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4.mars.20184.3.2018
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[RussEurope-en-Exil] L’innovation, de la France à la Russie

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Billet invité

Un nouveau magazine, STIMUL, consacré aux problèmes de l’innovation en Russie à récemment vu le jour sur Internet (https://stimul.online/). Cette initiative est à relier avec l’importance du thème de l’innovation et du progrès technique dans les discours gouvernementaux depuis un an et demi au moins, et qui a été confirmé dans l’intervention du Président Poutine du jeudi 1er mars[1]. Dans ce contexte, j’ai donné une interview à ce magazine. J’en fournis ici la version française, mais on peut retrouver la version originelle sur le site de STIMUL ici (https://stimul.online/articles/interview/ostryy-gallskiy-smysl-innovatsiy/ ).

 

Острый галльский смысл инноваций – Ce sens aigu de l’innovation des gaullois…

 

(présentation de l’article en russe)

 

Инновационная и технологическая политика Франции имеет много параллелей с российскими реалиями: технологическое отставание и острое желание его преодолеть, ставка на госкомпании, развитие кластеров; есть даже проект, похожий на наше Сколково. Что получилось, что нет и почему — об этом «Стимулу» рассказывает известный экономист Жак Сапир, советник нескольких французских правительств.

La politique technologique et d’innovation de la France a de nombreux parallèles avec les réalités russes: un retard technologique et un désir aigu de le surmonter, le rôle des sociétés publiques, le développement des pôles. On trouve même un projet similaire à celui de Skolkovo (en Russie). Ce qui est arrivé, ce qui ne s’est pas produit, et le pourquoi de ces choses – à propos de ce « Stimuli », c’est ce que nous raconte le célèbre économiste Jacques Sapir, conseiller de plusieurs gouvernements français

Александр Ивантер, Тигран Оганесян

 

Жак Сапир принадлежит к той плеяде интеллектуалов континентальной Европы, чью специализацию на предметной карте гуманитарного знания трудно определить однозначно. Экономист, экономический историк, социолог, политолог. Сам Сапир не любит, возможно из скромности, соотносить себя с традицией школы «Анналов», но определенная перекличка с ней в самом методе его работ, безусловно, присутствует.

Одна из доминант в научных интересах Сапира — экономическая история СССР и постсоветской России. Степень доктора экономики в 1986 году он защитил на советском материале, работа легла в основу книги «Экономические изменения в СССР в 1941–1985 гг.». В 1988 году министерства образования и иностранных дел Франции отправили 34-летнего Сапира знакомиться с горбачевской перестройкой. С тех пор он частый гость нашей страны — является сопредседателем (вместе с академиком Виктором Ивантером) российско-французского семинара по экономическим проблемам, визит-профессором МГУ, почетным членом дискуссионного клуба «Валдай».

Огромной популярностью пользуются семинары Жака Сапира в парижской Высшей школе социальных наук, где он служит профессором и возглавляет Центр исследований индустриализации CEMI-EHESS. Свои собственные воззрения в экономике Жак характеризует нетривиально: «Они лежат на стыке Маркса и Кейнса, а также противостоящих последнему Шекла и Хайека».

Поводом для этой беседы с Жаком Сапиром послужила попавшая нам на глаза статья 1995 года «Материалы к интерпретации экономической истории России и СССР», где он представил эту историю как причудливое взаимодействие экономической, технологической и организационной культуры, сформировавшее уникальный генотип. Нам показалось интересным узнать, как г-н Сапир смотрит на современную Францию с точки зрения ее недавней экономической и инновационной истории и нельзя ли России извлечь из этого взгляда дополнительные полезные уроки.

 

Jacques Sapir appartient à cette galaxie d’intellectuels d’Europe continentale, dont la spécialisation sur la carte du savoir est difficile à définir sans équivoque. Économiste, historien de l’économie, sociologue, politologue. Sapir lui-même n’aime pas, peut-être par pudeur, se rattacher à la tradition de l’école des «Annales», mais il y a certainement une certaine inspiration de cette école dans la méthode même de ses œuvres.

L’une des dominantes dans les intérêts scientifiques de Sapir est l’histoire économique de l’URSS et de la Russie post-soviétique. Son diplôme de docteur en économie en 1986, il l’a défendu sur l’économie soviétique ; ce travail fut la base du livre «  Les fluctuations économiques en URSS – 1941-1985.[2] » En 1988, le ministère français des Affaires étrangères a envoyé Sapir, 34 ans, faire la connaissance de la perestroïka de Gorbatchev. Depuis lors, il est un visiteur fréquent dans notre pays – il est le coprésident (avec l’académicien Viktor Ivanter) du Séminaire russo-français sur les questions économiques du développement de la Russie, professeur associé à la MSE-MGU[3], membre honoraire du club de discussion « Valdaï ».

Les séminaires de Jacques Sapir à l’EHESS de Paris, où il est Directeur d’études et directeur du Centre de recherche sur l’industrialisation du CEMI-EHESS, sont très populaires. Jacques Sapir a décrit ses propres opinions dans l’économie de façon non triviale: «Elles se trouvent à la jonction de Marx et de Keynes, ainsi que de Shackle et de Hayek».

La raison de cette interview avec Jacques Sapir nous est venue à la lecture d’un article publié en 1995, « Culture économique, culture technologique, culture organisationnelle »[4], où il a présenté l’histoire de développement de l’économie russe comme une interaction fantasque des formes de la culture économique, de la culture technologique et de la culture organisationnelle aboutissant à génotype unique. Il nous a semblé intéressant de savoir comment M. Sapir regarde la France moderne du point de vue de son histoire économique et novatrice récente et si la Russie peut tirer de ce point de vue des leçons supplémentaires utiles.

 

I. Comment évaluez-vous le niveau actuel du progrès technologique en France? Où se situent les zones d’avancée et où se trouvent les zones de retard? Quelle est l’efficacité du lien entre science fondamentale et science appliquée? Quelles sont les tendances à long terme de la productivité globale des facteurs, mesure traditionnelle de la contribution des composantes scientifiques et technologiques du développement économique?

