Généalogie de « l’État stratège »
La pandémie de la COVID-19 s’est traduite par le surgissement d’un évènement imprévu au conséquences majeures[1], qui a constitué pour les principaux décideurs et dirigeants une surprise radicale[2]. Il est alors apparu que les mécanismes existants de marché se sont révélé inadéquats pour faire face à une telle crise. Cette dernière, par son caractère exceptionnel, mais aussi par sa durée, a fait ressurgir la question de la planification, comme instrument de politique économique. Plusieurs arguments surgissent alors pour justifier l’emploi de formes de planification dans les économies pour les années à venir.
Cette surprise a invalidé les résultats traditionnels du calcul économique et a fait émerger l’acte de la décision politique comme central alors que les marchés se sont avérés incapables de gérer ce type d’évènement. Dans cette situation, la décision politique se révèle plus efficace que le calcul économique. C’est aussi le cas de la décision heuristique[3], car il devient impossible de calculer au préalable les conséquences de l’événement imprévisible. Dans cette situation, O. Neurath avait démontré dés 1909, qu’elle conduisait à un retour à l’économie « de guerre », ce qu’il appelle aussi une « économie en nature »[4]. en 1919-1920 que la planification pouvait s’avérer supérieur au marché.
Le fait que l’incertitude générale engendrée par la pandémie de la Covid-19 se soit alors étendu sur les diverses économies[5], et que les agents, les entreprises comme les ménages, aient éprouvé, et éprouvent toujours, de nombreuses difficultés pour se projeter dans l’avenir, pourrait s‘avérer une cause de récession[6]. La nécessité des gouvernements de construire une forme de prévisibilité de l’avenir s’impose comme la clef d’un retour durable à la croissance. Mais, cette même prévisibilité renvoie aussi à la capacité des Etats de se doter des moyens d’intervention dans l’économie et d’orienter les anticipations des agents. C’est aussi l’un des intérêts de la planification que de permettre aux agents de se projeter à nouveau dans un futur moins incertain.
Les conséquences de la crise sanitaire ont été par ailleurs multiples. Cette dernière a entraîné la nécessité d’une véritable mobilisation, sur le modèle des économies de guerre[7], des économies qui avaient été les plus frappées par la pandémie. Or, ces processus de mobilisation ont historiquement été les premiers cas de planification.
La crainte d’une récurrence d’une telle pandémie va durablement façonner les comportements économiques dans les années à venir. La nécessité pour les Etats de s’organiser afin de faire face à de tells événements va impliquer, elle aussi des formes de planification. C’est donc ce sujet qu’il nous faut explorer avec, pour commencer une généalogie des formes de planification.
On se réfère souvent à l’URSS. En effet, en février 1921 était créé le GOSPLAN en URSS, avec la nomination à sa tête de Gleb M. Krjijanovski[8]. Cette date est donc souvent vue comme le début des institutions de planification, même si le GOPLAN ne prit réellement de l’importance qu’à partir de 1925. Pourtant, la planification, que ce soit en théorie ou en pratique, ne commença pas avec la révolution de 1917 et la naissance de l’URSS. L’expérience des « économies planifiées »[9], sur laquelle des travaux sont revenus ces dernières années[10], a eu tendance à faire oublier qu’il y eut une « autre » planification, certes moins extensive, qui se développa dans des économies dont nul alors n’aurait eu l’idée de contester la nature capitaliste.
Il y eut donc toute une expérience de planification dans les économies « capitalistes » qui est issue de la première guerre mondiale et qui est généralement – mais pas entièrement – liée aux économies de guerre. Cette expérience fut renforcée et consolidée par le second conflit mondial. Elle affecta profondément les décideurs et la politique économique de l’après-guerre, comme le note A.S. Milward : « Les succès obtenus laissèrent ceux qui furent concernés par la direction des économies occidentales avec des attitudes profondément différentes vis-à-vis de l’économie (…). Dorénavant, ils ne se sentiraient plus les victimes impuissantes de forces économiques au-delà de leur contrôle. Les économie furent dirigées, positivement et avec succès, sur différentes trajectoires durant la période de guerre »[11].
C’est cette expérience, parfois connue avec l’histoire des économies de guerre constituées autour du premier conflit mondial dont on a commémoré il y a peu le centenaire, et parfois oubliée, comme les diverses expériences des années 1930, qui nous fournit un important contrepoint à l’expérience soviétique. Cette planification en pays capitaliste s’est aussi épanouie comme dans le cas de la « planification française » de l’après-guerre, mais aussi comme dans le cas du Japon dans les années 1950 et 1960. Elle permet, alors que la crise sanitaire de la Covid-19 et ses conséquences économiques semblent avoir redonné un certain lustre à l’idée de planification, de chercher à retracer la généalogie de cette idée en dehors de toute référence à l’URSS et à ses satellites.
I – L’expérience de la guerre de 1914-1918
La première guerre mondiale fut marquée par l’importance de la logistique et de l’organisation de la production, ce qui était déjà sensible dans la Guerre de Sécession nord-américaine[12]. Mais, ce qui était important devint alors fondamental. La guerre s’industrialisait. C’était désormais la capacité à équiper les hommes en masse, à acheminer vers le front les quantités énormes de munitions requises et à faire tout cela en maintenant un flux sans cesse croissant de production, qui pouvait décider de la guerre. Pour ne pas avoir compris cette mutation, l’armée Allemande s’est d’ailleurs condamnée à l’échec dans la 1ère comme dans la 2ème guerre mondiale[13].
La guerre de 1914-1918 imposa donc une restructuration brutale des activités économiques[14]. Le phénomène de « l’économie de guerre » n’est pas simplement réductible à l’économie en temps de guerre et à l’accroissement de certaines productions. Il couvre aussi la restructuration brutale des institutions et des activités qui, couplées avec un acheteur unique[15], l’Etat, va dans le sens d’une limitation des mécanismes de marché au profit de modes d’allocation organisés, voire centralisés. En ce sens, les économies de guerre peuvent apparaître comme des précurseurs de la planification. Nous allons en examiner trois exemples emblématiques.
A. Le prototype allemand
L’Allemagne fut le premier pays belligérant à prendre des mesures pour contrôler l’achat et distribution de matières premières. En cela l’économie de guerre allemande peut passer pour « prototype » de la planification. La raison en fut le blocus[16] mis en place par les Franco-Britanniques. La réorganisation de l’économie allemande se mit ainsi à l’œuvre pratiquement dans les premiers jours du conflit[17]. Le Département des matières premières de guerre (Kriegsrohstoffabteilung ou KRA[18]) fut mis en place quelques jours plus tard. Ce département était dirigé par Walter Rathenau, et il le dirigea jusqu’en 1915. Il choisit lui-même ses collègues, dont Wichard von Moellendorff, en tant que leaders industriels et financiers. Rathenau a une formation d’ingénieur et d’industriel. Von Moellendorff, lui aussi, a une formation d’ingénieur mais aussi d’économiste. Intéressé par les travaux de List (le fondateur du protectionnisme moderne) mais aussi par le courant socialiste non-marxiste.
Les dirigeants du KRA étaient chargés de contrôler le réquisition et allocation des matières premières nécessaires à l’industrie de l’armement. Ils imposaient des quotas, que ce soit pour la production ou pour les allocations de matières premières et fixaient les prix. Cela constitua la création d’un système qui était le premier pas vers une mobilisation totale pour les besoins de la guerre. Le KRA créera vingt-cinq sociétés de matières premières de guerre et a rouvert des usines qui avaient fermé leurs portes parce qu’elles n’étaient pas économiquement viables. Il a également encouragé la substitution de matériaux disponibles pour les matériaux rares[19]. Or, le KRA était sous l’autorité du ministère de la Guerre de la Prusse et il en devint en quelque sorte le « bras armé ». Cette situation s’accompagnait de ce qu’un historien a appelé la « dictature silencieuse » provenant du transfert du pouvoir effectif du gouvernement impérial au Haut Etat-Major[20]. Le KRA vit ses pouvoirs aller en se renforçant durant tout le cours de la guerre.
Les hausses de salaires induites par la pénurie croissante de main-d’œuvre gonflaient les encaisses liquides des ménages et alimentaient l’inflation. En raison de la sensibilité politique de la population à ce phénomène, une population souffrant déjà de restrictions allant croissantes du fait du blocus[21], mais aussi pour éviter que ces hausses de prix ne désarticulent le système de priorité mis en œuvre par le KRA, ce dernier commença à imposer des mesures de contrôle des prix visant en premier lieu les produits alimentaires. Ces derniers pénalisant les agriculteurs, ceux-ci eurent recours au marché noir[22], ce qui induisit la création le 22 mai 1916 de l’Office de guerre pour la nourriture ou KEA. Cet organisme, qui était lié au KRA et à l’Etat-Major, fixait des quotas de livraisons à des prix imposés[23]. Pour faciliter la mobilisation par les entreprises de la totalité de leur potentiel productif, le gouvernement institua un système de réescompte automatique des effets commerciaux[24], ce qui eut pour effet de faire basculer l’économie allemande dans ce que Janos Kornaï a appelé la « contrainte budgétaire molle »[25]. Le gouvernement accrut aussi massivement la dette publique et la Banque centrale se trouva bientôt dans la situation de devenir le centre très majoritaire de financement de l’économie, rapprochant ainsi l’Allemagne de ce qu’Aglietta et Orléan ont appelé le « système homogène et centralisé »[26]. Ceci engendra une dimension systémique à l’inflation[27].
La réussite du KRA peut alors se mesurer : en 1917, la production d’armement atteignait 46% du PIB[28]. Rapporté à 1913, les armements représentaient environ 35% du PIB. Cependant, la production de l’agriculture était, elle, tombée à 60% de son niveau d’avant-guerre[29]. Mais, tout ceci fut fait à un prix très lourd pour la société allemande[30].
Les institutions de mobilisation de l’économie, préfigurant une forme de planification, apparaissent alors comme ayant été construites en surplomb dans la société allemande. Le fait qu’elles aient été rattachées à l’Etat-Major contribua à leur donner une force certaine mais fut aussi la cause de leur perte de légitimité dans les 18 derniers mois de la guerre. De fait, peu entendirent les avertissements de Walter Rathenau, publiés un an avant son assassinat par un groupe d’extrême-droite : « Les expériences économiques faites pendant le guerre nous permettent de diriger notre industries dans le sens d’une économie plus proprement nationale »[31].
B. L’expérience française de planification par la concertation
La France fut, elle aussi, confrontée à la forte hausse des besoins industriels, combinée à une réduction toute aussi forte des capacités de production. Si seulement 3,7% du territoire national était occupé par l’ennemi avec 8,2% de la population[32], ceci correspondait à 14% de la main d’œuvre ouvrière et à la production de 58% de l’acier et de 40% du charbon[33]. Cela impliquait une mobilisation de l’économie dès la fin de 1914, qui s’intensifia progressivement[34]. Des hommes comme Albert Thomas, Victor Dalbiez, Louis Loucheur ou, Étienne Clémentel organisèrent une véritable mobilisation de l’économie de guerre, avec réquisition des entreprises et de la main-d’œuvre (loi Dalbiez du 4 juin 1915[35]). En 1914, le gouvernement comprenait douze ministères.
