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3.mars.20253.3.2025 // Les Crises

Soldats nord-coréens en Russie : est-ce vraiment une réalité ?

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L’annonce de leur départ soudain la semaine dernière soulève de nombreuses questions.

Source : Responsible Statecraft, Ted Snider
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Nous ne savons toujours pas avec certitude si des troupes nord-coréennes combattent en Russie contre les forces ukrainiennes. Peut-être ne le saurons-nous jamais. Mais l’annonce soudaine de leur départ, le 30 janvier, n’a pas renforcé les arguments de l’Ukraine en faveur de leur présence.

Des informations selon lesquelles des troupes nord-coréennes auraient rejoint la Russie dans la lutte pour expulser les forces ukrainiennes de la région de Koursk sont apparues en octobre. Le département d’État américain a qualifié leur présence « d’escalade majeure de la part de la Russie. » Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a parlé d’une « escalade significative. »

Elle était suffisamment importante pour faire pencher la balance en faveur de l’autorisation accordée par l’administration Biden à l’Ukraine de tirer des missiles ATACMS de longue portée fournis par les États-Unis plus profondément en territoire russe.

Un changement aussi extraordinaire de la politique américaine devrait justifier l’exigence de preuves extraordinaires. Or, au-delà des déclarations des responsables américains, ukrainiens et sud-coréens, il n’existe toujours pas de preuve vérifiable que des troupes nord-coréennes auraient effectivement combattu en Russie.

L’affaire nécessite l’établissement d’un mobile. Les États-Unis estiment que le recrutement de troupes nord-coréennes témoigne du manque d’effectifs et du désespoir de la Russie. « C’est une indication que [Poutine] pourrait avoir plus de problèmes que la plupart des gens ne le pensent », a déclaré en octobre le secrétaire à la Défense de l’époque, Lloyd J. Austin.

Des rapports suggèrent que les Nord-Coréens ont complété les troupes à Koursk afin que Poutine n’ait pas à puiser dans les lignes de front au Donbass. Mais d’autres affirment que la Russie a pu faire venir des troupes russes de zones où les combats étaient moins intenses. « Selon des soldats ukrainiens de différentes parties du front, les troupes russes renforçant Koursk provenaient principalement de Kherson et de Zaporizhzhia », a déclaré en novembre à la BBC Yurri Clavilier, analyste terrain à l’Institut international d’études stratégiques.

Cet article indiquait que 50 000 soldats russes étaient rassemblés dans la région de Koursk, mais ne mentionnait pas la présence de Coréens parmi eux.

Or, les services de renseignement américains affirment que c’est la Corée du Nord qui a proposé à ses troupes de combattre à Koursk, peut-être, comme certains l’ont suggéré, pour acquérir de l’expérience sur le champ de bataille. Ils affirment également que Poutine « a rapidement adhéré à l’idée. »

Le Pentagone et l’OTAN ont affirmé savoir que les troupes nord-coréennes étaient des soldats très entraînés issus d’une unité d’élite appelée Storm Corps, et ont affirmé connaître leurs mouvements sur le champ de bataille. Ils ont également affirmé que les Nord-Coréens étaient déguisés en Russes, mais ils n’ont fourni aucune preuve matérielle de leur présence.

Le nombre de soldats nord-coréens présents dans la région de Koursk avant leur départ à la fin du mois dernier n’a cessé d’être gonflé, pour finalement atteindre le chiffre de 12 000. Mais à part les photos de soldats capturés que le gouvernement ukrainien affirme être des preuves, les témoins semblent rares. Le 25 novembre, le Wall Street Journal rapportait que « les autorités ukrainiennes affirment que 10 000 soldats nord-coréens ont été déployés dans la région de Koursk », avant d’ajouter « qu’aucun soldat ayant parlé au Journal ne les avait rencontrés au combat. »

Une semaine plus tard, la BBC rapportait encore que « malgré des semaines d’informations suggérant que jusqu’à 10 000 soldats nord-coréens ont été envoyés à Koursk pour se joindre à la contre-offensive russe, les soldats avec lesquels nous avons été en contact ne les ont pas encore rencontrés. »