Depuis une vingtaine d’années, la France développe ses capacités techniques d’innovations et les technologies qui les accompagnent dans divers champs. Certains sont dans la continuité avec les grands projets venant de l’immédiat après-guerre. C’est le cas pour l’aéronautique et l’aérospatial, l’énergie nucléaire ou encore les systèmes de transport. D’autres correspondent aux nouveaux champs qui se sont développés depuis une vingtaine d’années comme les biomatériaux et une partie de l’optique, la chimie fine et une partie de la chimie pharmaceutique, la métallurgie (en liaison avec l’aéronautique et l’aérospatial) et – naturellement – les systèmes électroniques et certains aspects des logiciels informatiques (le traitement d’image et ce que l’on appelle l’animation). Dans d’autres domaines, comme dans le matériel informatique grand-public, certains aspects de la pharmacie, et bien entendu le développement des logiciels grands-publics et des techniques d’information, le retard de la France est important ou plus précisément les gouvernements successifs ont considéré que l’on ne pouvait tout faire et ont abandonné certains secteurs à l’étranger. Mais, on doit comprendre que même dans des secteurs où l’industrie et les compagnies françaises ne sont pas présentes (comme les technologies globales de l’information) un secteur innovateur peut se développer, comme c’est le cas avec ce que l’on appelle la « FinTech », c’est à dire le développement de nouvelles techniques de traitement de l’information financière.

La question du lien entre la science fondamentale, la science appliquée, et les applications industrielles (et commerciales) est évidemment décisive. Si, au niveau de la science fondamentale, la situation est satisfaisante, les applications commerciales dépendent du développement d’un tissu d’entreprises très innovatrices et très agiles dans leur capacité à évoluer rapidement. Là, un retard a été pris. Le discours actuel du Président Macron sur la « Nation Start-Up » est une réaction à ce problème. Mais, le Président, tout comme le gouvernement, semble oublier que l’important ici n’est pas seulement le développement de ce que l’on appelle les « Start-Up », mais la création d’un véritable tissu économique, avec des petites entreprises qui grossissent, d’autres qui se spécialisent sur certains domaines. Or, c’est ce tissu qui est fondamental pour la recherche appliquée. Le retard pris dans son développement, les blocages qui existent (comme le sous-financement des petites et moyennes entreprises) aboutit à une situation qui est globalement insatisfaisante.

En termes économiques, la productivité des facteurs est cependant élevée en France. Le niveau de productivité du travail globale est ainsi supérieur à ce qu’il est en Allemagne. Pour la mesure de l’efficacité globale du capital, un des gros problèmes qui se posent est celui du calcul des effets d’externalités et celui de la fertilisation croisée entre différents secteurs, voire entre différentes techniques. Ces problèmes de mesure rendent difficiles les comparaisons internationales, voire le simple calcul au niveau national. De fait, la méthode traditionnelle, celle qui fait référence au fameux « Modèle de Solow »[5] est aujourd’hui très discutable, parce que la contribution des composantes techniques combine à la fois un aspect direct (qui lui est mesurable) et un aspect indirect qui n’est que faiblement mesurable. Il est alors plus intéressant de regarder les points retenus par des firmes étrangères quand elles décident de faire des investissements directs en France. Ce qu’elles mettent en avant est une combinaison de trois facteurs : une main-d’œuvre bien formée (et donc une bon niveau scientifique), un système de transport performant, et un bon système de santé.

II. Quelles sont les caractéristiques du système d’innovation français? Quelles sont ses différences par rapport aux modèles anglo-saxons, allemands, japonais? Quelle évolution a-t-il eu depuis la période d’après-guerre, et sous quels facteurs s’est-il développée?

Le système d’innovation français est aujourd’hui en pleine mutation. Traditionnellement, il fut impulsé par l’Etat, que ce soit directement par de grandes agences publiques ou indirectement par des entreprises d’Etat et l’impulsion donné par l’Etat à la demande dans certains secteurs. Aujourd’hui, les processus d’innovation impliquent (et imposent) une redéfinition de la place de l’Etat. Une partie de l’innovation se fait désormais dans des petites entreprises. Certaines de ses innovations ne seront pas viables, et ces petites entreprises disparaitront. D’autres, au-contraire, vont être viable, et souvent parce qu’elles viennent se combiner avec des techniques ou des technologies déjà existantes, mais qu’elles contribuent à redéfinir. Il faut donc assurer aux entrepreneurs-innovateurs la garantie que la mort de leur entreprise n’implique nul stigmate social, qu’ils pourront rebondir vers d’autres activités, mais aussi il faut pouvoir leur assurer que si nécessaire ils trouveront dans l’Etat des garanties de financement qui leurs permettront de faire grandir rapidement leur entreprises. Il est important que l’Etat fixe des règles qui assurent à la fois la protection des innovations (pour garantir les incitations à investir) mais aussi la bonne circulation de ces innovations, ce qui implique un traitement spécifique de la législation sur la propriété intellectuelle et sur les brevets. Cela implique donc une redéfinition du rôle de l’Etat, une action spécifique sur les circuits de financement, mais aussi le maintien des dépenses publiques pour la recherche fondamentale et des garanties en matière de demande. Or, on constate aujourd’hui que ces choses l’Etat, en France ne sait pas les faire ou il les fait mal.

Par rapport aux différents systèmes d’innovation existant dans le monde, on peut dire que le système américain sait très bien organiser le financement des petites entreprises, n’inclut aucun stigmate social sur l’échec, et bien entendu a développé un budget public absolument formidable. Mais, cela se fait dans le cadre d’une réglementation sur les brevets qui souvent paralyse la diffusion de l’innovation ou qui permet à des entreprises de se constituer en « preneur de rentes » par rapport aux entreprises réellement innovatrices. Le système allemand permet, lui aussi, un bon financement des petites et moyennes entreprises (essentiellement à travers des banques régionales, mais il est moins efficace pour le développement des « grandes innovations ». Le système japonais est, par bien des aspects, admirable dans sa diffusion rapide des innovations, le caractère coopératif de nombreuses entreprises, mais il a ses limites dans le domaine de la recherche fondamentale. Très peu d’innovations radicales sont issues du Japon, mais au contraire le nombre d’innovations incrémentales, assurant le développement d’applications de ces innovations radicales y est très élevés.