Ils ne feront que se multiplier ainsi que les secrétariats et les sous-secrétariats d’État. En 1915, c’est le début de la multiplication des organes administratifs et 281 comités et commissions sont recensés, ils iront jusqu’à 300 en 1918. Devant cette multiplicité d’organismes et les difficultés à faire appliquer les règlements, le ministère de la Guerre nomme des intendants militaires dans chaque région et dans chaque département, chargés de réunir, d’organiser l’action des différents corps économiques et de surveiller la mise en application des décisions gouvernementales ou militaires[36]. Leurs ordres l’emportaient sur les directives de l’administration civile, ce qui entraîna parfois des conflits entre l’armée, les préfets et les conseils généraux.
L’année 1916 joua un rôle capital dans le processus de mobilisation de l’appareil économique en France[37]. C’est l’année qui vit le passage des « improvisations » à une réelle rationalisation. Dans cette « mise en ordre » de la mobilisation de l’économie, les résultats quantitatifs furent au moins aussi importants que les résultats qualitatifs[38]. Ils permirent, avec l’aide des Alliés, à la France d’équiper et de nourrir ce qui était sans doute la meilleure des armées au combat en 1918[39]. Au cœur de cette rationalisation, trois hommes émergent.
Le premier est Albert Thomas, un socialiste et syndicaliste. Le Président du Conseil lui confie le sous-secrétaire d’État à l’Artillerie et à l’Equipement militaire dans son cabinet du 26 août 1914. Il conserve ce même portefeuille dans le cabinet Briand du 29 octobre 1915 (les munitions étant substituées à l’équipement militaire). Ce sous-secrétariat d’État est ensuite converti pour lui en ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre dans le cabinet Briand du 12 décembre 1916. Il sera remplacé le 12 septembre 1917 par Louis Loucheur qui fut incontestablement l’homme de l’organisation de la production[40]. Son nom reste attaché à la mobilisation économique de la France[41]. Louis Loucheur, fut Sous-Secrétaire d’Etat aux Fabrications de Guerre et donc subordonné à Albert Thomas. Venant des milieux d’affaires mais aux idées volontaristes en économie[42], il édictera deux « Instructions Générales » qui seront en vigueur jusqu’à la fin de la guerre[43].
Le troisième homme, certes moins connu que les deux autres mais dont le rôle ne fut pas moins important, fut Etienne Clémentel, qui fut Ministre du Commerce et de l’Industrie d’octobre 1915 à janvier 1920[44]. Il ne cesse d’accroître ses fonctions ministérielles. Son rôle est méconnu mais essentiel[45]. Il pousse les chefs d’entreprises à s’organiser, joue un rôle décisif dans la naissance de la Confédération Générale de la Production Française, et cherche à structurer l’économie française tant par branches[46] qu’autour de pôles régionaux[47]. Ces trois hommes, aux profils très différents, eurent un poids considérable dans la mobilisation de l’économie française.
Patrick Fridenson[48] identifie alors un modèle français où l’Etat cherche plutôt à coordonner et à équilibrer les demandes de l’Etat-Major et des industriels, tout en défendant ses propres intérêts[49]. Le cas de la France est encore plus spécifique car c’est à travers l’Etat, et la personnalité d’Albert Thomas, que la présence des syndicats va pouvoir s’affirmer dans le processus de mobilisation. L’Etat reste néanmoins le maître du jeu[50]. Le rôle de l’Etat se répartit en un contrôle parlementaire, qui resta efficace durant tout le long de la guerre, et dans le rôle joué par le Ministère des Finances[51].
Cependant, l’administration se trouva dans une situation d’asymétrie d’information. A travers des instruments tels les avances sur contrats, avances qui furent étendues aux outillages ou la menace d’une fiscalité punitive, cela conduisit les industriels à baisser leurs prix et à donner plus de garanties à l’Etat[52]. L’action d’Albert Thomas est aussi importante car elle met, au travers de la politique industrielle, l’Etat en fonction de producteur. Ce fut un moyen de tourner cette asymétrie d’informations contribuant à améliorer le processus de passation des contrats.
L’expérience française de mobilisation de l’économie peut alors s’interpréter de manière différente de l’expérience allemande. Le pouvoir politique est resté maître de la situation et cela se traduit par le contrôle exercé par les parlementaires. Nulle trace d’un quelconque surplomb. Nous serions alors en présence d’une tentative de planification par la concertation, une concertation entre quatre acteurs, l’Etat-Major, les services de l’Etat (l’administration), les entrepreneurs et les salariés. Cette concertation, qui n’exclut naturellement pas le conflit ni le commandement, est certainement la clef de la réussite de cette forme de planification que fut la mobilisation industrielle en France. Elle anticipe les négociations tripartites de l’après-1945.
C. La planification par le conflit.
La naissance de l’économie de guerre en Russie présente un exemple déconcertant d’une planification issue d’un processus antagonique entre le monde des industriels et celui du pouvoir politique impérial, d’une planification qui aurait ainsi été imposée PAR l’industrie au pouvoir politique. Ce processus doit cependant être remis dans son contexte, celui du développement du capitalisme en Russie[53]. Il faut aussi relativiser les thèses sur le développement autonome du capitalisme en Russie[54]. À l’exception de la pression fiscale, les relations monétaires et marchandes mordent peu sur le monde rural[55].
C’est une différence notable avec le schéma de développement de l’Europe occidentale au XIXème siècle. La domination du système monétaire sous contrôle des autorités centrales, et plus largement la persistance d’une division en deux systèmes monétaires et financiers[56], renvoient à cette fragmentation des logiques économiques et aux oppositions sociales et politiques qu’elles sous-tendent. A la fin du XIXème siècle, on distingue une opposition croissante entre deux modèles de développement industriel : une grande industrie liée au pouvoir impérial[57], et une industrie de taille moyenne, qui était en voie d’auto-organisation[58]. L’opposition entre les deux groupes tourna au conflit ouvert à partir de 1914 ; on peut parler d’une insurrection larvée d’une partie de la bourgeoisie russe contre le système politico-économique du tsarisme.
Les caractéristiques du modèle économique de la Russie d’avant 1914 vont se radicaliser dans le processus de mobilisation durant la Première Guerre mondiale[59]. Les dirigeants russes furent confrontés à une situation imposant une brutale restructuration de l’économie afin d’obtenir l’augmentation rapide de certaines productions du fait de la pénurie de munitions à la fin de 1914[60]. Or, à la différence majeure avec les expériences de mobilisation industrielle réalisées en Allemagne ou en France, cette restructuration se fera largement CONTRE le gouvernement. Les échecs militaires de 1915 provoquent une quasi-insurrection des petits et moyens entrepreneurs contre la haute administration tsariste[61]. Devant ce qu’ils considèrent comme une faillite morale, professionnelle et patriotique de l’administration concentrée à Saint-Pétersbourg ces entrepreneurs, qui sont bien souvent ceux représentatifs du deuxième groupe économique, décident de prendre en main la mobilisation industrielle[62].
La constitution des Comités Militaro-Industriels locaux ou VPK (Voenno-Promychlennie Komitety), s’accompagne de la mise en place d’une structure nationale. Ces comités locaux sont fédérés par un comité central fonctionnant au niveau national, le Ts.VPK[63]. Ce processus est l’occasion pour les représentants du capitalisme russe rassemblés autour du groupe moscovite de l’Association de l’Industrie et du Commerce, de tenter une alliance à la fois avec l’intelligentsia technique et avec les travailleurs[64].
Le réseau des VPK va se doter rapidement de ses propres systèmes de financement, qui reposent à la fois sur la mobilisation des nombreuses petites banques locales et municipales et sur des relations d’échange non monétaires. Le troc entre les entreprises de ce réseau sera régulé par le VPK local qui détermine les rapports d’échange et sert de chambre de compensation. Dans la gestion des créances industrielles, le réseau des VPK devient une alternative potentielle à la Banque Centrale, qui dès lors n’a d’autre solution que de coopérer étroitement avec lui à partir de 1916.
Dès la seconde moitié de 1916 on voit apparaître une double structuration de l’économie russe, à la fois organisée sur une base territoriale et sur une base verticale. Il y a donc incontestablement innovation institutionnelle entre 1915 et 1917. On peut assimiler le mouvement des VPK à une tentative de prise de contrôle d’un système par l’autre à travers la captation des marchés de commandes d’État, des flux financiers qui y étaient attachés, et des procédures de refinancement en monnaie « centrale » des monnaies « privées » qui y étaient liées. Le processus de planification qui est a l’œuvre se déroule alors dans le cadre d’un antagonisme violent entre le pouvoir tsariste et une partie de la société. L’incapacité du pouvoir à maîtriser ou a récupérer ce processus signera sa fin[65].
Le cas de la Russie de 1914 à 1917 apparaît donc comme exemplaire d’une mobilisation industrielle et d’une planification qui se construit dans l’antagonisme des acteurs. C’est une forme de mouvement venant de la société mais qui se construit contre le pouvoir politique et qui cherche, dans les faits, à le remplacer. De ce fait, elle s’oppose donc tant au modèle allemand où cette mobilisation fut le fait d’organismes construit et surplomb de la société et protégés de tout contrôle démocratique, que de la mobilisation et de la planification en France qui se construit, elle, dans un dialogue permanent entre les différents acteurs.
D. L’impact de la première guerre mondiale
Le libéralisme économique s’est avéré inadapté à la guerre industrielle et le conflit entre « valeur d’échange » et « valeur d’usage » est devenu évident. Dans tous les pays, les Etats ont dirigé, à des degrés plus ou moins important, l’économie. Ils l’ont fait tout d‘abord en s’assurant des approvisionnements vitaux, mais aussi en cherchant à éviter les gaspillages et finalement en organisant les échanges et le commerce. La rationalisation des productions et au-delà des économies fut largement mise en place, plus ou moins vite en raison des contraintes pesant sur les économies.
Les fabrications d’armement et les secteurs essentiels furent naturellement privilégiés. Dans ce domaine, les Etats n’hésitèrent pas à se constituer eux-mêmes en producteurs. Mais, la logique de la division industrielle du travail imposa d‘étendre ce système à de nombreuses industries de base, créant à la fin un secteur hégémonisé par l’Etat dont il dépendait, si ce n’est pour la propriété, pour des raisons financières et de priorités dans les attributions des matières première. Cette extension du contrôle étatique s’étendit même à l’agriculture, en particulier en Allemagne.
La guerre de 1914-1918 nous présente donc trois modèles de mobilisation économique et donc de planification. Au modèle allemand, ou les institutions sont construites en surplomb sur la société, répondent donc deux autres modèles, celui de la « planification concertée » de la France, où un contrôle parlementaire continue de s’exercer durant toute la période et celui de la Russie, où les institutions sont issues d’un mouvement de la base, mais dans un contexte d’affrontements politiques acharnés qui traduisent en réalité la crise que traverse la société. Une leçon que l’on peut tirer est que, devant les mêmes contraintes (les immenses besoins découlant de la guerre), plusieurs solutions sont possibles. Les choix dépendent en partie de l’articulation de ces contrainte qui est spécifique à chaque économie.
