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3.décembre.20173.12.2017 // Les Crises

«Sunnites et chiites» – 4 questions à Laurence Louër, par Pascal Boniface

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Source : Blog Mediapart, Pascal Boniface, 10-11-2017

Laurence Louër est professeure associée à Sciences Po – CERI. Ancienne consultante permanente au Centre d’analyses et de prévisions du ministère des Affaires étrangères, elle répond à mes questions à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage : «Sunnites et chiites : histoire politique d’une discorde», aux éditions du Seuil.

Vous faites remonter le clivage géopolitique entre chiites et sunnites à l’année 1501, quand le chiisme devient religion d’État pour les Safavides, au sein d’un territoire qui correspond grosso modo à l’Iran. Pouvez-vous expliquer ?

La construction étatique et impériale safavide s’est effectuée en miroir de la construction ottomane. Les Ottomans étaient en effet la principale puissance musulmane de l’époque. Au moment de l’émergence de l’Empire safavide, ils avaient conquis la plupart des territoires arabes et affirmaient incarner la continuité du califat sunnite. L’objectif des Safavides, dans ce contexte, était de faire du chiisme une religion officielle, à l’image de ce qu’était le sunnisme depuis longtemps. Les deux courants de l’islam se sont donc, pour la première fois, trouvés incarnés au sein de deux États rivaux, qui se sont d’ailleurs affrontés dans plusieurs guerres au sud de l’Irak actuel.

C’est à partir des Safavides que le chiisme s’est trouvé étroitement associé à l’Iran, où il n’a pratiquement jamais cessé d’être la religion d’État et y est devenu une véritable religion nationale. Par ailleurs, les Safavides ainsi que les autres dynasties iraniennes, y compris les Pahlavis au XXe siècle, ont toujours utilisé le chiisme comme relais de leur influence à l’extérieur de leurs frontières, notamment en finançant les institutions religieuses chiites.

Cette ligne de fracture entre Ottomans et Safavides continue d’influencer la géopolitique régionale aujourd’hui, notamment dans la zone du Golfe persique. Ainsi, c’est parce que l’État-nation irakien a été édifié sur cette ligne de fracture que le clivage entre sunnites et chiites y est si difficile à surmonter. Jusqu’en 2003, les gouvernements irakiens successifs, dominés par des Arabes sunnites pourtant minoritaires, ont considéré les chiites comme des Iraniens ou affidés de l’Iran, ennemi héréditaire, cherchant à empiéter sur le territoire national. La rivalité entre l’Irak et l’Iran, qui se sont affrontés entre 1980 et 1988 dans l’une des guerres les plus meurtrières de la seconde moitié du XXe siècle, peut se lire comme l’un des effets à long terme de cette vieille fracture.

L’antagonisme actuel entre l’Arabie saoudite et l’Iran perpétue également cette fracture. Ces deux États se présentent chacun comme les défenseurs d’un « vrai islam » : sunnite wahhabite pour l’Arabie saoudite ; chiite pour l’Iran. Dans les deux cas, la religion est une idéologie d’État qui légitime le pouvoir, à la fois en interne et en externe.

C’est le roi Abdallah de Jordanie qui, le premier, a parlé de « croissant chiite ».

La formule du roi Abdallah de Jordanie a connu un tel succès qu’elle est parfois devenue un véritable paradigme d’analyse des reconfigurations de la géopolitique régionale, après le changement de régime en Irak en 2003, qui a porté les chiites au pouvoir. Elle pointait le fait que la chute de Saddam Hussein avait levé l’un des principaux verrous à l’expansion des réseaux d’influence iraniens dans le monde arabe. Les Iraniens, alliés à la Syrie depuis le début des années 1980 et très présents au Liban par l’intermédiaire du Hezbollah, pouvaient désormais établir une continuité géographique chiite, du Liban à l’Irak, sans compter leur influence au sein des importantes communautés chiites au Koweït, au Bahreïn et même en Arabie saoudite.

