromaïdan. Ils travaillent ensemble. Son commandant lui dit d’aller tout de suite au champ de Koulikovo. La foule courait derrière une personne et commençait à le battre. Quand ils sont arrivés, avec les autres membres de la droujines, ils ont sauté hors de la voiture et ont protégé l’homme de leur corps. C’était un activiste de pravy sektor, mais il ne l’a su qu’après, que les gens rassemblés sur koulikovo dans des campements et qui étaient antimaïdan voulaient écharper. Plus tard il a vu sur youtube cette personne qu’il avait sauvée, son pseudonyme est « le sanglier ».

En fait à cette date du 10 avril, ils pouvaient encore discuter entre euromaidan et antimaïdan et ne s’en privaient pas. A Kiev campaient les euromaïdans, à Odessa c’étaient les anti-maIdan, mais il y a eu un parlementaire qui est venu s’expliquer à Koulikouvo. Alexandre était de garde auprès de la tente et il a bien écouté le député expliquant que les gens de l’euromaïdan n’ont aucune part dans le désordre, c’étaient ceux de pravy sektor qui semaient le trouble. Et tous discutaient calmement, affrontaient leurs idées.

Le 2 mai, ils avaient prévu un rassemblement de leur droujine à 15 heures. Il a téléphoné aux membres de son détachement et il leur a confirmé la rencontre pour 15 heures. C’est à ce moment-là qu’ils ont appris les événements qui étaient en train de se dérouler.
En fait on savait qu’il y avait en ville les ultras du club de foot de Kharkov et nous devions patrouiller pour éviter les désordres. Mais c’est seulement quand nous avons été en face d’eux que nous avons compris à qui nous avions affaire.

Il y avait un groupe de la droujine composé de 70 personnes dirigé par Oleg Musyko qui organise des expositions en Europe Occidentale. Son propre groupe, le second, n’était formé que de 20 personnes dirigé par Rostlav Barda. Ce dernier était un ancien de KPU dont il avait été exclu, il ignore pourquoi.

Ils passaient dans la rue Bounine, c’est là qu’ils sont tombés sur des extrémistes de droite. Il a eu le temps de crier « boucliers en avant ! » mais les autres étaient trop nombreux, plus de 150, alors qu’eux n’étaient qu’une vingtaine. Les membres de la droujine qui avaient un bouclier tentaient de protéger les autres des coups qu’ils leur assénaient. Il leur a commandé de s’enfuir tandis que ceux qui avaient des boucliers protégeaient leur retraite. En tant que commandant du détachement, il est parti le dernier. Il avait son sac à dos, à présent posé contre les pieds de la table du café et il nous le désigne en souriant. Il avait aussi un bouclier et un casque. Il a réussi à se protéger avec, c’est ce qui l’a sauvé, mais ils l’ont renversé, son bataillon s’était dispersé dans les rues adjacentes. Ils ont exigé qu’il montre ses papiers. Il avait une carte d’officier dans la poche de sa chemise, il l’a montrée et a pu partir.

Ensuite, il est rentré dans le champ de koulikouvo où les gens affolés construisaient des barricades d’abord sur la chaussée ensuite devant le bâtiment des syndicats. Ils prenaient tout ce qu’ils pouvaient trouver, des tonneaux, des morceaux de fer… C’est alors que les extrémistes environ 2000 personnes venant de la place de Grèce se sont approchés du champ de Koulikouvo. La droujine qui s’était reformée depuis la bagarre de la place de Grèce comprenait à ce moment-là environ une douzaine de membres. Ils ont donné l’ordre d’évacuer la place, les gens paniquaient et ils ont enfoncé les portes de la maison des syndicats. La droujine a réussi à faire partir un certain nombre de gens en les encadrant, donc ils n’étaient plus que 5 pour veiller sur les gens restés sur le champ. Quand la foule des extrémistes a été là, au pied de la maison devant les tentes, l’un d’eux lui a dit : « Sacha qu’est-ce qu’on fait ? » Les gens étaient dans la maison des syndicats, certains aux fenêtres et ils recevaient des jets de pierre et des coktailes Molotov. Il a répondu, « il faut faire descendre les gens ! » Et le petit groupe restant de la droujine a rapproché des fenêtres des échaffaudages qui se trouvaient là et ils ont tenté de sauver une partie de ceux qui commençaient à sauter.