Une deuxième leçon est que le choix entre ses solutions dépend largement de l’histoire et de la culture politique de chaque pays. Le relatif enracinement de la démocratie parlementaire en France a ainsi certainement joué dans la mise en place de cette « planification concertée ». L’atmosphère de « l’Union Sacrée [66]» qui était déterminante en 1914 joua aussi son rôle. Cependant, un mouvement analogue se produisit chez l’ensemble des belligérants[67] comme en Russie ou en Allemagne, lorsque le Parti socialiste d’Allemagne, le SPD, votera l’entrée en guerre en août 1914, lançant le mouvement qui prit le nom de Burgfrieden[68]. Ce sont donc bien les caractéristiques de la culture et de l’histoire politique nationale qui furent déterminante.
Une troisième leçon est que, en dehors de tout résultat militaire, ces politiques de mobilisation et de planification furent d’une remarquable efficacité économique. Elles permirent à des économies à des niveaux de développement relativement différents de tenir le choc de la guerre.
II – Des années trente à la seconde guerre mondiale
Les expériences de contrôle de l’économie par l’Etat durant la première guerre mondiale eurent un héritage plus idéologique que pratique. Si la plupart des institutions de contrôle de l’économie furent rapidement démantelées dans le début des années 1920, l’idée que des mesures analogues pourraient être utilisées non au profit des constructions d’armements et de l’effort de guerre mais pour assurer le plein emploi et dans certains pays une croissance des plus rapides pour rattraper un retard économique qui s‘était creusé se firent jour tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique. La crise de 1929 et ses suites donnèrent à ces idées une force de plus en plus grande. Ici encore, on propose d’examiner trois expériences différentes.
A. Le non-lieu de l’héritage de la « Grande Guerre » en France
Les années de l’après-guerre furent naturellement marquées par une forte volonté de retour à la normale. L’idée de planification fut au centre des débats théoriques, tant en raison de l’expérience de l’économie de guerre que de la révolution bolchévique et des débuts de la planification en URSS. L’héritage de la guerre s‘exprima en premier lieu dans la trajectoire de certains des acteurs. Etienne Clémentel et Albert Thomas (au BIT) eurent, dans le monde francophone, une certaine influence. Clémentel, homme fortement influencé par l’école historique allemande[69] et convaincu de la nécessité d’affirmer la primauté de l’Etat et de l’intérêt public en économie[70], tentera à la fin de la guerre de faire prévaloir ses idées quant à l’organisation de l’économie, avec cependant peu de succès[71].
L’idée de planification se manifesta donc naturellement à gauche du spectre politique. Mais, sa réception, que ce soit dans l’espace des partis politiques ou dans celui des organisations syndicales[72], fut ambiguë ou négative. Le Front Populaire confirmera cela[73]. La crise qui affectait la SFIO au début des années 1930, et la scission, dont la cause était la participation ou nom des députés SFIO à des coalitions gouvernementales, du courant des « néo-socialistes » en est probablement une des raisons. Les principaux diffuseurs en France de ces idées furent les onze jeunes intellectuels fondateurs, au sein de la SFIO, de « Révolution constructive »[74], titre d’un volume collectif publié en 1932[75]. Ils souffraient néanmoins d’un double handicap initial à l’intérieur de la SFIO du fait de leurs liens avec la direction de la CGT et de l’apparente similitude de certaines de ses thèses avec celles des « Néos ». Léon Blum, à la SFIO, rejeta l’idée de planification au début de 1934[76]. Il repousse donc l’idée d’un Plan français[77], comme, quelques mois auparavant, il a rejeté le « régime intermédiaire » des « Néos »[78].
La direction confédérale de la CGT, quant à elle, semble s’intéresser au Plan. Le manifeste de la CGT de décembre 1933 se prononce pour une action contre la crise dans le cadre national. Le 15 janvier 1934, le Bureau confédéral soumet aux organisations de la Confédération une ébauche, élaborée par René Belin, où il est question de direction de l’économie par la « nationalisation industrialisée » et le « contrôle du crédit ». Là aussi, ce sera finalement un non-lieu.
Mais, l’idée de planification se manifesta aussi à droite de l’échiquier politique. L’évolution des membres du groupe X-Crise[79], rassemblant des anciens élèves de l’école Polytechnique, est de ce point de vue éclairante[80]. Une partie de ce groupe adopte une approche planiste antilibérale. Puis, avec la Seconde Guerre mondiale, ce groupe se, certains rejoignant la Résistance (Jules Moch, membres de la SFIO, Louis Vallon), d’autres s’engageant auprès du régime de Vichy ou dans la Collaboration (Raymond Abellio, Jean Coutrot, Gérard Bardet ou Pierre Pucheu[81]). Le point intéressant ici est que l’idée d’un contrôle de l’Etat au travers de formes de planification inspirée de l’expérience française de 1914-1918 attire aussi des personnalités aux idées conservatrices voire, comme Pierre Pucheu violemment anticommunistes et sensibles aux sirènes du fascisme[82]. En fait, X-Crise peut être considéré comme l’un des fondements essentiels de la technocratie en France, une technocratie qui s’épanouira sous la IVème République après 1946.
Les années dites de « l’entre-deux guerres » sont ici remarquables car elles voient tant l’expérience de planification « coopérative » qui avait marquée les années 1914-1918 disparaître (Albert Thomas est au BIT et meurt en 1932 tandis qu’Etienne Clémentel se retire de la vie publique à partir de 1930), que le retour mais sous une forme très idéologique de l’idée de planification, essentiellement aux travers des débats de la SFIO. D’une manière instructive, le PCF participa très peu a débat général, se contentant à renvoyer la planification « après » une hypothétique révolution. Le résultat en fut une perte d’expertise quand il fallut relancer une économie de guerre en 1939.
B. Le non-lieu de la planification dans l’Allemagne nazie
L’Allemagne impériale avait constitué ce qui pouvait apparaître comme la matrice de la planification lors de la première guerre mondiale. Mais, cette expérience avait été traumatisante tant pour la population que pour la classe dirigeante qui avait vue ses droits de propriété diminués, voire bafoués, et cela sans que ce soit associé à la victoire. Pourtant, les acteurs de l’économie de guerre, et Rathenau au premier chef, était persuadés que des formes de planification s‘imposeraient tôt ou tard[83]. La personnalité de Walther Rathenau[84], dont les écrits se prononçaient explicitement pour des formes étroites de contrôle de l’économie par l’Etat[85], joua aussi contre une réception objective de ce qui avait été réalisé de 1914 à 1918. Rathenau fut assassiné le 24 juin 1922 par un commando de l’Organisation Consul[86].
Il était, depuis plusieurs années la victime d’attaques antisémites incessantes[87] dont le rôle dans son assassinat, même si ce ne fut pas le seul prétexte, est évident[88]. Rathenau n’était pas le seul à porter ces idées de planification[89], et d’une économie dirigée[90]. Wichard von Moellendorff avait, lui aussi, défendu des idées analogues[91]. Son ouvrage Konservativer Sozialismus[92] montre qu’il continuait à défendre des idées de planification. Pourtant, de telles idées ne percèrent pas en Allemagne jusqu’à l’arrivée au pouvoir des nazis et ce pour diverses raisons : les partis de Gauche étaient peu désireux de se voir associés à une période de l’histoire marquée par les privations et la honte de la défaite. Les partis de la droite traditionnelle rejetaient ses idées car contraires à l’idéologie libérale. La droite nationaliste et l’extrême-droite, rejetaient aussi ses idées pour des raisons diverses allant de l’antisémitisme (dont Rathenau restait la cible même après sa mort) à la crainte que de telles méthodes ne favorisent la montée des idées communistes au sein de la société allemande.
On croit très souvent que les Nazis contrôlèrent l’économie par une forme de planification. C’est en particulier la thèse d’Otto Nathan :
« Dans les six années entre la victoire fasciste en Allemagne et le déclenchement de la guerre, le nazisme a érigé un système de production, de distribution et de consommation qui ne peut être classée dans aucune des catégories habituelles. Ce n’était pas le capitalisme au sens traditionnel: l’autonomie des mécanismes de marché si caractéristique au capitalisme au cours des deux derniers siècles avaient pratiquement disparu. Ce n’était pas le capitalisme d’État: le gouvernement a rejeté toute volonté de posséder les moyens de production, et a en fait pris des mesures pour les dénationaliser.
Ce n’était pas le socialisme ou le communisme: la propriété privée et le profit privé existaient toujours. Le système nazi était plutôt une combinaison de certaines des caractéristiques du capitalisme et d’une économie hautement planifiée. Sans en aucune façon en détruire son caractère de classe, un mécanisme de planification complet a été imposée à une économie dans laquelle la propriété privée n’était pas expropriée, dans laquelle la distribution du revenu national est restée fondamentalement inchangé, et dans lequel les entrepreneurs privés ont conservé certaines de leurs prérogatives et responsabilités dans les entreprises. Tout cela a été fait dans une société dominée par une impitoyable dictature politique. [93]»
Cette thèse est relativement répandue. Rauschning, dans le livre publié à Londres en 1941 où il relate ses conversations avec Hitler, parle aussi d’un contrôle du parti Nazi sur l’économie[94]. Mais, cette source est sujette à caution car Rauschning a beaucoup exagéré le nombre de ses rencontres et leur ampleur quand il partit en Grande-Bretagne[95]. Cette source, ainsi que le remarquable ouvrage écrit par Berenice Caroll à partir des mémoires du général Georg Thomas[96], nous incitent à une lecture plus critique de la réalité de l’économie de l’Allemagne Nazie.
Il y a bien en réalité une « théorie économique » sous-jacente chez Hitler. Mais, cette « théorie » conduit à une politique délibérément prédatrice[97]. Le souvenir qu’Hitler garde des années 1916 à 1918 le conduit alors au rêve d’une autarcie appuyée sur le pillage systématique des peuples « inférieurs ». De fait, l’introduction par les Nazis du « Fuhrerprinzip » dans l’économie se traduisit par une absence de direction dans l’économie, la multiplication des centres locaux de pouvoir engagés dans une concurrence féroce, une très forte duplication des efforts et des projets et une absence de direction centrale, remplacée par un système aléatoire de priorités[98].
Le recoupement des organismes décisionnels, Etat-Major (avec ses différentes directions techniques souvent concurrentes en fonction des armes) pour les producteurs d’armes, Ministère de l’Economie et Conseil Général pour l’Economie pour les entreprises à fonctions civiles, Bureau des Matières Premières et des Synthétiques pour les approvisionnements (mais qui fut dissout en 1938), concertation ad hoc entre les industriels et des responsables du Parti, créait un chaos voulu maintenant en permanence le pouvoir d’Hitler comme recours suprême.
Georg Thomas, qui était à la direction économique des forces armées (ou Wirtshafts-und-Rüstungsamt) s’opposa aux différents plans d’armement dès 1935 car il considérait que ces programmes désarticulaient le tissu industriel de l’Allemagne. Le Plan de Quatre Ans (1936-1940), mis en place sous l’autorité d’Herman Goering ne dura guère[99].