Or, parce que cette formule synthétise les différents préjugés des sunnites envers les chiites, perçus essentiellement comme des relais de l’influence iranienne, elle occulte l’hétérogénéité religieuse, ethnique et politique de ces derniers. Ainsi, le modèle politique iranien, République dirigée par un clerc, est une ligne de faille religieuse et politique : la plupart des grands savants religieux chiites considèrent que ce modèle n’est pas valide sur le plan religieux et certains mouvements islamistes chiites, notamment ceux présents dans les monarchies du Golfe, critiquent l’ambition hégémonique iranienne.

Par ailleurs, certaines communautés que l’on qualifie de « chiites » n’ont qu’un lointain rapport avec le chiisme duodécimain (qui reconnaît une lignée de douze Imams), aujourd’hui très largement majoritaire au point de constituer une forme d’orthodoxie. Ainsi en est-il des alaouites dont sont issus les dirigeants de la Syrie depuis les années 1960 et que la plupart des savants religieux chiites duodécimains ne considèrent pas comme des musulmans. Quant aux zaydites du Yémen, bien qu’ils soient historiquement rattachés au chiisme depuis le XVIIIe siècle, ils se sont rapprochés du sunnisme au point que nombre de leaders islamistes sunnites yéménites (Frères musulmans et salafistes) sont en fait nés dans des familles zaydites. L’alliance avec l’Iran de la milice zaydite houthiste (du nom de la famille de clercs zaydite qui l’a formée et la dirige), dictée par des considérations d’opportunité politique alors même que des divergences doctrinales importantes persistent, pourrait inverser cette tendance et « re-chiitiser », au moins partiellement, le zaydisme. Très probablement, cela diviserait la population zaydite entre « sunnisants » et « chiisants ».

Vous expliquez qu’en Irak les sunnites sont apparus au moment où la réalité confessionnelle chiite a été ancrée au sein d’un pouvoir d’État. Pouvez-vous développer ?

En Irak, comme dans d’autres pays de la région, les sunnites, y compris lorsqu’ils sont minoritaires sur le plan démographique, se représentent comme majoritaires, car ils projettent leur identité religieuse au sein d’un espace géographique bien plus large que celui des États-nations, dans lequel ils incarnent en effet la norme dominante. En outre, même lorsqu’ils sont minoritaires démographiquement, ils sont le plus souvent dominants politiquement : cela a été le cas en Irak jusqu’en 2003, et au Bahreïn jusqu’à aujourd’hui. L’Iran est la seule exception à cette règle, où les Safavides sont parvenus à reléguer les sunnites dans des zones périphériques sur le plan géographique et politique.

Dès lors, ce n’est en effet que lorsqu’ils sont confrontés à une domination politique chiite directe, ou à sa menace, qu’ils se perçoivent comme sunnites et non plus simplement comme musulmans. Pour autant, malgré certaines tentatives, ils ont toutes les difficultés à se structurer en communauté minoritaire. Il semble qu’il y ait fondamentalement quelque chose qui résiste à la communautarisation, sans doute cette difficulté à accepter que, dans certains contextes, ils n’incarnent pas la norme dominante.

Dans le cas irakien, cette difficulté a été redoublée par la politique identitaire du régime de Saddam Hussein, qui consistait à mettre sous le boisseau les identités confessionnelles. Il ne mettait pas en avant une identité religieuse sunnite, mais se présentait comme le représentant des vrais Irakiens – implicitement les sunnites arabes – par opposition aux étrangers — implicitement les chiites et les kurdes. L’une des valeurs politiques dominantes était le refus du communautarisme, qui était dépeint comme une attitude typique des chiites. Dans ce contexte, les sunnites irakiens ne s’étaient pas dotés de puissantes institutions religieuses susceptibles de construire, représenter et mobiliser leur identité confessionnelle.

Qu’est-ce qui pourrait rendre stratégiquement moins opératoire ce clivage ?