D’autres pays ont aussi développé des systèmes d’innovation très performant. La Suisse mérite d’être étudiée comme un cas très intéressant[6]. Le pôle d’innovation qui s’est constitué autour de l’industrie horlogère, l’industrie à haute précision et l’industrie des équipements médicaux, pôle qui est situé entre la ville de Lausanne et le Jura suisse est un exemple de coopération fructueuse entre l’Etat (qui assure 90% des dépenses en recherche fondamentale), de grandes institutions universitaires (comme l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne ou EPFL) et des entreprises soit anciennes soit pour certaines nouvelles. Il me semble que ce système d’innovation mériterait d’être plus étudié, car il correspond à un bon cas d’hybridation à partir de la culture d’innovation française d’origine.

Pour revenir sur les origines du système d’innovation français, il faut remonter à la fin de la seconde guerre mondiale. La France, entre 1940 et 1945 avait perdu pied dans les principaux champs d’innovation de l’époque, du fait de l’occupation allemande. Les gouvernements de la IVème république se sont donnés comme priorité de reconstituer à marche forcée la capacité d’innovation de l’industrie française, que ce soit pour des raisons économiques ou pour des raisons stratégiques. Le poids de l’Etat, que ce soit à travers le budget, à travers la main mise du Trésor sur le système financier de l’époque, ou que ce soit à travers le poids des grandes entreprises publiques de l’époque, fut déterminant. Cela a contribué à construire un système d’innovation particulier qui s’est traduit par le développement des industries aéronautiques et aérospatiales, de l’industrie nucléaire, mais aussi de l’industrie des transports. Sous la Vème république, et à l’instigation du général de Gaulle, cette démarche fut poursuivie et même amplifiée. Elle a donné d’excellents résultats comme avec le développement de l’industrie nucléaire, le processus de modernisation du système de transport, la constitution de grands groupes innovants, mais elle a aussi conduit, dans les années 1970 et 1980 à une rigidification du système d’innovation. Il est à cet égard intéressant de regarder deux échecs de cette politique d’innovation. Le premier est le « plan calcul », lancé dans les années 1960 et qui avait pour but le développement d’une industrie des ordinateurs. La rigidité de certains choix techniques, la concentration des efforts sur des ordinateurs à très grande puissance, tout cela a abouti à un échec majeur. Il n’y a pas d’industrie des ordinateurs aujourd’hui en France. Le second échec fut, et c’est intéressant de le souligner, au départ un succès : c’est le développement du « Minitel » dans les années 1970-1980, un système que l’on peut considérer comme un ancêtre de l’Internet. Quand le « Minitel » est mis en place, il est une innovation radicale, qui s’appuie d’ailleurs sur des travaux en recherche fondamentale réalisés par des chercheurs français. Mais, l’Etat, obnubilé par l’ampleur des investissements consentis n’a pas voulu voir que ce système avait des limites et n’a pas pris la mesure du développement du « world wide web ». Aussi, ce qui avait été un grand succès au début des années 1980 est devenu un facteur de blocage et a empêché la France de prendre le tournant d’Internet. La France avait les moyens techniques et la technologie pour devenir l’une des premières puissances de l’Internet et si cela ne s’est pas fait, si Google n’est pas français, c’est en bonne partie au « Minitel » qu’on le doit et ce même si au début des années 1980 les américains eux-mêmes étaient admiratifs par rapport au « Minitel ».

III Quel est le rôle de l’Etat dans le développement technologique et de l’innovation en France? Comment est-ce réalisé? Avec quels outils?

L’Etat intervient, comme je l’ai dit en finançant la recherche fondamentale, en apportant son aide soit directe (par des subventions) soit indirecte (par des achats de licence, des commandes publiques) à des grands groupes chargés d’innover dans certains secteurs, enfin, aujourd’hui, en cherchant à développer un écosystème qui soit favorable à l’innovation. Mais ce qui faisait l’efficacité de ce système était le fait que la décision était relativement centralisée (et protégée contre les interférences extérieures) même si l’application pouvait être décentralisée. Un autre point important était que l’Etat pouvait jouer sur tout une gamme d’instruments, parce qu’il avait – de 1945 à 1995 – le pouvoir de combiner la politique budgétaire et la politique monétaire, une capacité qu’il a désormais perdue.

IV. Existe-t-il en France un système de soutien et une culture des «champions nationaux» – des entreprises technologiques à croissance rapide? Si oui, comment cela se réalise-t-il ?

De fait, la France a hésité entre un soutien à des champions nationaux et une stratégie plus décentralisée qui est celle des « pôles de compétitivité » mis en place par le gouvernement de Dominique de Villepin en 2005-2007. Aujourd’hui, le gouvernement semble avoir abandonné la constitution de ces « champions nationaux » dans de nombreux domaines. Il a laissé une grande partie du patrimoine industriel de la France être vendu à l’encan. Dans le même temps, l’effort pour le développement des « pôles de compétitivité » n’a pas été mené avec la constance et la cohérence suffisante. Sans doute, dans le « plan Villepin » de 2006 y avait-il de trop nombreux pôles. L’argent fut dispersé, et cela essentiellement pour des raisons politiques. Les élites locales sont beaucoup intervenues pour persuader le gouvernement de créer de nouveaux pôles, au détriment de l’efficacité d’une partie de cette politique. On doit ajouter que les sommes réellement déboursées représentent environ le tiers de ce qui avait été prévu. La première évaluation du « plan Villepin » qui fut réalisé en 2012 a établie que moins de la moitié des projets classés pourtant prioritaires avaient été soutenus en réalité. Dans ces conditions, on ne doit pas s’étonner que ce plan n’ait pas donné tous les résultats escomptés. Pourtant, cette politique n’a pas été un échec complet. Des réalisations, les pôles de la « BioTech » à ceux des nouveaux matériaux, se sont développées. Mais, les pôles qui ont bien fonctionné sont ceux qui ont pu s’appuyer sur un tissu d’entreprises déjà existant. En fait, la logique de l’innovation aurait du se combiner avec une logique de l’aménagement du territoire. Or, à cette époque, il n’y avait plus de politique d’aménagement du territoire digne de ce nom. L’abandon des notions d’intérêt général comme celle d’aménagement du territoire, un abandon qui a des conséquences immédiates sur l’innovation, est l’un des résultats de la victoire des idées néo-libérales dans l’élite politique française.