De fait, l’adoption de la stratégie de Blitzkrieg fut une réponse à cette situation de chaos organisé et se comprend comme une volonté de ne pas mobiliser l’économie de l’Allemagne dans l’espoir qu’une guerre courte permettrait au pays (ou plus précisément à Hitler) d’atteindre ses objectifs politiques à partir desquels il pourrait asservir les économies des pays dominés. Hitler, et les autres dirigeants nazis, espéraient ainsi ne pas avoir à subir les conséquences politiques d’une mobilisation. Le général Georg Thomas s’opposa frontalement à cette stratégie[100]. Berenice Caroll remarque que, du point de vue des statistiques économiques, la Grande-Bretagne concentra une proportion de ses ressources bien plus grande à l’effort de guerre que le pays qui l’avait déclenchée.
Graphique 1
Source : Caroll B., Design for Total War, op. cit., table I, p. 184
Il faudra les défaites face à l’URSS de 1942 (Stalingrad) pour que les décideurs allemands se décident à mobiliser complètement leur économie. Même après le tournant de 1943, les tares du système ne s‘effacèrent pas et la concurrence entre divers centres de pouvoir, associés généralement à des producteurs ou des bureaux d’études cherchant à promouvoir leurs idées resta très vive empêchant dans une large mesure une rationalisation de l’économie allemande[101].
Tableau 1
Part des différentes productions dans le total net de la production industrielle allemande
1939 | 1940 | 1941 | 1942 | 1943 | 1944 | |
Industries de Base | 21 | 22 | 25 | 25 | 24 | 21 |
Armements | 9 | 16 | 16 | 22 | 31 | 40 |
Construction | 23 | 15 | 13 | 9 | 6 | 6 |
Autres biens d’investissements | 18 | 18 | 18 | 19 | 16 | 11 |
Biens de consommation | 29 | 29 | 28 | 25 | 23 | 22 |
Source : Milward A.S., War, Economy and Society…, op.cit., table 9, p. 78.
Cette économie survécu largement grâce au pillage organisé des pays dominés[102], un domaine qui relevait aussi de la compétence du général Thomas[103]. Ce pillage fut d’abord en femmes et en hommes qui furent incités, mais surtout forcés, de venir travailler, souvent dans des conditions atroces, en Allemagne.
Tableau 2
Main d’œuvre étrangère dans l’économie allemande
Main d’œuvre étrangère (en milliers) | 1939 | 1940 | 1941 | 1942 | 1943 | 1944 |
Total | 310 | 1148 | 3020 | 4115 | 6260 | 7126 |
dont Agriculture | 120 | 681 | 1459 | 1978 | 2293 | 2478 |
Industrie | 110 | 256 | 965 | 1401 | 2829 | 3163 |
Travail manuel | 29 | 108 | 310 | 296 | 4300 | 53 |
Transport | 16 | 35 | 9 | 171 | 289 | 407 |
Source : USSBS, The Effects of Strategic Bombing on the German War Economy, Washington, US-GPO, 1945
De ce point de vue, le cas de la France est emblématique[104]. Si l’on inclut à ces paiements le PIB créé par les prisonniers de guerre français, les déportés et internés (incluant le STO), la contribution totale du « tribut » français pourrait alors être égale à plus de 20% du PIB de l’Allemagne en 1938[105].
Tableau 3
Transferts de la France vers l’Allemagne à la suite de l’occupation
Paiements et transferts à l’Allemagne en pourcentage du revenu national de la France (aux prix de 1938) | Total des Paiements français en pourcentage du PNB allemand (aux prix de 1938) | |
1940 | 10,9% | 3,0% |
1941 | 19,3% | 5,3% |
1942 | 20,9% | 5,5% |
1943 | 35,6% | 9,1% |
1944 | 27,6% | 6,0% |
Source : Milward A.S., The New Order and the French Economy, Londres, Oxford University Press, 1970, p. 27 et p. 273.
Si l’on considère maintenant le total des pays occupés (et la contribution de l’occupation d’une grande partie de l’URSS occidentale jusqu’à fin 1942[106]), le tribut total pourrait se situer entre 30% et 40% du PIB de 1938, marquant bien la politique prédatrice de l’Allemagne nazie[107].
L’Allemagne nazie s’est donc éloignée des pratiques de planification mises en œuvre de 1914 à 1918. Elle l’a fait pour des raisons idéologiques et politiques. Il n’est pas étonnant que certains des responsables de l’armée, comme le général Georg Thomas, en soient venus à admirer le système soviétique qui, par comparaison avec l’anarchie semi-féodale qui régnait dans l’économie allemande, pouvait apparaître comme un modèle de rationalité[108].
C. Une planification dans le temple du capitalisme
La question de la mobilisation économique fut posée dès 1917 aux Etats-Unis. Un certain nombre d’institutions furent créées, dont certaines dès avant l’entrée en guerre du pays.
L’entrée tardive dans la guerre limita cependant largement l’ampleur des mesures prises en dépit des ambitions initiales[109]. Ces mesures consistèrent principalement en des tentatives de contrôle de l’économie par le biais d’un contrôle centralisé des prix[110] et de la production[111]. Il existait durant la Première Guerre Mondiale un large éventail d’organismes gouvernementaux chargés d’influencer ou de contrôler les activités économiques, qui opéraient sous l’autorité du Council on National Defence créé par le président Wilson en 1916 pour préparer l’entrée dans la guerre des Etats-Unis[112]. En mai 1917 des conseils équivalents, mais fonctionnant au niveau des Etats furent créés. Parmi les plus importantes institutions de la mobilisation économique on dénombrait[113] :
- le War Industries Board et son comité autonome de fixation des prix, qui s’occupait de la production industrielle et des prix,
- la Food Administration, qui s’occupait des prix et de la production agricoles,
- la Fuel Administration, qui concernait les prix et la production des carburants.
Cependant la durée relativement faible de la guerre pour les Etats-Unis ne laissa guère le temps aux institutions mises en place de faire leurs preuves. Ainsi, le mandat de Bernard Baruch à la direction du War Industries Board est souvent décrit comme un grand succès. Baruch[114] aurait remplacé un système inefficace de laissez-faire par un système efficace de planification centralisée. Mais Baruch en réalité ne fut nommé qu’en février 1918, neuf mois seulement avant l’armistice[115]. Le système du War Industries Board pour contrôler la répartition de tout l’acier produit par l’industrie sidérurgique américaine n‘entra en vigueur qu’en juin 1918, soit seulement 5 mois avant l’armistice. On aurait pu s’attendre à ce que l’expérience guerre, dans laquelle le gouvernement central avait joué un rôle aussi actif, conduirait à un accroissement du rôle du gouvernement dans l’économie en temps de paix. L’impact et les héritages institutionnels de la Première Guerre mondiale fut relativement limité.
Pourtant, c’est ignorer la création en 1924 de l’Army Industrial College, qui jouera un rôle décisif dans la préparation des hommes pour la mobilisation de la Seconde Guerre Mondiale[116]. L’Army Industrial College élabora, du milieu des années 1920 à 1940 tout une série de « plans » et de concepts prévoyant, en cas de conflit majeur, une mobilisation de l’économie américaine ; ces plans s‘inspirèrent assez largement de l’expérience française que l’on a qualifié de planification par la concertation[117].
La Grande Dépression ramena les démocrates au pouvoir dans les années 1930, et en particulier avec la politique du New Deal de l’administration Roosevelt[118]. Cette politique combina des mesures macroéconomiques et des mesures structurelles comme le NIRA (National Industrial Recovery Act), l’Emergency Railroad Transportation Act, ou la création de la Federal Deposit Insurance Corporation qui dura jusqu’en 1999 ou encore de la Tennessee Valley Authority[119]. Avec l’approche de l’entrée en guerre des Etats-Unis dans la 2ème guerre mondiale, l’administration Roosevelt utilisa massivement les hommes de l’administration Wilson mais aussi les réflexions et l’expérience accumulées par l’ Army Industrial College[120]. Les résultats furent spectaculaires pour un pays qui, en dehors de sa marine, ne disposait que de forces militaires réduites, et souvent fort mal équipées en 1939.
Cela ne fut possible que par une organisation méthodique de l’économie[121], que certains qualifient, de manière erronée si on la compare à ce qui se faisait en Union Soviétique[122], de planification centralisée[123].
Tableau 4
Mobilisation du Produit National Brut pour l’effort de guerre (en % du total du PNB)
Etats-Unis | Royaume Uni | Allemagne | ||||
I | II | I | II | I | II | |
1938 | … | … | 7 | 2 | 17 | 18 |
1939 | 1 | 2 | 16 | 8 | 25 | 24 |
1940 | 1 | 3 | 48 | 31 | 44 | 36 |
1941 | 13 | 14 | 55 | 41 | 56 | 44 |
1942 | 36 | 40 | 54 | 43 | 69 | 52 |
1943 | 47 | 53 | 57 | 47 | 76 | 60 |
1944 | 47 | 54 | 56 | 47 | … | … |
(I) Utilisation nationale des ressources fournies pou l’effort de guerre, indépendamment de l’origine: dépenses militaires (pour les États-Unis, moins les exportations nettes) en proportion du produit national brut.
(II) Financement intérieur des ressources fournies pour l’effort de guerre, indépendamment de l’utilisation: dépenses militaires (pour le Royaume-Uni, l’URSS et l’Allemagne, moins les importations nettes) en part du produit national but.
Les méthodes employées étaient bien plus réminiscentes de celles du gouvernement français de 1914 à 1918[124], même si elles pouvaient contenir des éléments de coercition[125]. Ce fut en particulier après la nomination de Donald Nelson à la tête du War Production Board, que l’on eut une intégration des organisations syndicales au processus de mobilisation[126], et que la mobilisation industrielle prit toute son ampleur[127]. On a donc de bonnes raisons de soutenir que le gouvernement fédéral a joué un rôle central dans cette vaste expansion de la production[128].
La mise en place d’un système de concertation entre les principaux acteurs économiques joua, comme en France, un rôle décisif dans ce succès. Cette planification économique a également conduit à une rationalisation plus large de la vie économique et des gains de productivité importants. Les données macroéconomiques ont d’abord été collectées pour aider à la planification en temps de guerre. Les estimations de la production réelle par rapport à la production potentielle qui guident aujourd’hui tant de politiques macroéconomiques sont issues des «débats de faisabilité» entre les économistes civils et les planificateurs militaires[129].
Tableau 5
Production de munitions, en milliards de dollars (prix de 1944)
1940 | 1941 | 1942 | 1943 | 1944 | |
Etats-Unis | 1,5 | 4,5 | 20,0 | 38,0 | 42,0 |
Canada | 0,0 | 0,5 | 1,0 | 1,5 | 1,5 |
Royaume Uni | 3,5 | 6,5 | 9,0 | 11,0 | 11,0 |
URSS | 5,0 | 8,5 | 11,5 | 14,0 | 16,0 |
Allemagne | 6,0 | 6,0 | 8,5 | 13,5 | 17,0 |
Japon | 1,0 | 2,0 | 3,0 | 4,5 | 6,0 |
Source, comme tab.1, p. 172.