Deux facteurs pourraient atténuer la conflictualité politique liée au clivage entre sunnites et chiites :

  • Le premier serait que le gouvernement irakien accepte d’être autre chose que le bras armé de la revanche des chiites et incorpore, en position satisfaisante, les sunnites dans les institutions politiques. Il s’agit donc de donner à la transition irakienne une toute autre direction que celle qu’elle a prise.
  • Le second serait un apaisement de la guerre froide entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui passerait par des négociations directes entre les élites politiques des deux pays à propos d’un partage des zones d’influence dans la région. Des signes indiquent que le prince héritier saoudien, Mohammed bin Salman, n’y est pas hostile et, qu’en tout cas, il ne s’agit pas pour lui d’une question d’idéologie religieuse. D’une manière générale, il faut se rappeler que les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran n’ont pas toujours été si mauvaises, comme en témoignent les années 1990. Si la rivalité persiste, elle n’empêche pas le dialogue et les échanges.

S’il se poursuivait, le rapprochement de l’Arabie saoudite avec l’Irak tout au long de l’année 2017 pourrait marquer un premier pas dans le bon sens. D’une part, il permettrait peut-être aux Saoudiens, qui ont de nombreux relais notamment dans les tribus sunnites d’Irak, de peser positivement dans des négociations qui permettraient de faire une vraie place aux sunnites dans ce pays. D’autre part, il pourrait définir les modalités d’un dialogue avec les Iraniens.

Source : Blog Mediapart, Pascal Boniface, 10-11-2017

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Perret // 03.12.2017 à 09h30

Intéressant et, finalement, très plan-plan. Curieux tout de même de ne pas signaler que, pendant la guerre Iran-Irak, les chiites irakiens ont été irakiens et les sunnites iraniens ont été iraniens avant toute considération religieuse. D’ailleurs les chrétiens irakiens et les chrétiens iraniens ont fait tout pareil : totalement fidèles à leur pays. Et même si très peu nombreux, il est utile de souligner que les juifs irakiens et les juifs iraniens ont été eux aussi fidèles à leur pays.
Finalement, ils se sont comportés comme les catholiques français face aux catholiques allemands pendants les deux guerres mondiales, idem pour les protestants et les juifs.
Cela ne signifie-t-il pas que, sans intervention extérieure (services anglo-saxons et bédouins suintant le pétrole) les différentes formes d’islam coexistent et tolèrent les autres religions dans les limites des Etats ? Que la condition de coexistance paisible des religions est l’Etat-nation ? Que le jour où l’Arabie sera un Etat-nation et non une entreprise familiale, les religions y coexisteront harmonieusement ?

34 réactions et commentaires

  • patrickluder // 03.12.2017 à 06h09

    Juste un question : Laurence Louër connaît-elle la situation IN SITU (sur le terrain) ?
    Ou toute sa connaissance ne provient que de papier ?

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  • J // 03.12.2017 à 08h03

    On risque de ne pas comprendre grand-chose si on se limite au côté politique, si on ne voit pas l’aspect à la fois religieux et émotionnel voire sentimental (extrêmement fort). Pour mieux comprendre, et depuis le début (« fitna » de 656-661, voire désignation à la va-vite du tout premier « calife », littéralement « successeur » de Mahomet en 632) http://bouquinsblog.blog4ever.com/sunnites-chiites-pourquoi-ils-s-entretuent-martine-gozlan

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    • Surya // 03.12.2017 à 13h55

      et la bataille de kerbala avec la décapitation de al hussein alors ?

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      • J // 03.12.2017 à 21h09

        Elle fait partie de ce que j’ai dit, c’est même le plus important pour les chiites.