Cette victoire des idées néo-libérales, qui marque la présidence de Nicolas Sarkozy puis celle de François Hollande a eu des conséquences extrêmement négatives sur la politique d’innovation. Car, en même temps que l’Etat se retirait de nombreux projets, aucun système financier, que ce soit un « marché financier » spécifique (comme le Nasdaq aux Etats-Unis) ou un système bancaire avec des liens étroits et profonds avec le tissu des entreprises locales (comme cela existe en Allemagne avec les banques régionales) n’est venu se substituer à l’Etat. De fait, les politiciens, de droite comme de « gauche », se lamentent sur e fait que les entreprises innovantes françaises ne trouvent pas les moyens de croître suffisamment vite, mais ils ne se rendent pas compte que cette situation n’est que le résultat de leurs actions passées.

V. Sofia-Antipolis est l’un des projets novateurs les plus célèbres et les plus emblématiques de France. Il a démarré beaucoup plus tôt que le projet russe de Skolkovo. Les résultats sont mitigés ; la reproduction de la Silicon Valley n’a pas eu lieu. Que s’est-il passé et qu’est-ce qui ne s’est pas produit ? Cela vaut-il la peine de partir de l’expérience française pour créer des technopoles en plein champs?

Il est intéressant, et quelque part significatif, que vous citiez Sofia-Antipolis comme l’un des projets français novateurs et célèbres. En fait, s’il y a eu beaucoup de bruit fait autour de la création de Sofia-Antipolis, ce n’est pas – et de loin – le projet le plus intéressant et le plus important en France.

Le « district industriel » de l’innovation qui s’est développé autour de Toulouse et de sa région, un district largement lié à l’industrie aéronautique et aérospatiale, est bien plus important (en masse de chercheurs et en chiffre d’affaires) et son impact sur l’industrie locale a été aussi beaucoup plus important. De même, le district d’innovation de Orsay-Paris Sud, district qui s’est développé autour de l’Université d’Orsay, de l’école Polytechnique, et de laboratoires de recherches dépendant du Centre à l’énergie atomique, est lui aussi bien plus innovant et bien plus significatif que Sofia-Antipolis. Même le district du nord de Paris, district où se concentre l’innovation dans le domaine de l’animation dans l’audio-visuel, les jeux vidéos. Alors, quoi que l’on puisse penser de l’utilité de ces activités, il est clair que le chiffre d’affaires qu’elles engendrent est énorme. Le district du nord de Paris (la Courneuve), lié aux activités du cinéma et de l’animation, est un district d’innovation en fait aussi important que Sofia-Antipolis.

Ce qui me conduit à une réflexion sur le statut de l’innovation. La tradition du système d’innovation français privilégiait les innovations dans le domaine des matériels. Et pourtant, il n’y a pas, ou presque pas, d’ordinateurs français. Le domaine des logiciels a vu le développement d’une réelle innovation, mais elle a été capturée par quelques grands groupes, même si les ingénieurs français ont joué, bien souvent, un rôle moteur dans la conception de ces logiciels. C’est donc dans le domaines des contenus diffusés par les systèmes d’informations, qu’il s’agisse de contenus ludiques ou de contenu de travail (comme avec la FinTech) qu’il y a eu une véritable innovation donnant lieu à de la création d’entreprises.

Mais, on constate alors qu’il faut créer un environnement qui soit favorable à ces développements. Ce qui conduit à penser l’innovation non plus en termes de grands projets, non plus en termes d’innovations individuelles (le modèle traditionnel de Joseph Schumpeter), mais en des termes d’écosystèmes d’innovation. De ce point de vue, on peut comprendre toutes les difficultés dans le développement du centre de Skolkovo, justement parce que l’écosystème pouvant soutenir les activités innovatrices n’était pas présent.

VI. L’un des programmes les plus célèbres et les plus gourmands en ressources du gouvernement français pour le développement des innovations dans les régions est la création de pôles de compétitivité. À un moment donné leur nombre a atteint soixante-dix. Or, selon certains experts, les principaux pôles de compétitivité mondiale dans les secteurs concernés (Ile-de-France, Toulouse, Marseille, Grenoble, etc.) existaient avant le début du programme. Les nouveaux pôles créés à la suite de la mise en œuvre de ce plan, ne sont pas perceptibles. Doit-on tenter de créer des pôles de la compétitivité de manière artificielle, avec l’aide de « subventions publiques » – ou est-ce une erreur du système?

Le programme des pôles de compétitivité, ce que l’on appelle de « plan Villepin », a souffert de trois défauts. D’une part, le nombre de pôles n’était pas réaliste, et le gouvernement a cédé aux influences des élites politiques locales qui, chacune, voulaient un pôle dans sa région ou dans sa ville. D’autre part, comme je l’ai déjà dit, ce « plan » a été sous-financé. Je rappelle qu’avec des crédits réellement engagés par l’Etat équivalant à un tiers de ce qui avait été prévu, il était évident que l’on aurait des problèmes importants, et ce d’autant plus que le nombre de pôles était irréaliste. La combinaison de ces deux problèmes a bien été analysée dans les études conduites en 2012 et 2014. Enfin, le choix des activités tout comme la combinaison entre activités de recherches et activités commerciales n’a sans doute pas été suffisamment pensé. Mais, ces problèmes n’ont rien à voir avec la logique du développement des pôles d’activités. L’idée de combiner une aide à l’innovation et un projet d’aménagement du territoire était bonne. La notion d’écosystème d’innovation était bien présente. C’est ce qui explique la réussite de certains de ces pôles, qui ont pu, et qui ont su, trouver des relais de financement, soit dans le secteur public soit dans le secteur privé.