D. L’héritage de la seconde guerre mondiale
Il serait alors simple de reprendre la conclusion de la première partie et d’insister sur les spécificités des cultures politiques de chaque pays. Mais, en l’occurrence, le fait que l’on soit en présence de la seconde généralisation de la mobilisation économique et de la mise en œuvre de formes de planification change la perspective.
Le cas de la France est à cet égard intéressant. C’est pour des raisons politiques, rejet de la période de la guerre dans le mouvement socialiste et de l’Union Sacrée au sein du mouvement communiste que ces courants ne s’intéressent pas à l’expérience de la planification en temps de guerre, préférant – dans leur majorité – renvoyer le problème au lendemain matin du grand soir. Quand cette idée fut reprise hors de l’espace de la « gauche », elle se transforma en une sorte d’idéal technocratique se construisant contre la démocratie parlementaire et dans une logique autoritaire alors même que la pratique de la planification durant la première guerre mondiale avait été marquée par la vitalité du contrôle parlementaire et de la concertation entre acteurs.
Le rejet de l’idée de planification en Allemagne est plus compréhensible. Comme il a été déjà dit, l’expérience de la mobilisation de l’économie était associée à d’énormes souffrances et à la défaite. Mais, l’ampleur du rejet dont l’idée de planification et de mobilisation fit l’objet dans les années vingt et trente s’explique aussi par les conséquences politiques des troubles qui avaient accompagnés la naissance de la République de Weimar, par la fracture au sein de la gauche allemande entre SPD et KPD qui conduisit le SPD à largement renier l’idée de planification, et bien entendu par l’idéologie politique du parti Nazi, les choix politiques de Hitler, et globalement la régression dans les formes de gouvernement à laquelle on assista à partir de 1933. La structure politique du régime nazi était contradictoire avec l’adoption d’institutions permettant une réelle planification dans le cadre de l’économie de guerre.
On peut alors en déduire que plusieurs conditions sont nécessaires à une mise en œuvre efficace de mesures de planification économique en temps de guerre. Il faut, d’une part, que règne un certain consensus sur cette question et qu’elle soit présente dans le débat intellectuel et politique depuis plusieurs années. Cela contribue d’ailleurs à créer les conditions d’un consensus sur ce sujet. Le rôle du contexte créé par le New Deal aux Etats-Unis fut certainement important. D’autre part, il faut que préexistent des institutions capables de porter une culture organisationnelle spécifiques et d’organiser une « mémoire » des institutions requises, et que ces institutions soient dotées d’une certaine légitimité.
Conclusion : La planification, une idée centrale pour un développement équilibré
La période de l’après-seconde guerre mondiale se déroula dans un contexte sensiblement différent de celui de l’après-1918. De ce contexte, deux points émergent : d’une part, la confirmation pour de nombreux contemporains que les méthodes économiques, dont on avait usé pendant le conflit, non seulement pouvaient mais devaient même être utilisées tant pour la reconstruction des pays que pour tendre vers le plein emploi et éviter le chômage important qui avait régné dans les années 1930. C’est l’une des différences majeures avec les années 1920.
L’autre point, tout aussi important, est la présence de la Guerre Froide et la division du monde en « blocs ». Cela aurait dû impliquer un rejet à-priori des techniques de planification en raison de leur assimilation, à tort ou à raison, avec le système soviétique dans le bloc opposé à l’URSS. Or, la Guerre froide va interférer avec le premier point. Dans les pays du « bloc américain », la crainte de mouvements sociaux et parfois de parti communistes locaux va entraîner une tendance à tolérer, voire à soutenir des formes d’interventions de l’Etat qui relèvent de la planification. Ce sera le cas en France et au Japon.
Par ailleurs, dans les pays cherchant à maintenir une position dite « non-alignée », l’expérience des méthodes de planification tant soviétiques qu’occidentales aura un fort impact car la planification apparaîtra comme un moyen d‘obtenir rapidement un fort développement économique. La question de l’accélération de la croissance[130] sera aussi l’un des motifs de l’adoption de formes de planification que l’on considère comme indicative, même si elle introduit dans certains cas des éléments de coercition[131]. Ce sera ainsi le cas de l’Inde, dont l’exemple est connu[132], mais aussi de la Malaisie[133], de Taïwan, de la Corée du Sud[134] et d’autres pays en particulier en Afrique. L’usage de la planification dans les pays du Tiers-Monde constituerait, de ce point de vue, un sujet en général.
Car, l’emploi des méthodes de planification dans le cadre d’une accélération du développement fut théorisé, en particulier par Charles Bettelheim[135]. Ce dernier lie alors explicitement la question du développement et celle de l’indépendance économique, ce que l’on appellerait aujourd’hui la souveraineté économique :
« La deuxième condition du progrès économique et social est l’indépendance économique. Dans la quasi-totalité des pays économiquement dépendants cela signifie l’expropriation du grand capital étranger, la nationalisation des plantations, des mines, des banques et des autres entreprises qui appartiennent à ce capital. L’accession à l’indépendance économique signifie aussi une modification profonde des rapports monétaires, douaniers, financiers et commerciaux qui lient chaque pays dépendant à telle puissance ou tel groupe de puissances impérialistes.[136] » Ou encore : « L’expérience de tous les pays sous-développés montre que le laisser-faire en matière économique conduit à un écart croissant entre le niveau des pays sous-développés et celui des pays industrialisés. Aussi, seule une politique menée par l’État lui-même, à condition bien sûr d’être menée correctement, d’être audacieuse et courageuse, est capable de mettre fin progressivement au sous-développement. [137]»
Très clairement, la question de la planification a dominé la pensée économique dans les vingt premières années qui ont suivi la fin du second conflit mondial. Ainsi, dans l’introduction d’un livre consacré à la planification au niveau national[138] et publié par le très prestigieux National Bureau of Economic Research, le directeur du volume, Max Millikan, pouvait écrire :
« Il y a 25 ans, on aurait supposé qu’il s’agissait d’un volume sur la politique économique de l’Union soviétique, qui était le seul pays alors considéré comme ayant une «économie planifiée». Il y a quinze ans, on aurait supposé qu’il s’agissait d’un livre sur le développement planifié des pays dits sous-développés, où l’idée de planification économique nationale commençait à gagner en popularité en tant que condition nécessaire et même parfois suffisante de la croissance économique. Au cours des dix dernières années, le terme est devenu si populaire et a été appliqué à tant de types d’activités différents qu’il pourrait maintenant désigner presque n’importe quel type d’analyse économique ou de réflexion politique dans presque tous les pays du monde. Alors qu’avant la Seconde Guerre mondiale, le terme de planification économique portait fréquemment, pour de nombreuses personnes dans le discours professionnel et populaire, des connotations défavorables de centralisation et de contrôle autocratique, il est maintenant largement considéré comme une bonne chose qui devrait être pratiquée sous une forme ou une autre par tous les gouvernements. [139]»
Les raisons d’un tel changement à la fois dans la forme et le contenu furent nombreuses de 1945 à 1965. Les changements qui ont affecté les connotations de valeur du terme « planification » furent d’ailleurs complexes. Il est probable que l’expérience des deux guerres mondiales avait donné une nouvelle légitimité au terme même de planification. Millikan, à sa façon, le reconnaît lui-même : « La Seconde Guerre mondiale a modifié les problèmes et les méthodes. Avec l’augmentation des dépenses de défense, le développement de la demande effective fut automatique et l’inflation a été gérée en grande partie par les contrôles de prix directs.[140] »
Une partie de ces changements peut se trouver dans la nature des problèmes économiques que les praticiens, à l’opposé des théoriciens, furent forcés de se préoccuper dans la période qui succéda à la seconde guerre mondiale. Mais, même au niveau théorique, ces changements pouvaient se remarquer dans les outils analytiques que les économistes développèrent immédiatement avant la guerre[141] et dans les deux décennies qui suivirent[142].
Le regain d’intérêt pour la planification, ou pour des conceptions d’action stratégique de l’Etat, qu’il provienne de la Covid-19 ou de la nécessité d’organiser nos économies vers des modèles plus résilient mais aussi plus conformes à l’impératif écologique, devrait alors s’inspirer de ces expériences, de leurs succès mais aussi de leurs échecs.
(Ce texte correspond à une version condensée des deux premières parties d’un ouvrage sur la généalogie et la résurgence des idées planificatrices, à paraître au début de 2022).
Notes
[1] Lancaster K, Rhodes T, Rosengarten M. « Making evidence and policy in public health emergencies: lessons from COVID-19 for adaptive evidence-making and intervention »,in Evidence & Policy: A Journal of Research. Debate and Practice 2020, Vol.16, pp. 477-90.
[2] Shackle G.L.S., “On the Nature of Profit”, in G.L.S. Shackle, Business, Time and Thought. Selected papers of G.L.S. Shackle, edited by S.F. Frower, New York University Press, New York, 1988, pp. 107-123. See, too, G.L.S. Shackle, Expectations in Economics, Cambridge University Press, Cambridge, 1949.
[3] Simon H.A., « Rationality as Process and as Product of Thought », in American Economic Review , vol. 68, n°2, 1978, pp. 1-16
[4] Neurath O., « War economy », in Economic writings selections 1904-1945, éd. Uebel et Cohen, New York, Kluwer, 2005, p. 193.
[5] Ehrig T. et Foss N.J., « Risk, Uncertainty, and COVID-19 Strategies », posté le 4 mai 2020 sur https://quillette.com/2020/05/04/risk-uncertainty-and-covid-19-strategies/
[6] King M. et Kay J., Radical Uncertainty: Decision-making for an unknowable future, Londres, The Bridge Street Press, 2020.
[7] Jäger A., « L’économie de guerre aux temps du coronavirus : le retour de la valeur d’usage», publié sur Le Grand Continent, 21 avril 2020, https://legrandcontinent.eu/fr/2020/04/21/neurath-economie-guerre/ .
[8] Глеб Максимилианович Кржижановский: Жизнь и деятельность в фотографиях и документах, [Gleb Maksimilianovitch Krzhizhanovskij : Vie et Réalisations a travers des photographies et document] [Альбом / Edit Kartsev V.P.]. Мoscou, Nauka, 1986
[9] Voie par exemple Caire G., « La planification soviétique à la recherche de la rationalité. Note sur l’évolution récente des techniques soviétiques de planification », in Revue économique, vol. 14, n° 3, 1963, pp. 384-440 ou Sapir J., « L’économie soviétique: origine, développement, fonctionnement », in Historiens et Géographes, n°351, décembre 1995, pp.175-188 ; Ellman M., «Economic calculation in socialist economies », in Eatwell J. et al. (dir.), Problems of the planned economy, London, Macmillan, 1990, pp. 91-96
[10] Voir Chavance B., « La planification centrale et ses alternatives dans l’expérience des économies socialistes », ou Fondu G., « Une théorie marxiste de la planification est-elle possible » in C. Durand et R. Keucheyan (coord.), Actuel Marx, La planification Aujourd’hui, n°65, 2019/1, ou Bayar A.. « La théorie de Marx et le mode de production partitique » In Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 23, 1992, n°2-3. pp. 211-227.