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  • Christian Gedeon // 03.12.2017 à 09h01

    Une analyse apparement logique,bien cartésienne,à part que cette partie du monde est tout sauf cartésienne.par ailleurs,petit détail historique ,ce sont les Fatimides qui ont ete le premier empire chiite et pas les Safavides. Saladin considérait que son premier devoir était d’éradiquer le califat Fatimide du Caire,ce qui fut fait. Et l’auteur fait complètement fi du fait que le substrat ethnique et culturel des monde iranien et arabe sont fondamentalement différents.

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    • Le modéré // 04.12.2017 à 10h45

      Le mécontentement des partisans d’Ali envers la désignation d’un autre Calife, est la cause efficiente de l’émergence du chiisme, s’ajoute- à partir de cette négation du Califat- d’autres interprétations doctrinales qui ne laissent aucune place à un dialogue entre les antagonistes, divergences qui sont créées par des hommes en contradiction avec le livre Saint qui appellent les fidéles  » à ne pas prendre d’autres voies susceptibles de vous dévier de Sa Voie »

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  • Laurent Fournier // 03.12.2017 à 09h13

    Moi aussi j’ai quatre questions:

    1) En quoi la « resistance » a la « communautarisation » est-elle une « difficulte »???

    2) En quoi « mettre sous le boisseau » les « identites confessionelles », tout en favorisant « implicitement » une communaute, pose-t-il un probleme en Irak, alors que c’est exactement la politique que les politiciens et gouvernants de tous bords defendent en France?

    3) Enfin, la region est en train de finir d’achever l’etat islamique. Pas un mot sur cet evenement geopolitique, suffisament important en tout cas pour remettre en question tous les calculs des strateges occidentaux, qui avaient mise gros sur cette aventure.

    4) Et finalement, apres cette virevoltee d’erudition, les citoyens veulent maintenant savoir: Sarkozy, Juppe, Hollande, Fabius, Macron… Ils sont quoi dans tout ca, Chiites ou Sunnites? Dites-nous toute la verite, Laurence Louer, nous sauront l’affronter!!!

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    • J // 03.12.2017 à 10h12

      L’Iran est devenu aussi, très officiellement et également de facto, république donc état islamique. Le fossé sunnites-chiites est profond mais pas insurmontable, à en juger par son alliance durable avec le Hamas, émanation des Frères Musulmans donc on ne peut plus sunnite. Pragmatisme peut rimer avec fanatisme.

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      • Fritz // 03.12.2017 à 12h54

        Et aussi avec rhumatisme, tant que vous y êtes. Sans nier le fond de ce que vous dites, j’en ai un peu assez de cette accusation de fanatisme lancée à la tête des Musulmans. Et je me souviens que ce mot de fanatisme avait été utilisé contre les Camisards par « la France toute catholique de Louis le Grand » (Bayle), avant d’être repris par le délicieux Voltaire.
        https://www.livresanciens.eu/shop/anciens/18082.html
         » Le Fanatisme renouvelé, ou histoire des sacrilèges, des incendies, des meurtres et des autres attentats que les Calvinistes révoltés ont commis dans les Cévennes… »

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  • calal // 03.12.2017 à 09h22

    Grosso merdo,si j’ai bien compris ce que j’ai lu par ailleurs,les musulmans sunnites seraient utilises par les occidentaux comme homme de paille pour ceinturer la russie et la chine puis faire eclater leur homogeneite « nationale ». illustration cas des ouighurs chinois et de certains tchechenes .

    Poutine a compris le truc et avec les chinois ont stoppe le truc. Ils vont rendre coup pour coup en soutenant les musulmans chiites iraniens.

    on va voir comment ca va continuer: guerre froide occident/ russie chine avec guerre chaude sur le continentt africain moyen orient? Les blancs et les jaunes seront ils satisfaits de voir les bruns et les noirs se massacrer entre eux? Pardon, la planete nous dira t elle merci si une baisse demographique avait lieu en afrique et au moyen orient?