Il faut comprendre qu’ils avaient commencé à se barricader sur le champ et puis devant l’entrée de la maison. Ils ont alors subi l’assaut des 7e, 8e et 9e centuries du Maïdan de Kiev.
Je lui demande comment il savait ce détail ?

Officiellement il s’agissait seulement des supporters du club metallist de Kharkov, mais quand Alexandre a été au premier étage pour faire échapper les gens, il a distinctement entendu un ordre à la 8e centurie de Kiev d’avoir à former les rangs. Ils étaient beaucoup mieux équipés qu’eux. Ils portaient des gilets pare-balle et des casques de l’armée sur lesquels il y avait des bandes bleues et jaunes avec le numéro de la centurie.

Les jet de pierre et de coktail molotov avait pris de l’ampleur, une partie des assaillants est entré dans la maison des syndicats par des issues latérales. Sur la place, il y a eu un incident. Un des ballons de gaz qui servaient aux campeurs de l’antimaïdan pour préparer les repas a pris feu. Tout le monde s’est écarté devant les bouteilles de gaz qui commençaient à brûler.

La chaîne de télé 1+1, celle de Kolomojski a prétendu que les gens s’étaient écartés parce qu’on tirait sur eux de la maison des syndicats. C’est faux, ils se sauvaient de crainte de voir exploser la bouteille de gaz, les tuyaux de plastique étaient déjà en flammes. Les gens qui se trouvaient devant l’entrée se défendaient des cocktails Molotov de l’assaillant et ils se sont repliés.

Mais pendant ce temps les extrémistes ont pris les escaliers de secours en rentrant par deux portes latérales. Ils ont incendié le deuxième étage.

Alexander Makarenko nous explique en griffonnant quelques croquis comment lui qui avait tenté de faire descendre des gens par les échaffaudages s’est alors retrouvé bloqué avec 6 autres personnes dans une salle de conférence. Il y avait un enfant de 12 ans, une femme, un homme âgé. Il avait trouvé un casque de chantier qui lui a sauvé la vie. Il a téléphoné à la police en expliquant qu’il fallait faire sortir les civils bloqués là. Il a barricadé la porte de la salle pour les empêcher de venir les trouver comme ils faisaient ailleurs. Seulement 40 minutes après, la police lui a donné le signal. Il nous indique que ce qui prouve que c’était préparé c’est le fait que les militants d’extrême-droite ont bloqué les camions de pompier en cherchant à s’en emparer.

Comme il ne cesse d’insister sur le fait que jusque là euromaïdan et antimaidan s’entendaient plus ou moins, en fait faisaient des patrouilles en commun et qu’ils avaient tous à cœur d’empêcher les bagarres, il décrit une horde venue de l’extérieur sous couvert d’un match de foot et d’un déplacement de supporters, je lui ai dis que nous avons vu des vidéos avec des habitants d’Odessa, un avocat en particulier en train d’achever à coup de massue des blessés à terre… C’est vrai avoue-t-il il y a une minorité de ces gens là mais ils existent, sans eux les assaillants n’auraient pas pu se diriger avec autant d’aisance dans les rues d’Odessa, aller bloquer les entrées des pompiers, mais la majeure partie de la ville n’en veut pas.

Et c’est là qu’il nous raconte à titre d’exemple comme le mois dernier, à la mi octobre, la municipalité a réuni les représentants des diverses communautés de la ville, lui représentait les Bélarusses. Ils leur ont proposé de faire un clip avec le slogan « Odessa c’est l’Ukraine » et de tous apparaître. Alors en tant que représentant des Belarusses il a refusé, ce cri il l’avait entendu dans la bouche des meurtriers dans le champ de koulikouvo. Le seul clip auquel il pourrait participer serait un clip qui dénoncerait les assassins du 2 mai à cause desquels la ville a perdu son unité, toutes les autres communautés, les Grecs, les Moldaves, les Polonais, les Juifs, etc. l’ont approuvé et ont refusé un tel clip…