Le 11 janvier, le président ukrainien Volodomyr Zelensky a annoncé que l’Ukraine avait capturé deux soldats nord-coréens à Koursk le 9 janvier et les avait amenés à Kiev où ils étaient interrogés. Aucun soldat nord-coréen n’avait été capturé auparavant, a expliqué Zelensky, car « les forces russes et d’autres militaires nord-coréens exécutent généralement leurs blessés pour effacer toute preuve de l’implication de la Corée du Nord dans la guerre. »

Zelensky a publié une photo de chacun des Nord-Coréens capturés, l’un affirmant, par l’intermédiaire d’interprètes, qu’il était membre de l’armée de la RPDC depuis 2021, et l’autre témoignant par écrit (sa mâchoire ayant été blessée) qu’il faisait partie d’une unité de sniper-reconnaissance depuis 2016. Une brève vidéo de l’interrogatoire a été publiée par le service de presse présidentiel ukrainien, mais les visages sont floutés, le lieu est masqué et l’authenticité de la vidéo n’a pas été vérifiée.

Anatol Lieven, directeur du programme Eurasie au Quincy Institute for Responsible Statecraft, suggère que les médias occidentaux demandent à Kiev de « produire ces prisonniers nord-coréens supposés pour que les journalistes puissent les interviewer. S’ils le font, la question sera réglée. Dans le cas contraire, cela indiquerait clairement que ces prisonniers n’existent pas. »

Quelques jours après l’annonce de la capture, les responsables ukrainiens et américains ont annoncé que les forces nord-coréennes avaient disparu.

Les médias occidentaux et ukrainiens ont parlé d’un embarras pour la Corée du Nord et la Russie. En fait, les Nord-Coréens ont dû être retirés des lignes de front parce qu’ils avaient subi de lourdes pertes. Le commandant en chef ukrainien, le général Oleksandr Syrsky, a déclaré que le nombre de soldats nord-coréens avait été réduit de moitié. Selon la BBC, Kim Jong Un a encouru « un coût extraordinairement élevé » en aidant le président russe Vladimir Poutine à repousser les forces ukrainiennes hors de Koursk, et les Russes auraient gaspillé les soldats d’élite par manque de coordination et en les « envoyant par vagues à travers des champs parsemés de mines terrestres pour être fauchés par les tirs nourris des Ukrainiens. »

Le récit de leur sortie présente également des incohérences.

Le 30 janvier, le New York Times a rapporté que, selon des responsables ukrainiens et américains, les troupes nord-coréennes « n’ont pas été vues sur le front depuis environ deux semaines. » Le lendemain, CNN a rapporté que, selon le colonel Oleksandr Kindratenko, porte-parole des forces d’opérations spéciales de l’armée ukrainienne, elles « n’ont pas été observées depuis environ trois semaines. »

Mais le 22 janvier, la BBC a cité le général Syrsky, qui a déclaré cette semaine-là que « les soldats nord-coréens posaient un problème important aux combattants ukrainiens sur la ligne de front. » Syrsky a déclaré que « 11 000 à 12 000 soldats très motivés et bien préparés [menaient] des actions offensives. » Cette semaine a commencé le 19 janvier. Mais les troupes nord-coréennes n’auraient pas été vues depuis deux ou trois semaines avant le 30 janvier, soit du 9 au 16 janvier. L’Ukraine affirme que les troupes nord-coréennes n’ont pas été vues depuis 3 à 10 jours avant cette date.

Enfin, Zelensky a affirmé que les deux soldats nord-coréens avaient été capturés le 9 janvier. Mais le 31 janvier, CNN était déjà en mesure de publier que les forces d’opérations spéciales de l’armée ukrainienne avaient déclaré qu’aucun soldat nord-coréen n’avait été vu « depuis environ trois semaines. »

Les responsables américains ont entretenu l’ambiguïté en affirmant, sans preuve, que « la décision de retirer les troupes nord-coréennes de la ligne de front n’est peut-être pas permanente. » Il est possible que les Nord-Coréens reviennent après avoir reçu un entraînement supplémentaire ou après que les Russes aient trouvé de nouvelles façons de les déployer pour éviter des pertes aussi lourdes.