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    • Laurent Fournier // 03.12.2017 à 10h38

      Sauf que, sauf que…
      – Les Kurdes, soutenus par les US (jusqu’a hier) sont a grande majorite sunnites (et un peu chiites et Yazidi);
      – Les Turcs, que l’OTAN essaye a tout prix de maintenir dans l’alliance, sont sunnites mais depuis le coup d’etat manque, profitent de la situation pour jouer sur les deux tableaux;
      – Les Musulman russes sont presque tous sunnites (y compris Kadyrov qui voulait intervenir en Syrie);

      Bref, je suis d’accord avec Perret, Isidore Ducasse, etc. Cette histoire de Chiites versus Sunnites, qui parait « simple » au grand public parce qu’on l’interprete implicitement a la lumiere des guerres et massacres europeens sur fond de division Catholiques versus Protestants, ne joue pas grand role dans les guerres au Moyen-Orient.

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      • filibert // 04.12.2017 à 18h08

        « lumiere des guerres et massacres europeens sur fond de division Catholiques versus Protestants », Comparaison pas si folle . La France de Louis XIV est catholique , religion du Roi,
        les protestants sont soutenus par les ennemis de l’époque : anglais , hollandais . Quand au Saint Empire Romain Germanique si l’Empereur est catholique les princes allemands sont devenus protestants pour manifester leur opposition à l’Empereur.
        Quand à la division sunnite ou chiite au coeur de l’Islam elle n’est pas une vue d’occidental. Au liban il y a des villages où chiites et sunnites cotoient les chrétiens mais pas de villages où chiites et sunnites cohabitent .

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        • ceusette // 05.12.2017 à 16h56

          Dans le même temps, la ligue d’Augsbourg formée en 1686 contre la France de Louis XIV était composée de puissances protestantes (Suède, Angleterre, etc.) et catholiques (Espagne, Savoie…).

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    • Pegaz // 03.12.2017 à 11h21

      @calal

      Une guerre démographique sous faux drapeaux ! Guerre préventive ou humanitaire ? Déjà que ces deux dernières dénominations/alibis ont vérolé les buts et principes de La Charte des Nations-Unies, on n’en est plus à cela près dans l’ignominie. Certains pourraient même considérer ceci comme une nouvelle forme de dommage collatéral, excessif certes, mais moralement non contraignant ! Une mise en pratique d’une forme de malthusianisme !

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  • Perret // 03.12.2017 à 09h30

    Intéressant et, finalement, très plan-plan. Curieux tout de même de ne pas signaler que, pendant la guerre Iran-Irak, les chiites irakiens ont été irakiens et les sunnites iraniens ont été iraniens avant toute considération religieuse. D’ailleurs les chrétiens irakiens et les chrétiens iraniens ont fait tout pareil : totalement fidèles à leur pays. Et même si très peu nombreux, il est utile de souligner que les juifs irakiens et les juifs iraniens ont été eux aussi fidèles à leur pays.
    Finalement, ils se sont comportés comme les catholiques français face aux catholiques allemands pendants les deux guerres mondiales, idem pour les protestants et les juifs.
    Cela ne signifie-t-il pas que, sans intervention extérieure (services anglo-saxons et bédouins suintant le pétrole) les différentes formes d’islam coexistent et tolèrent les autres religions dans les limites des Etats ? Que la condition de coexistance paisible des religions est l’Etat-nation ? Que le jour où l’Arabie sera un Etat-nation et non une entreprise familiale, les religions y coexisteront harmonieusement ?

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    • Fritz // 03.12.2017 à 10h59

      D’accord avec vous. Le loyalisme iranien des Arabes sunnites du Khouzistan , et aussi celui des Chiites irakiens, avait été remarqué durant la première guerre du Golfe, je veux dire la guerre Iran-Irak (1980-1988) qui est d’ailleurs la seule à mériter vraiment ce surnom.

      D’autre part, il faut noter que le baasisme de Saddam Hussein se revendiquait de la Nation arabe, l’Irak étant considéré comme une « province » par le parti Baas. Cela dit, Hussein a évolué vers un patriotisme irakien face aux malheurs qui ont accablé son pays.

