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TikTok : le projet de loi ne règlera pas les problèmes de la société américaine

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Mais il exacerbera inutilement les tensions entre les États-Unis et la Chine, qui sont déjà bien proches d’un conflit.

Source : Responsible Statecraft, Jake Werner
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Les tous récents efforts de Washington pour interdire TikTok illustrent le profond décalage qui existe quant à la façon de penser la Chine.

Le Protecting Americans from Foreign Adversary Controlled Applications Act (loi sur la protection des Américains contre les applications contrôlées par des adversaires étrangers), projet de loi qui progresse rapidement au Congrès et qui vise à exclure TikTok, ne répond pas aux préoccupations fondamentales que de nombreux Américains partagent concernant les applications de médias sociaux comme TikTok, telles que le respect de l’anonymat et la protection des données personnelles, le ciblage des enfants, ou la nature addictive des médias sociaux.

Tout effort visant à relever ces défis réels – qui exitent pour tous les réseaux, et pas seulement pour ceux qui sont détenus par des étrangers – nécessiterait une législation globale en matière de protection de la vie privée sur l’internet qui s’appliquerait à toutes les plateformes de médias sociaux. Une telle approche permettrait non seulement de s’attaquer aux vrais problèmes, mais aussi de résoudre les problèmes de sécurité liés à TikTok sans pointer du doigt la Chine d’une manière qui exacerbe les niveaux déjà alarmants d’hostilité et de xénophobie qui caractérisent les relations entre les deux pays les plus puissants du monde.

Au lieu de cela, cette initiative donne à l’exécutif le pouvoir de restreindre les activités des entreprises dans l’ensemble du secteur des technologies de l’information si un actionnaire minoritaire ou un groupe de propriétaires détenant ne serait-ce qu’un cinquième des actions était originaires d’une « nation rivale ». Plutôt que de fournir au public des preuves du préjudice que TikTok, et d’autres cibles, causent à la sécurité américaine, les partisans du projet de loi se contentent de signaler le risque théorique que le gouvernement chinois puisse faire pression sur une compagnie pour qu’elle agisse comme il le souhaite.

Et plutôt que de démontrer qu’il y aurait un quelconque contrôle du gouvernement chinois sur TikTok, le projet de loi se contente d’écarter la charge de la preuve. La législation définit « contrôlé par un adversaire étranger » comme rien de plus qu’une entreprise domiciliée dans l’un des quatre pays que Donald Trump a désignés comme ennemis des États-Unis deux jours avant de quitter ses fonctions. Cette définition renforce la thèse alarmante – de plus en plus institutionnalisée au travers des lois et des décisions politiques – voulant que tous les Chinois soient des agents du gouvernement chinois.

Bien que la législation exige de l’exécutif qu’il prenne une décision relevant de la sécurité nationale pour toute cible autre que TikTok (qui est désignée d’office), elle laisse une grande latitude pour des usages abusifs sur fond de panique nationale quand il s’agit d’influence étrangère.

En outre, il s’agit d’un nouvel exemple du refus des dirigeants américains de faire la distinction entre les actions chinoises qui sont préjudiciables aux intérêts américains et celles qui sont anodines, voire même bénéfiques. Si tout et chacun à l’intérieur des frontières chinoises est par définition sous le contrôle d’un « adversaire étranger », tout ce que font les Chinois, qu’il s’agisse de personnes, d’entreprises ou d’agences, constitue nécessairement un risque pour la sécurité nationale.

La question de savoir comment les États-Unis et la Chine pourraient coexister ou travailler ensemble au nom d’intérêts communs est de fait déclarée irrecevable et une conclusion simple s’impose : le seul moyen d’assurer la sécurité de l’Amérique est d’exclure la Chine de toute activité américaine. La campagne d’expropriation de TikTok ne sera certes pas à l’origine d’un conflit potentiellement catastrophique entre les deux pays, mais elle met en évidence les insécurités, les hypothèses erronées et les perceptions exagérées de la menace qui entraînent actuellement les États Unis dans cette direction.

Les préjudices potentiels vont au-delà des relations entre les États-Unis et la Chine. Dans la mesure où le projet de loi a été examiné de près — il a été adopté par la Commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des représentants par 50 voix contre 0 — il convient de noter que rien n’a été dit sur la façon dont de telles mesures pourraient accélérer le morcellemnt du marché mondial des technologies de l’information et de la communication, ni sur les conséquences que cela aurait pour les entreprises américaines, les relations avec les pays alliés, les consommateurs américains et tout autre intérêt important..