Par contre, là où il y a eu (et il y a toujours d’ailleurs) un véritable problème, et l’on peut même ici parler d’un « échec d’administration » tout comme il existe des « échecs de marché », c’est bien dans l’incapacité de l’Etat à résister aux groupes de pressions locaux et régionaux. Il aurait fallu, et c’est un conclusion importante, que l’ensemble du « plan » soit confié à un « ministère de l’innovation » avec sa personnalité administrative propre et son indépendance par rapport aux luttes politiques locales. Ce fut le cas, dans les années 1960 et 1970 du MITI au Japon. Le fait que l’on ait donné la gestion des décisions à diverses administrations, dont certaines étaient sensibles aux influences politiques locales, et que l’on n’ait pas donné à ce « plan » le financement suffisant, sont les deux raisons les plus importantes de son demi-échec. Mais, il convient alors de rappeler que si l’on a fait ces erreurs c’est aussi parce que l’on était à un moment politique et idéologique où l’action publique se voyait décriée. C’est ce que j’appelle l’influence néo-libérale sur les méthodes et les pratiques des administrations publiques.

VII. La France est le berceau de l’école polytechnique – modèle de l’université d’ingénierie appliquée – contrairement à l’université classique allemande (Humboldt), qui donne des connaissances fondamentales universelles. En outre, la France est traditionnellement célèbre pour ses fortes traditions dans un certain nombre de sciences humaines – la sociologie, la science politique, la philosophie, l’histoire. Comment évaluez-vous le modèle existant de l’enseignement supérieur dans votre pays? Est-il adapté aux défis technologiques, économiques et civilisationnels modernes?

C’est une question naturellement très importantes. Un système d’enseignement (car l’on enseigne des connaissances), système qui va naturellement ensemble avec un système d’éducation (car l’éducation d’une jeune génération c’est aussi la transmission des valeurs et des principes politiques fondamentaux, et bien entendu un processus de socialisation des individus), doit s’adapter aux réalités de la société, tout en maintenant, ou en reformulant, des objectifs généraux. Ainsi, il est évident que la complexité des problèmes à résoudre est aujourd’hui croissante. Il en va de même de la complexité des outils à utiliser. Ceci pose le problème des connaissances qui doivent être acquises. Mais, en même temps, cette société plus complexe, où des outils eux-mêmes plus performants et plus complexes seront à la disposition des individus, implique que l’on pense la question de la densité sociale. Comment éviter qu’une telle société ne se défasse, que des intérêts individuels, qui pourront justement utiliser ces outils de plus en plus performants, ne prennent le pas sur l’intérêt général ? Ceci pose la question des principes et des valeurs, autrement dit de l’éducation.

La France a tendu depuis maintenant une cinquantaine d’années à confondre enseignement et éducation. Mais, dans cette confusion, la question des principes et des valeurs, sans lesquels les individus ne peuvent plus former une société, a été largement perdues. Les principes de la « Res-Publica », le récit national – si important pour comprendre à quelle culture politique on se rattache – ont été de plus en plus délaissés. De plus, les différents gouvernements (qu’ils soient de « gauche » ou de droite) ont eu tendance à considérer que l’échec scolaire était le produit de la quantité à apprendre et non de la manière dont on apprend. Il est vrai, que ces gouvernements ont été guidés par le souci de limiter les coûts de l’Education Nationale. Il en résulte une baisse non seulement du « niveau » des élèves (et des étudiants), que l’on mesure au travers de divers indicateurs, mais aussi de la capacité de ces élèves (et de ces étudiants) à construire des cadres cognitifs qui leurs assurent leur autonomies. Une des qualités d’un bon enseignement n’est pas que l’élève sache tout (ce qui est naturellement impossible) mais qu’il sache où il peut trouver les connaissances qu’il n’a pas, et à qui les demander. Ce type de connaissance, que l’on peut appeler la « connaissance procédurale » implique de bonnes connaissances générales, afin d’être capable d’identifier les connaissances manquantes. Or, la notion de connaissances générales, et au-delà celle de « culture générale », a été dévalorisée depuis maintenant une trentaine d’années. Il en résulte que les élèves (et les étudiants) peuvent avoir des connaissances très spécialisées, mais sont le plus souvent dans l’incapacité de sortir de leur champ de spécialisation et de mobiliser cette « connaissance procédurale » qui est pourtant la clé de la flexibilité dans un monde en constante évolution.

Or, aujourd’hui, il devient évident que c’est par la combinaison des champs disciplinaires, sciences de la nature et sciences humaines, que se réaliseront les innovations du futur. Aussi, alors que la France était bien positionnée il y a de cela vingt ou trente ans, du fait de l’évolution de l’enseignement et de l’éducation depuis au moins vingt ans, elle perd une bonne partie de son avantage comparatif. Bien entendu, ce n’est pas quelque chose que l’on peut mesurer, et les effets de cette perte ne se font pas encore sentir. Mais, ces effets se feront sentir d’ici dix à quinze ans, quand la génération actuellement dans les écoles et les Lycées arrivera en âge de travailler. Cependant, l’un des effets de cette évolution pourrait se faire sentir plus rapidement : c’est l’ensauvagement de la société.

La question de la nature et de la qualité de l’enseignement et de l’éducation est une question essentielle sur le long terme. C’est pourquoi, la réaction de l’actuel ministre de l’éducation nationale, M. Blanquer, est intéressante. Elle témoigne de la prise de conscience de ce que le système français est malade. Mais, une partie des solutions qu’il propose, comme par exemple le renforcement de l’autonomie des collèges et des Lycées, va à l’encontre des objectifs qu’il se fixe. Ici encore, il convient de constater que le néo-libéralisme, associé à une culture prétendument libertaire, est en train de détruire la base même du succès économique (les gains de productivité obtenus par l’innovation) qui est pourtant le critère sur lequel ce néo-libéralisme prétend être jugé.