Ce lapin – s’il s’agit bien d’un lapin – peut donc être sorti du chapeau à nouveau si nécessaire. Si des troupes nord-coréennes se trouvaient réellement à Koursk, et qu’elles ont vraiment été perdues et décimées, leur présence ne justifiait pas le risque d’escalade que représentait l’autorisation donnée à l’Ukraine de tirer des missiles à longue portée fournis par les États-Unis plus profondément sur le territoire russe. S’ils ne l’étaient pas vraiment, toute l’affaire n’était qu’un tour de passe-passe pour justifier cette décision.

*

Ted Snider est un chroniqueur régulier sur la politique étrangère et l’histoire des États-Unis pour Antiwar.com et The Libertarian Institute. Il contribue également fréquemment à Responsible Statecraft et à d’autres publications.

Les opinions exprimées par les auteurs sur Responsible Statecraft ne reflètent pas nécessairement celles du Quincy Institute ou de ses associés.

Source : Responsible Statecraft, Ted Snider, 05-02-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

CdeB // 03.03.2025 à 11h25

Pardon d’être un peu hors sujet en dézoomant :
Nous assistons à la création des États Unis d’Europe…
On y va tout droit en perdant un des pouvoirs qui fait de nous une nation avec une défense autonome (ce qu’il en reste certes) donc souveraine.

Voila ce qui se trame… l’accélération du démantèlement de la France et de la construction de la Technocratie Européenne.
Tout ça avec des pays culturellement et linguistiquement très différents donc autant dire qu’on va se ralentir et perdre beaucoup d’énergie dans les relations intracommunautaires donc en avoir moins pour lutter contre les USA !

Sauf pour une petite caste qui elle a plus de pouvoir.

5 réactions et commentaires

  • Patrick // 03.03.2025 à 08h48

    Un rapide coup d’oeil à une carte de la Fédération de Russie permet de voir qu’elle englobe de très vastes territoires asiatiques , jusqu’à la frontière avec la Corée du Nord.
    Donc la photo d’un soldat asiatique n’est absolument pas une preuve.

  • Savonarole // 03.03.2025 à 09h58

    Ce sur quoi est passé l’article c’est le « drama coréen » qui a suivi toute cette triste histoire avec un président qui essaye de dissoudre son congrès qui voulait pas envoyer les armes et qui finit en zonzon :).
    Enfin c’est à la mode en ce moment les « epic fails ».

  • Refuznik // 03.03.2025 à 10h28

    S’ils ont été décimés ou exécutés comme ils prétendent mais ils ne produisent aucun corps de soldats coréens.

  • CdeB // 03.03.2025 à 11h25

    Pardon d’être un peu hors sujet en dézoomant :
    Nous assistons à la création des États Unis d’Europe…
    On y va tout droit en perdant un des pouvoirs qui fait de nous une nation avec une défense autonome (ce qu’il en reste certes) donc souveraine.

    Voila ce qui se trame… l’accélération du démantèlement de la France et de la construction de la Technocratie Européenne.
    Tout ça avec des pays culturellement et linguistiquement très différents donc autant dire qu’on va se ralentir et perdre beaucoup d’énergie dans les relations intracommunautaires donc en avoir moins pour lutter contre les USA !

    Sauf pour une petite caste qui elle a plus de pouvoir.

    • CdeB // 03.03.2025 à 12h05

      Et dans cette entité européenne la division culturelle sera éternelle (sauf à perdre toutes nos cultures) ce qui conférera à cette caste de technocrates un pouvoir permanent puisque la peur ne suffira pas (qui peut sérieusement croire que la Russie qui patauge depuis deux ans dans l’Est de l’Ukraine puisse envahir la Pologne, puis l’Allemagne et enfin la France comme le sous-entend aujourd’hui notre ministre DE L’EUROPE et des affaires étrangères ?)

      Trump leur a donné ce qu’ils voulaient et son petit théâtre les a lancés.

      A nous de ne pas être dupes des vrais enjeux à moyen terme…

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