Pousser plus loin la désintégration des marchés mondiaux pourrait avoir des effets délétères tant au niveau international qu’au niveau national, notamment sous la forme de représailles en interdisant l’utilisation de logiciels et de technologies de communication américains dans des pays étrangers, ce qui pourrait alors accélérer la division du monde entre des sphères de technologies de l’information rivales protégées par de « grands pare-feux ».Certes, la réaction habituelle qui consiste à dire que « c’est la Chine qui a commencé » est certainement fondée, mais elle élude la question de savoir comment résoudre le problème au lieu de l’aggraver. Elle démontre également une fois de plus que les États-Unis sont en train de se remodeler sous les traits d’un gouvernement autoritaire tel ceux qu’ils ne cessent de dénoncer..

À un niveau plus avancé, l’accumulation de mesures de ce type désavoue petit à petit toute aspiration à un système mondial ouvert à tous. Ceux qui cherchent à transformer une économie mondiale ouverte en un champ de bataille excluant et de plus en plus militarisé entre grandes puissances devraient présenter leurs arguments en public plutôt que de nous emmener tranquillement dans cette direction inquiétante.

Compte tenu des risques considérables posés par une confrontation entre les États-Unis et la Chine – qu’il s’agisse d’une intensification de la guerre commerciale ou d’un conflit concernant Taïwan -, les décideurs politiques devraient faire leur maximum pour s’appuyer sur les efforts de l’administration Biden consistant à consolider les relations par un engagement constructif, tout en gérant les différends réels qui existent entre les deux pays par le dialogue et la négociation.

Les graves problèmes sociaux auxquels sont confrontés les États-Unis sont liés de manière complexe à la Chine. La recherche d’une fausse unité par le biais de l’exclusion d’une puissance étrangère ne permet pas d’y faire face, mais les occulte tout en poussant vers un conflit géopolitique qui les aggraverait encore davantage.

*

Jake Werner est directeur intérimaire du programme Asie de l’Est à l’Institut Quincy. Auparavant, il a été chercheur postdoctorat spécialiste de la Chine au Global Development Policy Center de l’université de Boston, chercheur Harper-Schmidt à l’université de Chicago. Il a bénéficié d’une bourse Fulbright à l’université nationale Chiao Tung à Taïwan et d’une bourse Fulbright-Hays à l’université normale de Chine de l’Est à Shanghaï. Il est titulaire d’un doctorat en histoire de l’université de Chicago.

Source : Responsible Statecraft, Jake Werner, 08-03-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

RGT // 03.04.2024 à 11h41

Connaissez-vous la paille et la poutre ?

Certes, la Chine n’est pas un parangon de respect de la vie privée, mais connaissez-vous UN SEUL PAYS dont les dirigeants soient VRAIMENT respectueux de la vie privée des simples citoyens ?

Et dans la course au barbouzage de l’ENSEMBLE de la population mondiale et du soutien à des applications de plus en plus intrusives permettant (officiellement ou pas) les USA ont commencé largement avant toutes les autres nations, et de loin.

Pour les plus jeunes, renseignez-vous sur le « Jam Echelon Day » qui avait eu lieu le 21 octobre 1999 qui avait ciblé le système Echelon, un système d’espionnage massif de courriels et de communications électroniques, téléphoniques et autres…

J’avais moi-même participé à cet événement en balançant de nombreux mails contenant des données chiffrées et pourries avec les mots clés déclenchant l’éveil de l’intérêt de ce système de barbouzage de masse. Les serveurs de la NSA avaient planté et il avait fallu une semaine pour les redémarrer.

Et depuis, il y a eu de nombreuses « collaborations » entre les géants de l’industrie du logiciel et du Web, favorisées par la loi qui impose à TOUTE société US de fournir des informations précises au gouvernement concernant n’importe quel citoyen de toute la planète, même sur des serveurs n’appartenant pas à une société US et situés à l’étranger à partir du moment où une société US détient une seule action ou qu’elle utilise une technologie « US ».

Et il n’y a pas que Fesse-bouc, Google qui sont actifs dans ce domaine. Cette « obligation » a « forcé » ces entreprises à installer des systèmes d’aspiration de données dont elles ont allègrement profité en utilisant ces dispositifs dans leur avantage personnel..