VII. L’été dernier, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et le Canada ont annoncé de nouveaux programmes pour étudier les changements climatiques sur Terre. Le premier à s’être engagé dans ces programmes a été le président français Emmanuel Macron – et ce peu de temps après la visite du président Donald Trump, qui a annoncé le retrait américain des accords de Paris sur le climat. Le programme de subventions a été approuvé, et les les gagnants ont déjà été déterminés. On dirait que la carte verte et climatique a le poids d’un joker dans la politique de Macron. Y a-t-il un risque de biais politique dans les résultats des nouvelles études climatiques? – Des versions alternatives explorent-elles la nature naturelle (non anthropique) du réchauffement?

Qu’il y ait une dimension politique et idéologique dans la priorité donnée par Emmanuel Macron aux études sur le changement climatique est indéniable. Ce sujet est l’un des points de conflits avec les Etats-Unis de Donald Trump. Mais, l’existence de ce changement (qui n’est pas le simple « réchauffement » climatique mais qui recouvre une montée des épisode extrêmes, dans le chaud comme dans le froid) est lui aussi indéniable. Que les activités humaines soient une des causes de ce changement, mais probablement pas la seule, est aussi hautement probable. Il est donc vital que l’on comprenne mieux les causes et les enjeux de ce phénomène.

Après, il est de la responsabilité des chercheurs scientifiques eux-mêmes de refuser de se laisser manipuler à des fins politiques.

[1] https://www.valeursactuelles.com/monde/discours-poutine-regarde-le-futur-de-la-russie-93596

[2] Sapir J., Les fluctuations économiques en URSS – 1941-1985, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, novembre 1989.

[3] Ecole d’Economie de Moscou au sein de l’Université de Moscou,

[4] Sapir J., ) « Culture économique, culture technologique, culture organisationnelle », in Cahiers du Monde Russe, vol. XXXVI, n°1-2, 1995, pp. 191-203.

[5] Solow, R.J. « A Contribution to the Theory of Economic Growth », in Quarterly Journal of Economics, vol. 70, no 1,‎ 1956, p. 65–94.

[6] Je rappelle ici la note que j’avais écrite le 31 mai 2013 sur le Carnet RussEurope, http://russeurope.hypotheses.org/1296

Commentaire recommandé

Bibendum // 04.03.2018 à 09h39

Le grand jury de l’ENA vient de faire le constat que les nouveaux postulants sont impersonnels, conformistes, insipides et sans saveurs, brefs de bons moutons globalistes aux dents longues.

27 réactions et commentaires

  • Claude // 04.03.2018 à 09h18

    Domaine des Écoles polytechniques fédérales

    En Suisse, l’enseignement supérieur (hautes écoles) relève largement de la compétence des entités fédérées : les cantons. Il est cependant une exception notable : les écoles polytechniques fédérales (EPF « Z et L ») qui font partie du Domaine des Écoles polytechniques fédérales (Domaine des EPF), dont le budget se rapproche de deux milliards de francs suisses.
    École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ)
    École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)

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  • Bibendum // 04.03.2018 à 09h23

    Certes, innovons, innovons, il en restera toujours quelque(s) chose(s).

    Mais cette société ensauvagée dont parle Sapir, avec ses futures générations acculturées, où l’abêtissement fait loi et l’individualisme un principe, ne participe plus d’un état nation. Au mieux elle partagera un territoire, au pire elle se le disputera

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    • Bibendum // 04.03.2018 à 09h39

      Le grand jury de l’ENA vient de faire le constat que les nouveaux postulants sont impersonnels, conformistes, insipides et sans saveurs, brefs de bons moutons globalistes aux dents longues.

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      • Bibendum // 04.03.2018 à 09h56

        Et comme le dit Sapir, entre deux lignes, marier le libéral et le libertaire, mieux que marier la carpe et le lapin, c’est la fusion d’un loup et d’un agneau. Même Areva n’en rêvait pas 🙂

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  • V_Parlier // 04.03.2018 à 09h43

    Ayant eu l’occasion, lors de mon travail, de fréquenter les « pôles de compétitivité », d’observer comment fonctionne une entreprise américaine (électronique automobile) en France, d’assister à la fermeture d’entreprises à Sofia Antipolis (délocalisation), de me faire raconter comment les grosses entreprises françaises concurrentes fonctionnent, je puis affirmer, en restant diplomate, que l’article relève plutôt du vœu pieux que de la réalité! La réalité: Un Etat pigeon qui disperse de l’argent qui finit dans les poches d’intermédiaires, dans la trésorerie des multinationales et, je l’ai vu aussi, dans celles de propriétaires de start-up bidons en conflit d’intérêt manifeste!
    Ca ne m’étonne pas: Tous les russes que je connais se font une idée complètement idéalisée de l’économie et de l’industrie technologique européenne! Quand l’entreprise est européenne ils s’imaginent que les produits sont développés et fabriqués en Europe!

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    • Sapir // 04.03.2018 à 10h07

      Vous aurez remarqué que je suis assez critique sur Sofia-Antipolis.
      Je pense qu’un pôle ne se développe pas spontanément, ni même avec une puissante aide publique. Il faut un environnement, ce que l’on appelle un « eco-système ».

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      • V_Parlier // 04.03.2018 à 10h21

        Merci pour votre réponse. Pour ce qui est de votre résumé en une phrase je suis tout à fait d’accord.

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      • Bibendum // 04.03.2018 à 10h42

        @Sapir, bonjour
        « puissante aide publique ».
        Je souris 🙂
        Comme si le public avait l’esprit d’aider, de s’entraider…
        La France a toujours été un « petit » cailloux « socialiste » dans la bote globalistes. De ce point de vu on situ ce que dit V-Parlier:

        « La réalité: Un Etat pigeon qui disperse de l’argent qui finit dans les poches d’intermédiaires, dans la trésorerie des multinationales et, je l’ai vu aussi, dans celles de propriétaires de start-up bidons en conflit d’intérêt manifeste! »

        On voudrait saboter l’État France on s’y prendrait pas autrement qu’en dilapidant « l’aide publique » 🙁

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      • René Fabri // 04.03.2018 à 13h13

        Merci pour cet article sur un sujet très important. Il faut en effet un eco-système, mais lequel. Soyons plus précis et parlons de celui d’aujourd’hui gangrené par la « corruption ».