      A noter que durant la guerre Iran-Irak, les médias iraniens avaient surnommé Saddam Hussein « Saddam Yazid », du nom du calife qui avait fait décapiter Hussein (martyr du chiisme), fils d’Ali.

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    • de passage // 04.12.2017 à 08h25

      Propos intéréssants, mais à nuancer toutefois: d’après l’ouvrage de Pierre Razoux sur la guerre Iran-Irak, il y avait un certain nombre de chiites irakiens qui ont trouvé refuge en Iran pendant la guerre, sans parler des opposants au régime de Khomeiny (notamment les moudjahiddines) qui ont combattu militairement l’armée iranienne.

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    • Pinouille // 04.12.2017 à 13h41

      « Cela ne signifie-t-il pas que, sans intervention extérieure […] les différentes formes d’islam coexistent et tolèrent les autres religions dans les limites des Etats ? »
      C’est un thème assez répandu: sans l’intervention dévastatrice de l’occident, le reste du monde vivrait dans la paix et l’harmonie (Je force un peu le trait).
      Cette vision des choses me paraît un chouia angélique. Le reportage « les guerres cachées contre Daesh » https://www.youtube.com/watch?v=zHaTD4K5Wz0 montre bien l’imbroglio d’intérêts locaux antagonistes qui s’affrontent dans cette partie du monde. Les religions ou les frontières sont des leviers qui permettent à certains de mener leurs combats. Et quand on voit le nombre de factions prêtes à en découdre, on peut être sûr que les conflits vont perdurer encore quelques décennies dans cette partie du monde. Pas besoin de l’occident pour cela.

      Et les kurdes ne se contenteront pas des limites de l’Etat qu’on leur a imposé, ils voudront le leur.

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  • isidor ducasse // 03.12.2017 à 09h30

    Patrickluder,

    http://www.sciencespo.fr/ceri/fr/cerispire-user/7182/0, purée puisque c’est une spécialiste !

    Il est possible d’expliquer aux Chinois la première guerre mondiale en Europe comme une volonté d’influence religieuse.

    En tout cas ce texte ne m’aide pas beaucoup à comprendre la situation au moyen-orient puisqu’il n’est jamais question du rôle des US et de leur appétit vorace pour la domination du monde et de ses richesses. Depuis la fin de la guerre froide, c’est bien les US, qui font la guerre quand ils veulent et à qui ils veulent.
    Après il y a des experts pour vous expliquer que ceci, que cela.

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  • J // 03.12.2017 à 10h16

    Pour info : « La guerre sainte signifie la conquête des territoires non musulmans. Il se peut qu’elle soit déclarée après la formation d’un gouvernement islamique digne de ce nom, sous la direction de l’Imam ou sur son ordre. Il sera alors du devoir de tout homme majeur et valide de se porter volontaire dans cette guerre de conquête dont le but final est de faire régner la loi coranique d’un bout à l’autre de la Terre. Mais que le monde entier sache bien que la suprématie universelle de l’Islam diffère considérablement de l’hégémonie des autres conquérants. Il faut donc que le gouvernement islamique soit d’abord créé sous l’autorité de l’Imam afin qu’il puisse entreprendre cette conquête qui se distinguera des autres guerres de conquête injustes et tyranniques faisant abstraction des principes moraux et civilisateurs de l’Islam » (Ayatollah Ruollah Khomeiny, http://bouquinsblog.blog4ever.com/livre-vert-ayatollah-ruollah-khomeiny )

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  • Albert Charles // 03.12.2017 à 10h49