Et puis toujours à titre d’exemple, il nous raconte, la suite des événements : comment la police les a amenés vers 3 heures du matin, les premiers soins ont été donnés aux blessés dans les locaux du commissariat alors qu’on commençait à les interroger pour savoir quel avait été leur rôle. L’endroit était sinon confortable à tout le moins il n’y ont pas subi de mauvais traitements par la police locale qui les plaignait. Sa jambe gauche était blessée, deux femmes ont reçu une piqure elles faisaient une crise d’hypertension. Il décrit la situation : ils n’ont pas été brutaux avec nous, ils nous ont isolés des voleurs et des délinquants… Nous étions très nombreux, il n’y avait plus de place dans les cellules. Chaque cellule contient deux personnes, là nous étions 4, mais la police locale ne nous traitait pas comme des criminels. Nous sommes cependant restés là jusqu’au 4 mai. Le 4, les habitants de la ville et du quartier sont venus les réclamer. La foule a réussi à pénétrer. On était alors au deuxième étage du bâtiment, on entendait en bas le policier en chef du lieu crier « Négociations , négociations ! » la foule a fait une haie et a commencé à les faire sortir et ils ont pu s’échapper sans que personne ne les retienne.

Cette description renvoie une fois de plus au fond de sa pensée : Odessa dans sa diversité et l’immense majorité de la population, la quasi-totalité même qu’ils soient pour ou contre le Maïdan a pratiqué là une sorte d’entente et de compromis jusqu’à ce que les fascistes interviennent pour créer l’irréparable et il nous dit « Pour faire opposer les gens, il fallait faire couler le sang »… et ça a été le signal de la répression totale, de la bride laissée aux fascistes, y compris avec l’intervention dans le Donbass.

[1] Le terme droujina (družina) est utilisé dans les sources russes les plus anciennes pour désigner la truste du prince (Xe-XIIe s.), dont les membres constituaient le noyau de l’armée princière à la Cour de Kiev. Progressivement, ces antrustions (družinniki) furent dotés de propriétés foncières et se confondirent avec l’aristocratie terrienne pour constituer la classe des boyards.


Présentation de l’exposition sur le massacre d’Odessa

Voici un texte rédigé pour proposer une exposition de nos amis et camarades d’Odessa. Les premiers à qui cette exposition est proposée sont les Marseillais et en particulier les camarades de la CGT. Nous souhaiterions organiser une tournée de cette exposition du 25 au 31 janvier dans diverses villes de France. Marseille et Vénissieux sont dans l’ordre du possible, pour ces derniers comme il y a le 31 janvier les Rencontres internationales, nous souhaiterions également faire venir le secrétaire général du parti communiste de la Région d’Odessa. Si d’autres villes de France sont disposées à organiser l’accueil aux alentours de ces dates et donc apporter leur contribution aux billets et séjours, faites-vous connaître.

Amicalement

Danielle Bleitrach

PRESENTATION DE L’EXPOSITION SUR LE MASSACRE D’ODESSA

Parmi les événements tragiques de ces derniers mois en Ukraine, la tragédie du 2 mai où des dizaines de personnes ont été brûlées vives dans la Maison des Syndicats à Odessa occupe une place particulière.

L’horreur de ce crime abominable, son caractère prémédité, la collusion entre les bandes fascistes et le pouvoir ne peuvent laisser indifférent.

Nos amis d’Odessa, regroupés dans des organisations antifascistes et des comités de soutien aux mères des victimes ont préparé une exposition qui tourne depuis quelque temps dans plusieurs villes d’Europe. Ils sont prêts également à se déplacer pour organiser des événements en liaison avec cette exposition.

Il y a en tout 57 photos (à imprimer au format A3), avec légendes en français, et 8 textes d’accompagnement, pour aider à comprendre les circonstances et le déroulement des faits.

Il me semble essentiel que la CGT à Marseille et dans les Bouches du Rhône manifeste leur solidarité avec les camarades assassinés dans la maison des syndicats et avec leurs mères. Que l’intiative soit soutenue et que la lumière soit faite sur ce crime abominable. Marseille et Odessa sont jumelées et dans cette ville qui a été fondée par la Russie (Catherine II) mais aussi par des Marseillais, la solidarité d’un autre port et de ses travailleurs serait vécue avec joie. Nous pourrions proposer à Une des personnes de venir présenter l’expostion en lui assurant le prix du voyage et un logement à Marseille. Par ailleurs Danielle Bleitrach et Marianne Dunlop peuvent aider à la réussite de l’exposition et de la conférence.