        Je sais, c’est un grand mot qui fait peur, et que l’on n’ose pas utiliser pour la France. Pourtant, que dire quand on constate qu’il n’est plus possible d’obtenir un CDI dans une grande entreprise sans « relations » ? Les plus brillants cerveaux français se retrouvent donc obligés de choisir entre s’exiler ou vivre misérablement dans une société de services et de conseils qui est pire qu’une boite d’intérim. Les intermédiaires y prennent des pourcentages tellement démesurés que je ne vois pas d’autres mots que celui que j’ai employé plus haut.

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        • Bibendum // 04.03.2018 à 13h42

          @ R.Fabri
           » Les plus brillants cerveaux français se retrouvent donc obligés de choisir entre s’exiler ou vivre misérablement dans une société de services et de conseils qui est pire qu’une boite d’intérim. »

          En intégrant dans l’équation les cerveaux, plus ou moins brillants, issus de l’immigration et qui s’exilent ici même.

          Alors quel éco-système ? Un éco-système hors-sol façon puzzle où par endroit on usine, par endroit on dessine, par endroit on planche, mais jamais au grand jamais le tout regroupé sur un plan géographique et encore moins national.

          C’est ce que permet la dématérialisation associée à la délocalisation avec une invitation franche et sincère, merci M.Attali, au nomadisme. Il faut être mobile. Et qu’importe si il n’y a plus d’infrastructures et de grands ensembles publics pour assurer le vivre ensemble. Chacun pour soi.

          Socialisons les pertes, privations les profits, hein, les esprits bien faits trouverons leur place… seuls contre tous.

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      • Bibendum // 04.03.2018 à 16h25

        @Sapir

        Après relecture et réflexion je retiens ceci:

        « … Ce que l’on appelle un “eco-système”. »

        Éco-système mis entre guillemets, rendant un peu floue sa conception. Sinon, avant il me semble que nous disions « faire société ». Et faire société mis entre guillemets c’est rendre l’idée tout aussi floue qu’un « éco-système ».

        Mais j’y pense. Elle serait pas MISE entre parenthèses la société que nous serions tenté de faire ? Avec du sens…

        J’avoue je suis un peu à l’ouest. Si je pouvais retrouver le nord, peut-être y découvrirai-je un pôle, avec sa banquise et ses pingouins faisant société 🙂

        Ah! cette novlangue qui se superpose à la langue et ses concepts vieux de tant de siècles et si plein de sens.

        Sinon je suis d’accord, Res-publica, puis société et intérêt général, puis pôle d’activité attractifs, puis, Comme le dit Krystyna Havrot ci-dessous, quel sens donner au progrès et à l’innovation sans se maintenir dans la futilité pour ne pas dire la décadence ?!?!

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  • Frédéric // 04.03.2018 à 13h57

    Vous parlez de Sophia-Antipolis (et non Sofia-Antipolis)…

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  • Krystyna Hawrot // 04.03.2018 à 15h02

    C’est très beau l’innovation technologique mais à quoi ca sert? Si c’est à ce que chacun vive mieux et ait un travail et puisse développer ses capacités ( au lieu de faire des boulots abscons et abêtissants…) alors oui je suis preneuse. Si c’est pour développer des gadgets completement inutiles pour que des boites se sucrent sur le dos des citoyens sous forme de rente, je suis contre! C’est aussi à l’Etat de définir à ce que l’innovation serve l’intérêt général y compris dans la composante sauvegarde de l’environnement. Rappelez vous qu’on vivait tres bien en France sans portable: tous le monde avait le téléphone fixe et le minitel et tout le monde avait aussi une maison! Aujourd’hui tout le monde a un portable mais 5 millions n’ont pas de logement stable! Rappelez vous qu’au début d’internet on nous a dit que cet merveille serait gratuite! Or on paye des rentes absolument faramineuses à des oligarques comme Xavier Niel [modéré]

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    • V_Parlier // 04.03.2018 à 19h13

      Disons que les gadgets ne sont pas les causes des problèmes que vous citez mais on nous les présente souvent comme quelque chose de très important qui nous rendra intelligents et « ouvrira des opportunités etc… », au point de résoudre tout ça. C’est là que ces ritournelles deviennent agaçantes. Mais après le citoyen est libre de garder ses vieux équipements qui marchent et de se passer de certaines nouveautés. (Les raisons affichées pour jeter et changer ne tiennent souvent pas la route. Et si les gens savaient pourquoi et comment on fait pour que leurs ordinateurs « se fatiguent » après 3 ans, ils seraient probablement moins moutons).

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      • Bibendum // 04.03.2018 à 19h59

        « “ouvrira des opportunités etc…”,

        Vous ne pensiez pas si bien dire, bien qu’il y ait un zest de naïveté dans votre propos 😉

        Tout nôtre système est basé sur la promotion des idées, en aucun cas sur des idées que l’on pourrait se faire par soi même.

        « Lauréal, parce que je le vaut bien »

        C’est une injonction visant des personnes affectivement immatures, jeunes ou moins jeune. Toucher l’ego, pas l’esprit.

        À suivre

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      • Bibendum // 04.03.2018 à 20h00

        Suite

        Nos politiques ne proposent plus de débat ni de concertation. Il font preuve de pédagogie parce que eux ils savent et nous non. Pourtant, la pédagogie s’adresse à des enfants, pas à des adultes, sauf si les adultes sont des ADULESCENTS, c’est à dire des adolescents majeurs, trentenaire voire beaucoup plus, mais conditionnés pour rester des ados.

        L’adulte fait la différence entre être, avoir et savoir. Il est adulte donc il sait où sont ses besoins et pas confondre avec avoir envie de…

        L’ado n’est pas dans l’être, mais dans le paraître, pour s’identifier. Ainsi, en quête d’être il cherche à paraître par l’avoir et pour l’avoir. Mais avoir quoi ? Envie ? Besoin ? Il n’en dit rien!

        Notre société est un bac à sable et nos jouets sont un incommensurable gaspillage pour des futilités frustrantes. Et c’est la frustration permanente des ADULESCENTS, savamment entretenue, qui garanti la rente du capital.