[11] Milward A.S., War, Economy and Society – 1939-1945, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1979, p. 100.
[12] Voir Van Creveld M., Command in War, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1985.
[13] Geyer M., “German Strategy in the Age of Machine Warfare”, 1914-1945, in P. Paret (ed.) Makers of Modern Strategy, Princeton University Press, Princeton, N.J., 1986.
[14] Broadberry S. et Harrison, M. (edits.), The Economics of World War I, Cambridge, Cambridge University Press, 2005
[15] Hardach G., The First World War, 1914–1918. (History of the World Economy in the Twentieth Century, number 2.) Berkeley and Los Angeles: University of California Press. 1977, Pp. xvi, 328.
[16] Vincent, C. P., The Politics of Hunger. The Allied Blockade of Germany, 1915-1919, Athens, OH, Ohio University Press, 1985 ; Siney, M. C., The Allied Blockade of Germany, 1914-1916, Ann Arbor, MI, The University of Michigan Press, 1957; Farrar, M. M., Conflict and Compromise. The Strategy, Politics and Diplomacy of the French Blockade, 1914-1918, La Haye, Mouton, 1974.
[17] Dallas, G., 1918: War and Peace, Londres, John Murray, 2000.
[18] Williamson, D. G. (1978). « Walter Rathenau and the K.R.A. August 1914-March 1915 » in
Zeitschrift für Unternehmensgeschichte / Journal of Business History, Vol. 23, 1978, (2), pp. 118–136, (https://www.jstor.org/stable/40694617 ).
[19] Asmuss, B., « Die Kriegsrohstoffabteilung » (https://www.dhm.de/lemo/kapitel/ersterweltkrieg/industrie-und -wirtschaft/kriegsrohstoffabteilung.html Deutsches Historisches Museum.
[20] Kitchen, M., The silent dictatorship. The politics of the German high command under Hindenburg and Ludendorff, 1916-1918, New York, Holmes & Meier Publishers, 1976.
[21] Davis, B., Home fires burning. Food, politics, and everyday life in World War I Berlin, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2000 ; Chickering, R., The Great War and urban life in Germany. Freiburg, 1914-1918, Cambridge-New York, Cambridge University Press., 2007.
[22] Ziemann, B., War experiences in rural Germany, 1914-1923, Oxford-New York, Berg, 2007.
[23] Feldman, G. D., Army, industry, and labor in Germany, 1914-1918, op.cit.. pp. 110-115.
[24] Orléan A., Eléments de théorie monétaire fondés sur une analyse historique, INSEE, Direction des Synthèses Economiques, Service des Programmes, Paris, 1979, p. 180.
[25] Kornaï J., Socialisme et Economie de la Pénurie, Paris, Economica, 1984.
[26] Aglietta M. et Orléan A., La Violence de la Monnaie, Paris, PUF, 1982.
[27] Feldman, G. D., The great disorder. Politics, economics, and society in the German inflation, 1914-1924, New York, Oxford University Press, 1993.
[28] Balderston, T., « Industrial Mobilization and War Economies », in: Horne, John (ed.): A Companion to World War I, Hoboken, Blackwell Publishing, 2010, p. 222 (Table 15.3)
[29] Ritschl, A., « The Pity of Peace: Germany’s Economy at War, 1914–1918 and Beyond », in Broadberry, Stephen et Harrison, Mark, The Economics of World War I, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 46 (Table 2:2).
[30] Howard, N.P. “The Social and Political Consequences of the Allied Food Blockade of
Germany, 1918-19,” in German History, vol. 11, no. 2 (1993), pp. 161-188.
[31] Rathenau W., La Triple Révolution, Paris-Bâle, Editions du Rhin, 1921, p. 9.
[32] Nivet P., La France occupée. 1914-1918, Paris, Armand Colin, 2011, 479 p..
[33] Hardach G., The First World War: 1914-1918, op.cit., pp 87-88
[34] Bonin H., La France en Guerre Economique, 1914-1919, Genève, Droz, 2018
[35] http://genealogie.dalbiez.eu/Loi%20Dalbiez.htm
[36] Renouvin P., Les formes du gouvernement de guerre, Paris, Presses universitaires de France, Publication Carnegie, 1925.
[37] Bostrom A., « 1916, année charnière» in Fridenson P. et Griset P.,(dir), L’industrie dans la Grande Guerre, Paris, Comité pour l’Histoire Economique et Financière de la France, 552 p., pp. 209-219.
[38] Idem, pp. 211-215.
[39] Goya, M., Les vainqueurs: Comment la France a gagné la Grande Guerre. Paris, Tallandier, 2018.
[40] Hennebicque A., « Albert Thomas et le régime des usines de guerre (1915-1917) » in Fridenson P. (dir.), 1914-1918 – L’autre front, Paris, Editions Ouvrières, 1977.
[41] Blaszkiewicz-Maison A., Albert Thomas, Le socialisme en guerre, 1914-1918, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016,
[42] Barjot D., « Entreprises et entrepreneurs face à l’effort de guerre, électricité et travaux publics (1914-1918) » in Barjot D. (dir.), Deux guerre totales, 1914-1918, 1939-1945 – La mobilisation de la Nation, Paris, Economica, 2012, p. 202.
[43] Sardier G., Le ravitaillement en charbon durant la guerre, Paris, E. Larose, 1920, pp. 124-149.
[44] Kessler M-C. (dir.) et Rousseau G. (dir.), Étienne Clémentel 1864-1936 : Politique et action publique Sous La Troisième République, Bruxelles, P.I.E-Peter Lang S.A., coll. « France contemporaine », 2018, 468 p.
[45] Hardach G., « La mobilisation industrielle en France, 1914-1918 : production, planification et idéologie », in Patrick Fridenson (dir.), 1914-1918. L’autre front, Paris, Éditions ouvrières, 1977, p. 81-109.
[46] Moulin A., Guerre et industrie. Clermont-Ferrand 1912-1922 : la Victoire du pneu, vol.
1, Clermont-Ferrand, Institut d’Études du Massif Central, 1997.
[47] Druelle-Korn C., « De la pensée à l’action économique : Étienne Clémentel
(1864-1936), un ministre visionnaire », in Histoire@Politique 1/2012 (n°16) , pp. 40-54 URL : www.cairn.info/revue-histoire-politique-2012-1-page-40.htm
[48] Fridenson P., « Albert Thomas et Louis Loucheur : organise et rallier les producteurs» in Fridenson P. et Griset P.,(dir), L’industrie dans la Grande Guerre, op.cit.,, p. 245-283.
[49] P. 245.
[50] P. 246.
[51] Voir Jèze G., Les dépenses de guerre de la France, Paris, PUF, 1926.
[52] Idem p. 256.
[53] Lyachtchenko P.I., Istorija Narodnogo Hozjajstva SSSR, Gospolitizdat, Moscou, Vol.2, 1950. P.R. Gregory, Russian National Income 1885-1913, Cambridge University Press, Cambridge, 1985. Gerschenkron A., « Economic Backwardness in historical perspective », in A. Gerschenkron, Historical Backwardness in Historical Perspective – A book of essays, The Belknap Press of Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1962. T.H. Von Laue, Sergeï Witte and the Industrialization of Russia, Columbia University Press, NY, 1963 ; idem, « The State and the economy », in C.E. Black (ed.), The transformation of the Russian society since 1861, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1960. K.C. Talheim, « Russia’s economic development », in G. Katkov, E. Oberländer, N. Poppe et G. von Rauch, (edits.), Russia enters the Twentieth Century, Temple Smith, Londres, 1971
[54] Comme celles de R. Portal, in ., « The industrialization of Russia » in J. Habakkuk et M. Postan (edits.), The Cambridge Economic History of Europe, vol. VI, part. II, Cambridge University Press, Cambridge, 1966
[55] D. Atkinson, The end of the Russian land commune : 1905-1930, Stanford University Press, Stanford, 1983.
[56] Petrov Ju.A., « Kreditnaja Sistema – A. Bankovskij kredit » in Institut Rossijskoj istorii – Rossijskaja Akademija Nauk, Rossija 1913 god, Statistiko-dokumental’nyj spravotchnik, BLITs, Saint-Petersbourg, 1995. Borovoj S.I., Kredit i Banki v Rossii, Gosfinizdat, Moscou, 1958.
[57] Anan’itch B.V., « the economic policy of the tsarist government and enterprise in Russia from the end of the nineteenth century through the beginning of the twentieth century », in F.V. Cartensen (ed.), Entrepreneurship in the Imperial Russia and the Soviet Union, Princeton University Press, Princeton, 1983.
[58] Goldberg C, The association of Industry and Trade: 1906-1917, PhD., State University of Michigan, Chicago, 1974. J.L. West, The Moscow Progressists : Russian Industrialists in Liberal Politics : 1905-1914, Ph.D., Princeton University, princeton, 1975. R.A. Roosa, « Russian Industrialists and ‘State Socialism’ 1906-1917 », in Soviet Studies, vol. 23, n°2, 1972, pp. 395-417. J.D. White, « Moscow, Petersburg and the Russian Industrialists », in Soviet Studies, vol. 24, n°2, 1973, pp. 414-420.
[59] Siegelbaum L.H., The politics of industrial mobilization in Russia : 1914-1917, Macmillan, Londres, 1983.
[60] Golovine N., The Russian Army in the World War, New Haven, Conn., Yale University Press, 1931.
[61] Zagorsky S., State control of the industry in Russia during the War, Yale University Press, New Haven, 1928.
[62] Voir, Sapir J., L’économie mobilisée. Essai sur les économies de type soviétique, La Découverte, Paris, 1990.
[63] Siegelbaum L.H., The politics of industrial mobilization in Russia : 1914-1917, op. cit.
[64] Volubuev P.V.. et V.Z. Drobizhev, « Iz istorij goskapitalisma v natchal’nji period sotsialistitcheskogo strojtel’stva SSSR », in Voprosy Istorii, n°9, 1957, pp. 113-121.
[65] Malle, The economic organization of the war communism, Cambridge University Press, Cambridge, 1985.
[66] Becker, J.-J., « L’Union sacrée, l’exception qui confirme la règle ? », in Vingtième Siècle, Revue d’histoire, no 5, janvier-mars 1985, p. 111-122.
[67] Miquel P., La Grande Guerre, Paris, Fayard, 1983, 663 p.
[68] Miller S., Burgfrieden und Klassenkampf: Die deutsche Sozialdemokratie im Ersten Weltkrieg. (Beiträge zur Geschichte des Parlamentarismus und der politischen Parteien, n° 53.), Düsseldorf, Droste Verlag. 1974
[69] Druelle-Korn, C., « De la pensée à l’action économique : Étienne Clémentel (1864-1936), un ministre visionnaire », in Histoire@Politique, vol. 16, no. 1, 2012, pp. 40-54.
[70] En cela, il s’avère fidèle à la doctrine du parti Radical-Socialiste, Nordman J.T., La France radicale, Paris, Gallimard, coll. « Archives », 1977.