Même les utilisateurs des OS et applications Micro$oft voient leurs données personnelles (ou d’entreprise) siphonnées à leur insu.
Si vous lisez attentivement les conditions d’utilisation de Winbouze (surtout 11) vous constaterez que pour débloquer l’OS vous serez contraint d’accepter que vos données personnelles peuvent être utilisées sans votre consentement et à votre insu.

Finalement, les chinois ne font qu’appliquer les règles que les USA ont mis en place il y a plus de 25 ans et personnellement je suis moins inquiet pour ma sécurité personnelle des actions des barbouzes chinois que de celles des « alliés » du « camp du bien » car malgré toutes les affirmations de « nos » autorités ce sont bel et bien les infos récupérées par « nos dirigeants bienveillants » qui nous causeront le plus de tort, particulièrement si nous ne sommes pas d’accord avec leurs « Divines Visions » (cf gilets jaunes et autres manifestations qui remettent en question « l’ordre établi »).

Les chinois, les russes, les coréens du nord ou les burkinabés n’ont pas la possibilité d’intervenir directement sur notre vie personnelle et de nous embastiller, ne l’oubliez jamais.

Par contre les dirigeants du « camp du Bien » ne se gênent surtout pas.

« Pour notre bien ».

8 réactions et commentaires

  • Auguste Vannier // 03.04.2024 à 09h30

    « les décideurs politiques devraient faire leur maximum pour s’appuyer sur les efforts de l’administration Biden consistant à consolider les relations par un engagement constructif, »
    Désolé, mais à partir des informations dont je dispose non seulement je n’ai pas connaissance de ces efforts, mais j’ai plutôt observé l’inverse: l’administration Biden (comme les autres d’ailleurs) n’a fait que poursuivre une politique agressive et provocatrice vis à vis de la Chine (comme du reste vis à vis de tous les pays qui contestent les « règles »édictées unilatéralement par Washington).

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  • RGT // 03.04.2024 à 11h41

    Connaissez-vous la paille et la poutre ?

    Certes, la Chine n’est pas un parangon de respect de la vie privée, mais connaissez-vous UN SEUL PAYS dont les dirigeants soient VRAIMENT respectueux de la vie privée des simples citoyens ?

    Et dans la course au barbouzage de l’ENSEMBLE de la population mondiale et du soutien à des applications de plus en plus intrusives permettant (officiellement ou pas) les USA ont commencé largement avant toutes les autres nations, et de loin.

    Pour les plus jeunes, renseignez-vous sur le « Jam Echelon Day » qui avait eu lieu le 21 octobre 1999 qui avait ciblé le système Echelon, un système d’espionnage massif de courriels et de communications électroniques, téléphoniques et autres…

    J’avais moi-même participé à cet événement en balançant de nombreux mails contenant des données chiffrées et pourries avec les mots clés déclenchant l’éveil de l’intérêt de ce système de barbouzage de masse. Les serveurs de la NSA avaient planté et il avait fallu une semaine pour les redémarrer.

    Et depuis, il y a eu de nombreuses « collaborations » entre les géants de l’industrie du logiciel et du Web, favorisées par la loi qui impose à TOUTE société US de fournir des informations précises au gouvernement concernant n’importe quel citoyen de toute la planète, même sur des serveurs n’appartenant pas à une société US et situés à l’étranger à partir du moment où une société US détient une seule action ou qu’elle utilise une technologie « US ».

    Et il n’y a pas que Fesse-bouc, Google qui sont actifs dans ce domaine. Cette « obligation » a « forcé » ces entreprises à installer des systèmes d’aspiration de données dont elles ont allègrement profité en utilisant ces dispositifs dans leur avantage personnel..

    Même les utilisateurs des OS et applications Micro$oft voient leurs données personnelles (ou d’entreprise) siphonnées à leur insu.
    Si vous lisez attentivement les conditions d’utilisation de Winbouze (surtout 11) vous constaterez que pour débloquer l’OS vous serez contraint d’accepter que vos données personnelles peuvent être utilisées sans votre consentement et à votre insu.

    Finalement, les chinois ne font qu’appliquer les règles que les USA ont mis en place il y a plus de 25 ans et personnellement je suis moins inquiet pour ma sécurité personnelle des actions des barbouzes chinois que de celles des « alliés » du « camp du bien » car malgré toutes les affirmations de « nos » autorités ce sont bel et bien les infos récupérées par « nos dirigeants bienveillants » qui nous causeront le plus de tort, particulièrement si nous ne sommes pas d’accord avec leurs « Divines Visions » (cf gilets jaunes et autres manifestations qui remettent en question « l’ordre établi »).