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        • V_Parlier // 05.03.2018 à 11h39

          Exactement. Donc finalement où était le « zest de naïveté »?

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        • PierreH // 06.03.2018 à 10h31

          Je ne sais pas si c’est « savamment entretenu » (je doute) mais j’avoue qu’en ce qui me concerne vous touchez une corde sensible: j’ai de plus en plus l’impression que l’on érige en valeurs de bases et en système des conceptions et comportements intrinsèquement adolescents… C’est vrai pour l’amour par exemple: seule la partie « relation amoureuse de couple » compte dans le mariage aujourd’hui; c’est certes très important mais la famille ne se résume pas à ça, c’est une cellule éducative, d’entraide, économique même. On peut même arguer du fait que l’amour « romantique » n’est pas là forme la plus aboutie et adulte d’amour mais à en croire les productions culturelles modernes, ça n’est pas l’opinion majoritaire…
          C’est pareil pour les représentations culturelles de type « Ayn Rand » sur la réussite sociale ultra-individualiste, on a parfois l’impression d’une conception ultra-adolescente du monde avec sa mentalité qu’on a tout compris, qu’on a raison contre tous, que toute contrainte collective est abusive, que tout est du…

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    • jp // 04.03.2018 à 21h49

      oui, quand il n’y avait pas de télé portable, les gens respectaient leur RV. Maintenant sous n’importe quel prétexte, on annule, reporte ou annonce des retards avec une banalité qui me désespère. Dans les années 60 mon père commerçant était un des rares du quartier à avoir le téléphone, les gens qui avaient un vrai besoin de téléphoner venait le faire chez nous.
      Partage aussi pour la télé : il m’arrivait parfois d’aller voir une émission pour gamins le soir chez les voisins quand nous n’avions pas de télé.

      La seule innovation que je trouve réellement utile, c’est les nouvelles techniques et des matériaux de chirurgie.
      Par ex : « le nombre d’aveugles dans le monde va tripler d’ici 2050
      Il y avait 36 millions d’aveugles en 2015. Un nombre qui devrait être multiplié par trois d’ici 35 ans selon une étude. En cause : l’augmentation démographique et le vieillissement de la population. Une projection qui pourrait être revue à la baisse à condition d’investir davantage dans le développement de nouveaux traitements. »

      C’est seulement de genre de chose que je mets sous le mot innovation (j’ai récemment bénéficié d’une chirurgie très récente, de moins de 10 ans, où là l’innovation, c’est le procédé opératoire). Le reste, genre nveaux gadgets électroniques c’est pas si innovant et surtout ça ne sert à rien de vital.

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      • PierreH // 06.03.2018 à 10h34

        Ne voyez pas seulement midi à votre porte: pour le travail de recherche par exemple (j’entends recherche académique et scientifique en l’occurrence), internet est un sacré bonus, les protocoles les plus utilisés ont d’ailleurs été inventés par des scientifiques pour échanger des données.

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  • JBB // 04.03.2018 à 22h34

    A quoi ça sert l’innovation technologique? Ben juste à avoir 80 années d’espérance de vie au lieu de 50. A avoir un taux de mortalité infantile de 3 pour mille au lieu de 100. A avoir de l’eau au robinet, de la bouffe au frigo. A pouvoir parler avec ses proches quand ils sont loin. A remplacer les travaux physiques par des travaux intellectuels et du coup rendre les femmes aussi productives que les hommes ce qui permet leur émancipation…

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    • V_Parlier // 05.03.2018 à 11h43

      Hors sujet mais ça m’interpelle: Vous déclarez donc toutes les femmes inaptes au travail physique? Attention, ce n’est pas l’égalité ça, c’est un « vieux réflexe réac »…
      A part ça, tout ce que vous décrivez existe déjà et n’est présenté par personne comme innovation (surtout parce-que ce n’est pas orienté « fun »…). Il y a toujours des gens qui développent des choses utiles mais ce sont celles dont on ne parle pas, justement, ce ce n’est pas assez tape-à-l’oeil pour mériter le label « innovation » dans les médias.

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      • JBB // 05.03.2018 à 15h21

        Statistiquement un bucheron avec une hache est plus productif qu’une bucheronne. C’est pour ça que dans une famille de bucherons c’est madame qui garde les gosses et fait à manger pendant que monsieur coupe des arbres.
        Avec une tronçonneuse la différence s’amenuise, avec un tracteur robotisé elle devient nulle. De plus les métiers physiques sont beaucoup moins compatibles avec les grossesses que les métiers intellectuels.

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        • V_Parlier // 05.03.2018 à 16h11

          Les technologies employées dans ces exemples étaient de l’innovation il y a 15 ans. Tout le monde se fout éperdument de qui les a développées. Comme d’habitude, seul l’assembleur de légos se pâme dans sa gloire, tout comme le font les grosses plateformes de « machins 2.0 ».
          (PS:Je connais des féministes qui pourraient vous attaquer pour propos discriminants, bien qu’aucune d’elles ne souhaite vraiment être bucheronne).

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          • PierreH // 06.03.2018 à 10h42

            Les résultats statistiques sont des résultats statistiques. Ca n’empêche pas qu’il y ait intersection entre les populations (certaines femmes sont plus fortes que certains hommes). Ca fait partie des (finalement peu nombreuses) réalités biologiques sur la différence hommes-femmes qui sont tout à fait expliquées par des faits scientifiques (productions hormonales en particulier). Après, vous parlez peut-être « d’attaquer » au sens basique et non légal, auquel cas c’est possible. Mais dans le cas contraire il faut être rudement bête pour attaquer ce genre de réalité statistique.
            Le propose est-il de prétendre qu’il existe des neuneus parmi les féministes…? Parce que dans ce cas-là on peut conclure le débat très vite: il y a des neuneus dans toutes les communautés.

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            • V_Parlier // 06.03.2018 à 10h59

              Vous approchez du but: Il y a des neuneus paranoïaques parmi celles qui sont mises en avant par les médias (bien plus que dans le monde réel, je suppose). Là était le message. (Et de plus, je trouvais l’exemple « pro-émancipation » choisi très « dans l’air du temps » médiatique, comme choisi pour ça).

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