    Je retiens de cet entretien, et uniquement de lui, que les religions (et leurs sous-productions spirituelles) sont essentiellement des outils manipulés par les Etats, Royautés ou autres Chefferies locales ou ethniques dans leurs stratégies politiques (et territoriales) respectives. Ce dont on pouvait se douter. Il en fut de même, autre exemple, de l’idéologie communiste manipulée à toutes les sauces possibles (locales, nationales impériales, etc) par les Etats prétendus communistes : conflits Chine-URSS, Chine-Vietnam, Vietnam-Khmers Rouges, etc. Idem pour l’idéologie libérale. L’Occident n’a pas fait moins cruel que le monde musulman lors des massacres entre Catholiques et Protestants, manipulés par les pouvoirs royaux en phase de constitutions nationales en Europe.Il ne faudrait donc pas que nos regards se focalisent sur le seul doigt qui nous montre bien autre chose.

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  • Pegaz // 03.12.2017 à 12h23

    A la question de l’interview : Qu’est-ce qui pourrait rendre stratégiquement moins opératoire ce clivage ?
    « La politique occidentale poursuit une ligne « sunnites contre chiites* » sur le plan intérieur, et une vision « monde islamique contre monde occidental » sur un plan plus large. Il s’agit d’une approche fantaisiste : tous les gouvernements des pays musulmans sont dans l’orbite des puissances occidentales à l’exception de l’Iran, qui tente de normaliser ses relations avec les États-Unis. »
    Georges Corm 22/07/2015 – Des conflits géopolitiques sous couvert de religion
    http://www.elcorreo.eu.org/Georges-Corm-Des-conflits-geopolitiques-sous-couvert-de-religion

    * Sunnites contre chiites en Syrie. Chiites contre sunnites en Irak.

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  • Michel Bergès // 03.12.2017 à 13h21

    La religion est politique. La politique est aussi religion. Le cas évoqué ici le démontre. Mais avant tout, le débat reste lié à une partie de la théologie islamique. Iran et Arabie luttent pour la légitimation absolue autour des reliques et des lieux saints de l’Islam. Au-delà de la seule « géopolitique » régionale…

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    • Malbrough // 04.12.2017 à 08h15

      Absolument !
      Et si l’on veut simplifier , l’Iran ,chiite , c’est la Perse et l’Arabie saoudite , sunnite ,ce sont les arabes .
      Et fondamentalement , historiquement il y a des antagonismes politiques irréductibles qui se traduisent pas le schisme de l’Islam .

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  • Mohammed Ali // 03.12.2017 à 14h27

    Ce qui oppose essentiellement, les iraniens aux Saoudiens ne peut en aucun cas être réduit à un conflit religieux car il s’agit fondamentalement d’un antagonisme idéologique dans le sens éminemment politique du terme. Les dirigeants iraniens se montrent, en effet, à la fois, farouchement attachés à leur souveraineté nationale et hostile à la domination occidentale dans la région ( deux points sur lesquels ils convergent stratégiquement avec les dirigeants syriens et le Hezbollah libanais ) alors que les Saoudiens ne sont rien d’autres que les outils des américains dans cette même région. le vieux contentieux entre chiites et sunnites ( remontant au 7è siècle ) s’était calmé depuis tés longtemps et ce sont bien les saoudiens ( confrontés à un très grave déficit de légitimité politique ) qui l’ont délibérément et artificiellement rallumé dans l’espoir de créer, aux yeux des musulmans sunnites, un ennemi imaginaire de substitution de nature à détourner les regards loin de leurs propres turpitudes et de la nature absolument abominable de leur régime. Toute autre analyse de la situation régionale qui ignorerait cette dimension absolument capitale du problème passerait à coté de l’essentiel et elle est donc sans intérêt

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    • Seraphim // 04.12.2017 à 16h27

      An fond c’est très simple: il y a des sunnites et des chiites, avec des divergences, des théologies spécifiques, une origine commune et des oppositions etc… Entendu! Cela n’explique pas l’ « alliance » entre sunnites qu’on nous sert comme évidente, donnée d’emblée. Les sunnites ne sont pas dans une fusion sentimentale ou politique acquise d’avance. Leur « alliance » est construite, organisée, financée, et suscitée par des intérêts communs soudain, inhabituels, fondés sur un changement de situation: la guerre. C’est la guerre américaine qui crée l’alliance, et non l’inverse