[71] Voir, Clémentel E., La France et la Politique économique interalliée, Paris, PUF, 1931.
[72] Poggioli M., « Le planisme à la CGT : Les origines d’une refonte syndicale au tournant du Front populaire », in Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n°103 | 2008, pp. 27-40.
[73] Nadaud E., « Les socialistes de la S.F.I.O. et l’idée de plan dans les années 1930 : le cas de Jean Zyromski et de la tendance « Bataille socialiste » », In Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 43 N°1, Janvier-mars 1996. La vie politique en France, hommes et débats, 1930-1960. pp. 5-34;
[74] Lefranc G., « Histoire d’un groupe du parti socialiste SFIO, Révolution constructive (1930-1938) », in Essais sur les problèmes socialistes et syndicaux, Paris, Payot, 1970, p. 169-196.
[75] Lefranc G. et alii, Révolution constructive, Paris, Valois, 1932.
[76] Voir l’article de Léon Blum in Le Populaire, 25 janvier 1934
[77] Biard J-F., « Le débat sur le régime intermédiaire et le plan (juillet 1933-juillet 1934) », in Cahiers Léon Blum, n° 15-16, 1984.
[78] Voir Margairaz, M., « Chapitre V. Du plan à l’unité d’action : deux stratégies pour une relève (février 1934-mai 1935) » op.cit. ; Margairaz M., « Les socialistes face à l’économie et à la société en juin 1936 », in La France en mouvement, présentation de Jean Bouvier, Paris, Champ Vallon, 1986.
[79] Voir Dard O., « Voyage à l’intérieur d’X-crise », In Vingtième Siècle, revue d’histoire, n°47, juillet-septembre 1995. pp. 132-146.
[80] Fischman M, E. Lendjel. De X-Crise (1931-1939) à X-Sursaut (2005- ?) : L’apport des
Polytechniciens à la réflexion sur le rôle de l’Etat dans la vie économique, 2006 halshs-00269386, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00269386/document
[81] Amzalak N,, Fascists and Honourable men : Contingency and Choice in French Politics, 1918-45, Londres, Blackwell Publishing, 2011.
[82] Antonowicz G., L’Énigme Pierre Pucheu, Paris, éd. Nouveau Monde, 2018.
[83] Henderson, W. O. « Walther Rathenau: A Pioneer of the Planned Economy, » in Economic
History Review, vol. 4, n°1, 1951, pp. 98–108
[84] Williamson, D., « Walter Rathenau and the KRA August 1914-March 1915 », in Zeitschrift Für Unternehmensgeschichte / Journal of Business History, vol. 23, (2), 1978, 118-136.
[85] Rathenau W., La Triple Révolution, Paris-Bâle, Editions du Rhin, 1921. Traduction de Kritik der dreifachen Revolution – Apologie, Berlin, S. Fischer, 1919.
[86] Sabrow, M., Der Rathenaumord. Rekonstruktion einer Verschwörung gegen die
Republik von Weimar, Munich, Oldenbourg, 1994, pp. 146-149. Je remercie ici vivement les collègues germanistes qui m’ont traduit certaines des pages de cet ouvrage.
[87] Cohn, N., Warrant for Genocide: The Myth of the Jewish World Conspiracy and the Protocols of the Elders of Zion, New York, Harper & Row, 1967,
[88] Volkov, S., Walther Rathenau: The Life of Weimar’s Fallen Statesman, Yale, Yale University Press, 2012.
[89] Baumont M., « Walther Rathenau et son système », In, Annales d’histoire économique et sociale, 4ᵉ année, n°13, 1932. pp. 50-58;
[90] Ses vues sont bien exprimées dans Rathenau W., Die Neue Wirtschaft, Berlin, S. Fisher, 1918.
[91] Barclay, D., « A Prussian Socialism? Wichard von Moellendorff and the Dilemmas of Economic Planning in Germany, 1918–19 », in Central European History, Vol. 11(1), 1978, pp. 50-82.
[92] Von Moellendorff W., Konservativer Sozialismus, Hamburg, Hanseatische Verlags-Anstalt, 1932.
[93] Nathan O., « The Nazi Economic System » in Otto Nathan, Nazi War Finance and Banking, Washington, NBER, 1944.
[94] Rauschning H., Hitler speaks, Londres, Eyre and Spottiswoode, 1939.
[95] Weber M., « Rauschning’s Phony ‘Conversations With Hitler’: An Update » in The Journal of Historical Review, Winter 1985-86 (Vol. 6, No. 4), pp. 499-500
[96] Caroll B., Design for Total War – Arms and Economics in the Third Reich, La Haye, Mouton, 1968.
[97] Caroll B., Design for Total War – Arms and Economics in the Third Reich, op. cit., pp. 94-98.
[98] Idem, pp. 106-107.
[99] Ollson S-O., German Coal and Swedish Fuel 1939-1945, Gothenburg, Publications of the Institute of Economic History, Gothenburg University, n°36, 1973.
[100] Milward A.S., War, Economy and Society – 1939-1945, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1979, pp. 113.
[101] Caroll B., Design for Total War – Arms and Economics in the Third Reich, op. cit., pp. 168-171.
[102] Tooze A., The Wages of Destruction : The Making and Breaking of the Nazi Economy, Londres, Allen Lane, coll. « Penguin history » (no 1), 2006, 832 p.
[103] Mitcham S.W. et G. Mueller: Hitler’s Commanders. Officers of the Wehrmacht, the Luftwaffe, the Kriegsmarine, and the Waffen-SS. Lanham, Rowman & Littlefield, 2012.
[104] Arnoult P., Les Finances de la France et l’occupation allemande (1940/1944), Paris, PUF, 1951. Boudot, F., « Aspects économiques de l’occupation allemande en France », in Revue de la Deuxième Guerre Mondiale, vol. 14, n°54, 1964, pp. 41-62. Barjot D. et H. Rousso (dir.), Histoire, économie et société (HES), n° spécial «Stratégies industrielles sous l’Occupation», vol. 11, n° 3, 1992. Homburg, H.. « Aspects économiques de l’occupation allemande en France, 1940-1944: l’exemple de l’industrie électrotechnique» in , Histoire, économie & société, vol. 24, no. 4, 2005, pp. 527-543
[105] Milward A.S., War, Economy and Society…, op. cit., p. 144.
[106] Dallin A., German Rule in Russia, 1941-1945, New York – Londres, Oxford University Press, 1957.
[107] Millward A.S., The German Economy at War, Londres, Athlone Press, 1965.
[108] Caroll, B., Design for Total War…, op. cit..
[109] Clarkson G.B., Industrial America in the World War, New York, Houghton Mifflin, 1923. Baruch B.M., American Industry in the War, New York, Prentice Hall, 1941.
[110] Rockoff, H., Drastic Measures: A History of Wage and Price Controls in the United States, New York: Cambridge University Press, 1984. Voir aussi Taussig, F. W., “Price-Fixing as Seen by a Price-Fixer” in The Quarterly Journal of Economics, Vol. 33, No. 2, 1919, pp. 205-241.
[111] Kerr, K. A., « Decision For Federal Control: Wilson, McAdoo, and the Railroads, 1917. » In The Journal of American History, Vol. 54, 1967, No. 3, pp. 550-560.
[112] Breen W.J., Uncle Sam at Home: Civilian Mobilization, Wartime Federalism, and the Council of National Defense, 1917-1919. Westport, CT: Greenwood Press, 1984
[113] Willoughby W.F., Government Organization in War time and After, New Yok, D. Appleton & Company, 1919.
[114] Coit,M.L.,. Mr. Baruch. Washington, D.C., BeardBooks, 2000.
[115] Cuff, R. D., « Bernard Baruch: Symbol and myth in industrial mobilization. » in Business History Review Vol. 43, n°2,(1969), pp. 115-133
[116] Smith R.E., The Army and Economic Mobilization, Washington D.C., Center of Military History, United States Army, US-GPO, 1959, pp. 43-45.
[117] Thatcher H.W., Planning for industrial mobilization, 1920-1940, Washington, D.C, General Administrative Services Division, Office of the Quartermaster General, US-GPO, 1948.
[118] Leuchtenburg, W. E., “The New Deal and the Analogue of War.” In J. Braeman, R. H. Bremner, et E. Walters (eds) Change and Continuity in Twentieth-Century America, Columbus, Ohio, Ohio State University Press, 1964.
[119] Schulman, B. J., From Cotton Belt to Sunbelt: Federal policy, economic development, and the transformation of the South, 1938–1980. New York, Oxford University Press, 1991.
[120] Voir le numéro de la Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, consacré à « Roosevelt, chef de guerre », N° 82, avril 1971 et en particulier A.A. Blum, « Roosevelt et la mobilisation économique ».
[121] U.S. War Production Board, American industry in war and transition, 1940-1950, part II, The effect of the war on the industrial economy, Washington, D.C., U.S. War Production Board, US-GPO, 1945.
[122] Sapir J., Les fluctuations économiques en URSS – 1941-1985, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, novembre 1989 ; Idem, ) »Le système économique stalinien face à la guerre », Les Annales ESC N° 2, 1989, pp. 273-297.
[123] Voir Mason, J.W., « The Economy During Wartime » , in Dissent Magazine, automne 2017.
[124] Industrial Mobilization for War: History of the War Production Board and Predeces sor Agencies, 1940-1945. Vol. 1, Program and Administration, Washington, D.C.: Civilian Production Administration, Bureau of Demobilization, 1947.
[125] Voir les relations parfois difficiles avec les chantiers naval privés, in Furer J.A., Administration of the Navy Department in World War II, Washington DC, US-GPO, 1959
[126] Nelson, D. M., The Arsenal of Democracy, New York, Harcourt, Brace and Company, 1946.
[127] Vawter, R. L., Industrial Mobilization: The Relevant History, Washington, D.C., National Defense University Press, 1983
[128] Koistenen P.A.C., Arsenal of World War II; The Political Economy of American Warfare, 1940–1945, Lawrence, University Press of Kansas, 2004.
[129] Wilson M.R., Destructive Creation: American Business and the Winning of World War I, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2016.
[130] Gregory, P. R.; Stuart, R. C., Comparing Economic Systems in the Twenty-First Century. Boston: Houghton Mifflin, 2003.
[131] Nielsen K., « Indicative Planning » In Palgrave Macmillan (eds) The New Palgrave
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[132] Bettelheim C., L’Inde Indépendante, Paris, Colin 1962.
[133] Henderson, J. W., Vreeland, Nena, D., Glenn B., Hurwitz, G. B., Just,
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American University, Foreign Area Studies, p. 147.
[134] U. Heo, H. Jeon, H. Kim; O. Kim, (2008-01-01). « The Political Economy of South Korea: Economic Growth, Democratization, and Financial Crisis », In Maryland Series in Contemporary Asian Studies. 2008 (2). Voir aussi, E.M. Graham, 1944-2007, Reforming Korea’s industrial conglomerates, Washington, DC: Institute for International Economics, 2003.
[135] Bettelheim C., Planification et croissance accélérée, Paris, Maspéro, 1971, 1964.