    Les chinois, les russes, les coréens du nord ou les burkinabés n’ont pas la possibilité d’intervenir directement sur notre vie personnelle et de nous embastiller, ne l’oubliez jamais.

    Par contre les dirigeants du « camp du Bien » ne se gênent surtout pas.

    « Pour notre bien ».

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  • Catherine // 03.04.2024 à 12h33

    « Ne répond pas aux préoccupations fondamentales que de nombreux Américains partagent […], telles que le respect de l’anonymat et la protection des données personnelles, le ciblage des enfants, ou la nature addictive des médias sociaux. »
    N’y aurait-il pas AUSSI une volonté de rester économiquement en monopole étatsunien sur le marché de ce pays ? En conséquence, tout cela, ne serait peut-être qu’une autre façon de faire sortir du marché de leur pays, un concurrent majeur (plus de la moitié de la population l’utilise) ?
    Avez-vous regardez l’audition de l’actuel président (et non réellement « patron » car ce n’est pas lui qui a créé l’entreprise ou en est le propriétaire. Il me semble que ce mot le regroupe dans notre esprit.) de ce réseau, au Congrès en mars dernier ? Certaines questiions me semblent surprenantes.
    https://www.numerama.com/politique/1313308-tiktok-bientot-interdit-aux-etats-unis-on-vous-resume-la-situation-du-reseau-social.html

      +1

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    • Catherine // 05.04.2024 à 12h27

      Sur le nombre de personnes l’utilisant aux Etats-Unis, c’est PRESQUE la moitié de la population et NON, PLUS de la moitié. Je me suis trompée. La population, en 2023, est estimée à environ 340 millions.

        +0

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  • DVA // 03.04.2024 à 12h35

    Sic…les États-Unis, qui appliquent le droit international lorsqu’il fonctionne et l’abandonnent lorsqu’il ne fonctionne pas…après avoir essayer de voler les avoirs russes ( ce qui les discréditent aux yeux des BRICS et de leurs futurs adhérents!) essayent de voler ou de démolir ( Nord Stream) ce qui marche chez leur(s) concurrent(s) TickTok…Voient un génocide chez les uns et mais rien chez l’autre qui risque de provoquer une guerre régionale…Nous sommes bien dans la mouise avec un ‘ partenaire’ comme celui-là !

      +7

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  • Savonarole // 03.04.2024 à 14h09

    L’article a raison sur au moins une de ses perspéctive : celle de l’interdiction d’usage des logiciels Americains. Ainsi, la Chine a récement banni l’utilisation de Windows dans ses administrations. Pour raisons de sécurité ce qui est parfaitement justifiable au vu des vulnerabilités parfois historiques de ces OS.
    Par contre le « ban » de TikTok est d’une autre nature. Ici c’est pas le contenant qui est en cause mais l’impossibilité de « modérer » le contenu. Cette appli ne posait aucun problèmes quand il s’agissait de montrer « l’operation militaire spéciale » dans ses atours les moins glorieux … mais quand il s’est passé exactement la même chose avec le comportement de l’IDF à Gaza, TikTok est devenu la plateforme à abattre pour le congrès. Aux vues de la moyenne d’age de l’institution, on se doute qu’ils ne sont pas des utilisateurs de la plateforme en question, donc ils font comme d’abitude : ce qu’on leur dit.
    Tocqueville avait raison : « le suffrage universel ne me fait pas peur ; les gens voteront comme on leur dira » … Le cher Marquis a malencontreusement oublié de préciser qui est le « on ». C’est ballot !

      +6

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    • Hiro Masamune // 03.04.2024 à 23h01

      Il a aussi omis de préciser qui étaient « les gens » qui votaient. Deux omissions … necessaires ?
      Le propos n’en reste pas moins factuel.

        +2

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  • yannos // 04.04.2024 à 03h54

    la France souffre de tiktok, instagram, facebook. Ces société étrangères accumulent des informations sur notre pays sa population et ne les utilisent pas à notre avantage, c’est certain.
    Par ailleurs instagram et facebook (j’en oublie certainement mais je ne suis pas fan de ce genre de choses) reproduisent les mêmes outils addictifs et malsain, je veux parler des vidéos courtes non stop.
    Ce qui est certain c est que ces 3 sociétés ont une trop grande influence sur les français et sont en position d’influencer les lois, élections, les marchés publics et les carrières.
    On pourrait en dire autant de microsoft, apple, x et ainsi de suite

      +5

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