Voici le premier des textes, le « préambule » :

Après le coup d’État à Kiev fomenté avec la participation active des organisations ultranationalistes de partisans de Bandera et du « Secteur droit », des mouvements antifascistes sont nés à Odessa, comme dans la plupart des villes du Sud et de l’Est de l’Ukraine.

Les résidents d’Odessa, une ville multinationale, assurant la coexistence paisible des représentants de dizaines de nationalités – Ukrainiens, Russes, Juifs, Grecs et beaucoup d’autres – étaient inquiets de la rhétorique nationaliste des nouvelles autorités.

Comme conséquence, au centre-ville, sur la place « Koulikovo polé», a été organisé un camp pacifique d’antifascistes qui n’adhéraient pas aux autorités de Kiev. Essayant de protéger leur ville natale, ils ont demandé plus d’autonomie pour leur région par le biais d’un référendum sur la future structure fédérale de l’Ukraine.

Le 2 mai un match de football devait avoir lieu entre les équipes « Métalliste » (Kharkov) et « Tchernomorets » (Odessa).

Quelques jours avant les événements tragiques, des prétendus fans de football, des extrémistes et des guerriers du « Secteur droit » venant de différentes régions de l’Ukraine ont commencé à converger vers Odessa.

Bien que le sachant, les autorités locales ont malgré tout autorisé la marche des soi-disant « fans du football » au centre-ville, près du camp antifasciste.

Le laisser-faire des pouvoirs, l’inaction ostentatoire de la police, la bonne coordination des actions des guerriers-néofascistes témoignent que l’opération de nettoyage avait été planifiée et préparée d’avance.

Cet événement tragique qui s’est produit le 2 mai à Odessa, les dizaines des victimes civiles resteront pour toujours sur la conscience du régime criminel à Kiev.


Sources : billets du blog Histoire et Société de la sociologue Danielle Bleitrach.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

jean // 16.11.2014 à 08h24

Surtout, ne jamais oublier, il faut que Odessa devienne l’ Oradour de l’ UE.

7 réactions et commentaires

  • jean // 16.11.2014 à 08h24

    Surtout, ne jamais oublier, il faut que Odessa devienne l’ Oradour de l’ UE.

      +17

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  • Judabrutus // 16.11.2014 à 09h22

    L’infamie d’Odessa rejaillira pour jamais sur ceux qui l’ont couverte de leur silence !

      +11

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  • pierre9459 // 16.11.2014 à 09h39

    Merci Olivier de remémorer le souvenir de ce crime couvert par toutes les élites occidentales et même approuvé par leur grande majorité.
    Odessa, comme tout ce qui se passe dans l’est de l’Ukraine démontre le coté absolument épouvantable des gens de Kiev. Il n’y aura jamais de mots assez durs pour les dénoncer.
    Être complices par gouvernement interposé est insupportable !

      +9

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  • Alae // 16.11.2014 à 11h22

    Nous n’oublierons pas Odessa, nous ne pardonnerons jamais.

      +7

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  • Slavyanka // 16.11.2014 à 12h38

    Bravo à Danielle Bleitrach et merci à Olivier Berruyer de nous rappeler cette tragédie innommable d’Odessa qui a eu lieu le 2 mai dernier.
    Cette belle ville portuaire a toujours été très colorée, cosmopolite (tout en restant russophone) et pacifique, ce massacre était sans doute destiné à étouffer des protestations et un soulèvement possible de ses habitants contre le pouvoir des putschistes kieviens..

      +5

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  • anne jordan // 16.11.2014 à 17h39

    merci mille fois , pour ces témoignages !
    je transfère à des camarades , en espérant qu’ils pourront organiser une expo de ces photos….
    Courage et honneur aux habitants d’Odessa !

      +4

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  • Michel LONCIN // 17.11.2014 à 09h05

    « Nous n’oublierons pas Odessa, nous ne pardonnerons jamais » … Et l’on peut ajouter : « Odessa sera VENGE » !!!

      +1

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