[136] Bettelheim C., Planification et croissance accélérée, op. cit., p. 43.
[137] Idem, p. 47.
[138] Millikan M.F. (ed.), National Economic Planning, New York et Londres, NBER et Columbia University Press, 1967.
[139] Millikan M.F. (ed.), National Economic Planning, op. cit., p. 3.
[140] Idem, p. 4.
[141] Voir Lange, O (1936). « On the Economic Theory of Socialism I » in The Review of Economic Studies, Vol. 4 (1), 1936, pp. 53–71 et (II) in Idem, vol. 4, (2), pp. 123-142 ; Lerner A.P., The Economics of Control, New York, Macmillan, 1944.
[142] Colander, D. C., et H. Landreth, (edits), The Coming of Keynesianism to America: Conversations with the Founders of Keynesian Economics. Cheltenham, U.K., Edward Elgar, 1996.
Commentaire recommandé
«Car qu’est ce que les marchés ont à voir avec la gestion d’une pandémie ? Rien. »
Mais bien au contraire, mon cher Monsieur : les marchés ont tout à y voir.
Qui est-ce qui, obnubilé par la rentabilité à court terme, décide la fermeture et la délocalisation des industries de production d’outils de protection tels que le masque ? Les marchés.
Qui est-ce qui, obsédé par la sacro-sainte plus-value pour les actionnaires, pousse l’industrie pharmaceutique à se concentrer sur les maladies rares du monde occidental – celles qui permettent de vendre le plus cher possible ses produits -, délaissant toute idée de santé publique (qui, évidemment, ne rapporte rien aux actionnaires)? Les marchés.
Il suffit d’observer la récente éviction du PDG de Danone pour mesurer le degré de conscience sociale et environnementale des marchés: nulle. Les marchés n’obéissent qu’à un seul principe, le profit immédiat, et si cette quête de profit doit se traduire par une totale désorganisation sanitaire, cela leur est parfaitement égal. Sans mauvais jeu de mots, ils s’en lavent les mains.
18 réactions et commentaires
Je trouve particulièrement maladroit et déplacé le jugement porté au second paragraphe, selon lequel « les marchés se sont avérés incapables de gérer ce type d’évènement. Dans cette situation, la décision politique se révèle plus efficace que le calcul économique. » Car qu’est ce que les marchés ont à voir avec la gestion d’une pandémie ? Rien. Et une fois que les autorités publiques ont décidé de tout prendre en main, y compris l’organisation du travail de tout un chacun, qu’est-ce qui restait à gérer du côté des « marchés » ? Rien. Même dans la gestion des conséquences financières des décisions gouvernementales, les instruments du « marché » sont systématiquement court-circuités par les plans de secours, de relance, etc…comme par les paravents gigantesques déployés par la BCE. Peut-on s’étonner qu’un malade ne réagisse pas quand il est gavé de morphine ?
+0
AlerterQd bcp accordent des pouvoirs divins au marché, c’est maladroit et déplacé de souligner leur manquements? D’ailleurs certains états ont « laissé faire », mais pas longtemps, car ça tournait au massacre.
+5
Alerter«Car qu’est ce que les marchés ont à voir avec la gestion d’une pandémie ? Rien. »
Mais bien au contraire, mon cher Monsieur : les marchés ont tout à y voir.
Qui est-ce qui, obnubilé par la rentabilité à court terme, décide la fermeture et la délocalisation des industries de production d’outils de protection tels que le masque ? Les marchés.
Qui est-ce qui, obsédé par la sacro-sainte plus-value pour les actionnaires, pousse l’industrie pharmaceutique à se concentrer sur les maladies rares du monde occidental – celles qui permettent de vendre le plus cher possible ses produits -, délaissant toute idée de santé publique (qui, évidemment, ne rapporte rien aux actionnaires)? Les marchés.
Il suffit d’observer la récente éviction du PDG de Danone pour mesurer le degré de conscience sociale et environnementale des marchés: nulle. Les marchés n’obéissent qu’à un seul principe, le profit immédiat, et si cette quête de profit doit se traduire par une totale désorganisation sanitaire, cela leur est parfaitement égal. Sans mauvais jeu de mots, ils s’en lavent les mains.
+11
AlerterEh oui , quand on voit toutes ces entreprises pharmaceutiques qui sont parties s’installer dans des pays miséreux comme la Suisse et l’Allemagne .. saleté de capitalisme.
+2
AlerterL’absence de stocks de masques en France reposait en partie sur la croyance qu’il suffisait d’en commander lorsqu’on en aurait besoin. Mais le jour venu non seulement les prix ont considérablement augmenté mais les délais de livraison ont explosé. C’est en ce sens que le marché mondial et son organisation en flux tendus a été un lourd handicap dans la gestion de l’épidémie.
+10
AlerterOn peut aussi constater que lorsque la grande distribution a été mise dans le coup, ils ont trouvé des masques sans problème, les achats c’est un métier.
Le gag du fonctionnaire français qui se fait piquer les masques sur le tarmac par son collègue allemand était juste savoureux.
+3
AlerterPatrick,
Comme d’habitude, c’en est presque comique, vous confondez les guignols qui dirigent actuellement l’Etat, et l’Etat. Imaginez que la sélection de nos dirigeants soit basée sur des compétences et non plus le n’importe quoi actuel. De la même manière que le marché sait sélectionner ses dirigeants… 😉
+3
AlerterL’état est toujours dirigé par quelqu’un, et les exemples que nous avons sous les yeux ne sont pas rassurant..
Au bout de quelques années, la bureaucratie est tellement installée qu’il n’y à même plus besoin d’avoir un gouvernement, la machine vit pour elle-même. C’est aussi vrai pour les très grosses entreprises.
+2
AlerterC’est exact dans le cas particulier de notre système politique, mais inexact dans l’absolu. D’autres systèmes pour diriger l’Etat sont évidement possibles.
Voir par exemple la proposition faite dans la 2nd partie de ce livre : http://bit.ly/capitalisme
+1
Alerter« une absence de direction dans l’économie, la multiplication des centres locaux de pouvoir engagés dans une concurrence féroce, une très forte duplication des efforts et des projets et une absence de direction centrale, remplacée par un système aléatoire de priorités ». C’est assez proche du présent, non ?
+5
AlerterDurant toute cette crise nous avons eu un aperçu des multiples centres de (non) décision de l’administration française, avec les inénarrables ARS et des trucs dont on ne soupçonnait même pas l’existence.
Superbe planification étatique, à la française.
+2
AlerterLa France n’est pas le monde. Au pays de mes ancêtres, Suomi, tout se passe plutôt pas mal, les citoyens ont confiance en l’Etat, et celui-ci assume son rôle, sans la pompe ridicule et onéreuse de notre Republique.
+0
AlerterSi les marchés, à condition qu’ils soient un tant soit peu régulés, sont les meilleurs outils de prospérité économique qui soient, bien supérieurs en tous cas à une planification étatique ou méta-étatique, il faut bien reconnaitre que quand il n’y a presque plus de marché… eh bien ça marche forcément nettement moins bien. Il me parait donc nécessaire, en cas de crise grave, que l’Etat reprenne la main, autant par des mesures de protection que de relance. Et planifie. Mais pas à la façon d’un Gosplan. Et pour une durée limitée. On ne peut jamais sous estimer la capacité de l’état, pour tout un tas de raisons (idéologie politicienne, inefficience, incompétence, corruption, etc…), à se fourrer le doigt, bien profond, dans l’oeil. L’histoire fourmille d’exemples ! Par contre on peut aussi se souvenir de la Corée du Sud, qui exsangue après la guerre de Corée, a largement planifié, étatiquement, son développement économique et son incroyable développement industriel. Il est vrai que c’était une quasi-dictature militaire, arrosée de dollars… et que le prix a payer a été l’incroyable puissance des Chaebol (consortiums industriels omnipotents et hauts corrupteurs de l’état coréen pendant plus de 40 ans) et une société impitoyable ! On souligne souvent (en France du moins) les dysfonctionnements des marchés, plus rarement ceux de la planification ! Parfois il en faut, mais pas trop !
+1
AlerterIl est évident qu’une économie planifiée, (par des personnes compétentes…) , est supérieure. Preuve en est qu’on y revient en temps de guerre, et par ailleurs que les plus grandes entreprises planifient…
Seulement la planification rend difficile l’enrichissement sans cause…
+2
AlerterEn temps de guerre, on est dans une situation tout à fait particulière, avec une production limitée ( des engins de guerre et un peu à bouffer ), normal puisque la guerre est quand même une des missions de l’état.
Mais la guerre ne dure qu’un temps, hors période de guerre il faudrait une belle dictature, il en existe.
Bon , la planification des grandes entreprises c’est plus ou moins ça, il suffit d’assister aux réunion commerciales de début d’année pour le savoir .
L’avantage des entreprises sur l’état, c’est que la planification est faite sur un environnement limité et pas trop mal connu par ceux qui la font. Pour un état, il faudrait posséder tellement d’informations que cela rend la planification totalement illusoire. Et ça se termine fatalement par des pénuries , on a vu des cas de famines tout à fait intéressants
+2
AlerterL’économie était largement contrôlée par l’Etat sous de Gaulle, avec le succès que l’on sait.
Le libéralisme et les marchés ont par la suite à peu près tout détruit.
+3
Alertersous de Gaulle , la dépense publique représentait 30% du PIB , ce qui semble un optimal . Donc l’état se limitait à ses fonctions essentielles et les assumait correctement.
A cette époque , l’état a bien essayé de faire des trucs en dehors de ses compétences mais ça a foiré ( ex : plan calcul et annexes, développement forcé de l’Agroalimentaire en Bretagne avec les conséquences actuelles , construction des grands ensembles de banlieue .. )
Nous en sommes à plus de 60% du PIB , l’état veut tout gérer , s’occuper de tout et finalement il échoue partout et en particulier dans ses missions régaliennes.
Conclusions : l’état ? oui avec des limites et tout se passe bien.
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Alerter*** Dans cette situation, O. Neurath avait démontré dés 1909, qu’elle conduisait à un retour à l’économie « de guerre », ce qu’il appelle aussi une « économie en nature »[4]. en 1919-1920 que la planification pouvait s’avérer supérieur au marché. ***
Je me pince. Comme si le marché (le tout marché) pouvait être supérieur à une planification mesurée ?
Mais c’est un conte de fées !
La preuve des multiples corruptions dans le système de santé américain (on a de très beaux exemples en France) montre que le marché est une fiction.
Les États sont trompés et se font tromper avec évidente complaisance par BigPharma.
Pas question de marché (au sens libre et non faussé) !
N’est-ce pas Ruth Dreyfuss qui fut (entre autre) ministre de la Santé de la Confédération suisse qui disait qu’elle signait de la main droite avec le bras gauche tordu dans son dos – contrainte (enfin elle pouvait démissionner). Un marché libre ?
Pour ne rien dire de la France où les scandales sanitaires passent comme change le nom de l’agence de la santé (comme certains partis se renomment aussi au gré des ‘affaires’ ..).
Bref le marché c’est une fiction pour [restons polis] croyants.
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