Billet invité
J’ai donné vendredi 23 février une conférence à l’Institut des Affaires Européennes et Internationales (IIEA) de Dublin (Irlande) sur les Problèmes et les Défis de la Russie Aujourd’hui. Cette conférence a été filmée en vidéo, et peut être consultée sur youtube grâce à la diligence de l’IIEA. Cette vidéo peut être consultée ici[1]. Elle est (évidemment) en anglais et je prie mes fidèles lecteurs, soit qu’ils ne parlent pas l’anglais, soit qu’ils le parlent mieux que moi, de m’en excuser.
Pour de cette conférence, un assez long document power-point avait été réalisé. Il se découpe en 4 parties, que je présente ici en reproduisant les graphiques.
La situation actuelle
La première établie un bilan de la situation économique de la Russie. Cette partie insiste sur 5 points principaux :
- La croissance est de retour en Russie
- L’inflation a baissé de manière spectaculaire et se situe aujourd’hui à un niveau historiquement bas, qui n’avait jamais été atteint auparavant.
- La productivité du travail est sur de bons rails, même si elle a légèrement baissé en 2015. La Russie rattrape les Etats-Unis et l’Allemagne. Mais, on constate des différences importantes suivant les secteurs de l’économie. A noter les bons résultats de la productivité de l’industrie manufacturière.
- La dette public est particulièrement faible (17% du PIB)
- Les réserves internationales de la Banque Centrale sont élevées (449 milliards de dollars) et correspondent environ à 22 mois d’importations.
Le revenu des ménages
Le premier problème que rencontre aujourd’hui la Russie est celui du revenu des ménages. Bien sur, les salaires réels ont augmenté depuis le premier trimestre 2016. Mais on constate que le revenu réel des ménages n’a pas suivi aussi vite, ce que traduit la courbe du commerce de détail. Cela résulte dans la montée des prélèvements fiscaux et para-fiscaux, une montée qui elle-même renvoie à la très forte baisse de la part de l’extraction du pétrole et du gaz dans les recettes du budget. Ces recettes liées aux hydrocarbures sont passées de 7433,8 milliards de rouble en 2014 à 4844 milliards en 2016. La hausse des taux d’intérêts réels a d’ailleurs obligé les ménages à se désendetter, prélevant une autre part de leurs revenus, un phénomène que l’on constate sur la courbe de l’endettement en grandeurs réelles. Cette courbe ne retrouve son niveau de janvier 2016 qu’en septembre 2017.
Les logiques de l’investissement
Un deuxième problème est lié aux divergences inter-sectorielles dans l’investissement, ainsi qu’à l’origine de ces investissements. On peut dire que seuls les secteurs exportateurs (les hydrocarbures, les autres industries extractives, mais aussi l’agriculture et la chimie) continuent de voir croître leurs investissements. Les secteur plus liés à la consommation intérieure connaissant des baisses importantes de l’investissement.
Par ailleurs, dans l’origine des investissements, une rupture importante, mais datant de 2009, s’est produite. La part externe des investissements, qui était passée de 48% en 1999 à 63% en 2009, régresse de manière importante et elle est revenue à 48,5% en 2016. Mais, ce mouvement, il convient de le rappeler, a commencé dès 2010, soit dans une période de croissance de l’économie. La montée des sources internes (l’autofinancement) s’accompagne d’une montée des sources de transferts entre entreprises (qu’il s’agisse des transferts entre entreprises sans liens directs ou de transferts qui se font à l’intérieur de holdings). Cela traduit une montée importante de la part directe et indirecte de l’Etat dans l’investissement, que ce soit à travers des fonds budgétaires, ou des transferts depuis des grandes entreprises publiques (Rosneft, Gazprom), ou encore via la « bonification » des taux d’intérêts.
La dette du secteur non-financier s’est réduite jusqu’à l’été 2017, et ceci s’explique par l’ouverture des taux d’intérêts réels qui ont fortement augmenté du fait de la baisse spectaculaire de l’inflation. Le Fond de réserve de la richesse nationale a compensé lui aussi une partie des dépenses, et cela en deux mouvements, l’un lié à l’application des sanctions (fin 2014-début 2015) et l’autre à la fin de 2017.
Quelle cohérence pour la politique économique en Russie?
Cela pose le problème de la cohérence de la politique économique russe. Cette dernière résulte en réalité d’une politique monétaire très restrictive et d’une politique budgétaire modérément restrictive (austère plus qu’austéritaire). La combinaison de ces deux politiques est en contradiction avec les objectifs explicites du gouvernement russe qui vise, à juste titre d’ailleurs, une croissance d’au moins 4% par an (et certains économistes indiquent 6% en réalité). La contradiction entre la politique « explicite » du gouvernement et la politique « implicite » résultant de la mise en œuvre des mesures monétaires et budgétaires sera le principal problème que le nouveau gouvernement aura à résoudre après l’élection du 18 mars.
[1] https://www.youtube.com/watch?v=QCkn5F0oCyE&feature=youtu.be
Commentaire recommandé
Votre expression anglaise reste sans aucun doute au delà du niveau de l’expression d’un bon nombre d’entre nous…
Merci de nous fournir les outils nécessaires
au dechryptage du monde économique international dans lequel nous baignons, et c’est bien là l’essentiel .
(Dette publique de la Russie :17% du PIB,
le rêve…!)
4 réactions et commentaires
Bonjour
Conférence fort intéressante qui explique le fonctionnement economico-politique de Poutine.
Pour aller plus loin, mais c’est hors sujet :
– L’économie saine d’un pays avec de fortes quantité de matières premières exploitées. Quid sans ?
– L’économie basée sur le bon contrôle de l’usure. Quid sans ?
Salutations
+5
AlerterVotre expression anglaise reste sans aucun doute au delà du niveau de l’expression d’un bon nombre d’entre nous…
Merci de nous fournir les outils nécessaires
au dechryptage du monde économique international dans lequel nous baignons, et c’est bien là l’essentiel .
(Dette publique de la Russie :17% du PIB,
le rêve…!)
+6
AlerterCes données macro-économiques ne rendent pas compte de la vie en dehors de St Peter ou Moscou. Les salaires moyens sont très bas, et travail au noir à temps partiel, sans couverture sociale efficace. Le surendettement, les retraites misérables malgré des promesses récentes, un boom des naissances et un réel changement des mentalités sur l’alcool et les accidents de la route ne changent rien: le social est délaissé, l’écart entre les riches et la masse pauvre s’accroit. Nos amis commerçants, retraités, entrepreneurs se plaignent. Ils se trouvent plus malheureux qu’en 1990, les élections vécues comme une farce, sans choix ni opposition. Et les sanctions ne font que raviver le sentiment nationaliste, malgré la souffrance. Le pouvoir d’achat a baissé : les constructions neuves des régions sont possédées par les mêmes ( moscovites ). Un bon salaire à 40.000 roubles, une retraite entre 7.000 et 10.000. Les intérêts d’emprunts entre 12 et 25 %….
+1
AlerterC’est un peu une rengaine … Ce n’est tout de meme pas si pas mal de villes capitales de regions/républiques ( Kaluga, Lipetsk, Kazan ou autres ) étaient complètement a la ramasse.
Quant a dire que les années 1990 c’était mieux, mon épouse qui les a connu ( et tous mes amis ici ), vous rétorquerons le contraire.
Peut être vivons nous des situations trop différentes … dans le meme pays.
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AlerterLes commentaires sont fermés.