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  • vinel // 03.12.2017 à 18h17

    compte tenu de l’influence majeure et incontournable des religieux tant pour les sunnites que les chiites sur la politique de l’Arabie S que de l’Iran,la position des politiques est secondaire.
    La solution passe donc par eux et les oulémas.
    Quand les communautés des fidèles de part et d’autre auront été « briffés »(par ceux la mêmes) pour dire stop au conflits sanglants et dire non à leurs leaders religieux(ce ne sont pas eux ni leurs familles qui sont touchés pat les agressions sanglantes),les perspectives de paix seront plausibles.
    En effet ,l’écrasement complet de l’un ou l’autre n’est une solution ni possible ni définitive.

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  • Le modéré // 04.12.2017 à 00h37

    Ce dualisme n’a vraiment aucune raison d’exister si on se référe aux textes coraniques. Le prophète Mahomet -lui même- n’a laissé derrière lui aucune discordance dans la religion. Aprés sa mort, plusieurs tendances ont apparu soit à des doctes (qui ont institué les quatre rites) soit au chiisme mécontent que le Califat n’ait été pas accordé à Ali , gendre du prohéte et cousin. La fracture s’est consommée avec l’assassinat de ses deux fils Hassan et Houssein à Karbalaa en Irak dont le lieu demeure jusqu’à nos jours le lieu de pèlerinage de plusieurs Chites pour commémorer le drame.
    Grosso modo, la divergence entre les musulmans ne devait pas prendre une telle ampleur et opposer les fidèles d’une même religion pour des faits qui ont eu lieu depuis plus de mille ans dont aucun des présents n’en est responsable.

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  • thmos // 04.12.2017 à 11h14

    Cette planète Iran qu’on aime tant imaginer pour continuer à détester cet inconnu … Fais moi peur : Publicis propage la propagande saoudienne comme si il s’agissait d’un contrat ordinaire pour une marque de yaourts… Les français sont tenus désinformés d’une guerre clandestine engagée contre l’Iran de 1980 à 2015.( Macron semble néanmoins vouloir faire oublier Fabius … ). Dépeindre MBS comme un espoir d’ouverture ( voir aussi l’édito de Fog ds le Point… Publireportage Waabitisant …) après son petit vietnam perso perpétré au Yemen, après l’embargo du Qatar après sa purge interne partiellement sanglante, annonce le pire. Combien de français le Hezbollah aurait tué à comparer avec son ennemi Daesh ?

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  • Bouddha Vert // 04.12.2017 à 11h40

    Ce dualisme ressemble, à mon sens, à l’un des nombreux moteurs qui font l’identité culturelle des populations.
    Il est le moteur des expressions les plus heureuses et les plus ouvertes comme celui des fermetures et des convictions.
    Comme d’habitude, ce seront la répartition des pouvoirs et des richesses (croissantes ou décroissantes?) qui donneront la saveur à la vie sur des espaces finis et dans un temps infini.
    Rien de trivial!

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  • Koui // 04.12.2017 à 22h16

    Il me semble que l’une des facette de cet antagonisme AS / Iran est l’acceptation du pluralisme religieux. Bien sur l’Iran n’est pas laïque, il n’accepte pas que des musulmans deviennent bahais ou athée par exemple, mais il admet l’existence des sunnites ou des chrétiens. L’Arabie et ses suiveurs n’admettent même pas l’existence de courants sunnites différents du leur. La défaite de l’Arabie me paraît indispensable a la liberté religieuse en terre d’islam.

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  • Ztong // 04.12.2017 à 23h22

    Je croyais que le chiisme datait de 750 env. Il suscitait déjà des conflits récurrents du temps des croisades en 1090, conflits dont les croisés ont opportunément profité d’ailleurs…

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