Les Crises Les Crises
8.novembre.20158.11.2015 // Les Crises

[Traduction exclusive] Le rapport sur le MH17 indique des tentatives pour camoufler les causes du sinistre par le Guardian

Merci 0
J'envoie

Source : The Guardian, le 13/10/2015

Le rapport hollandais affirme que le missile a été tiré depuis une zone d’Ukraine tenue par les rebelles, projetant des centaines de fragments de métal dans le corps du commandant de bord et du copilote

Reconstruction des restes du Malaysian Airlines MH17 – vidéo accélérée

Le rapport si longtemps attendu sur l’attentat du vol MH17 suggère que des tentatives de dissimuler les causes du désastre ont eu lieu, dont le déplacement du site du crash de parties de l’avion montrant les dégâts importants venant du missile Buk.

Les enquêteurs hollandais ont dit mardi que les trois pilotes ont été tués instantanément, après que le missile Buk de fabrication russe a explosé à un mètre de leur cockpit. L’explosion a projeté des centaines de fragments du missile dans l’avion avec une « puissance phénoménale », dit le rapport de la commission de sécurité hollandais.

Mais les enquêteurs ont refusé de désigner le coupable ayant abattu l’avion, et n’ont fait qu’indiquer que la fusée a été tirée depuis une zone de 320 kilomètres carrés dans l’est de l’Ukraine. Une enquête judiciaire supplémentaire étant nécessaire pour préciser le site du tir.

Mais en parlant à des journalistes hollandais à La Haye, dans le couloir du parlement, le président du conseil de sécurité, Tjibbe Joursta, a ensuite admis que le missile a été tiré depuis une zone contrôlée par les rebelles.

Il a déclaré au journal Volkskrant : « Les lignes ont bougé un peu, mais c’est une zone sous contrôle des rebelles pro-russes. »

Et il a ajouté : « Si vous voulez vraiment trouver le lieu précis, vous devrez faire des examens de sol et examiner les témoignages. Ce n’est pas de notre compétence. »

Le rapport du conseil de sécurité hollandais stipule que plus de 120 objets, « majoritairement des fragments métalliques », ont été trouvés dans le corps du commandant de bord, qui a aussi subi de « multiples fractures ». Les experts hollandais ont réalisé des examens internes et externes sur le corps du commandant de bord et en ont retiré des « centaines de fragments métalliques ». Ils ont aussi observé des fractures et autres blessures.

Parmi les fragments de missiles examinés, deux étaient en forme de nœud papillon, que le conseil hollandais pense être caractéristique d’un certain type d’ogive de missile Buk. Par ailleurs, le constructeur russe a ensuite rejeté que de tels fragments aient été trouvés, et insisté sur le fait qu’un ancien modèle de Buk ait été utilisé, ce modèle n’étant plus utilisé par les forces armées russes.

Le Boeing 777 a été abattu le 17 juillet 2014 au-dessus d’une zone contrôlée par les rebelles soutenus par la Russie, qui ont refusé pendant plusieurs jours de laisser accès au site du crash. Les 298 personnes à bord ont toutes péri.

Animation montrant le missile Buk russe frappant le vol Malaysia Airlines MH17.

Le rapport note que « certaines parties de l’avion et du fuselage » photographiées immédiatement après le crash ont disparu. « Des instruments de mesure » du cockpit ont aussi disparu. D’autres débris, filmés par les enquêteurs et montrant des trous et de la suie, ont aussi disparu le temps qu’ils les prennent en charge.

Le conseil de sécurité hollandais a mené une enquête internationale de 15 mois dans le cadre de ce crash. Ce mardi a été révélé la partie avant de l’avion reconstituée dans un hangar de la base aérienne de Gilze-Rijen, dans le sud des Pays-Bas. C’était une vision fantomatique. A l’intérieur étaient disposés les deux fauteuils défoncés où les pilotes étaient assis.

Le pare-brise gauche de l’avion a été perforé et présente des trous. Le métal froissé du sol présente lui de larges creux. De l’extérieur, l’impact dévastateur du missile Buk était visible : des entailles dispersées, juste au-dessous du côté gauche de la cabine de pilotage. Le métal a sectionné l’avion en diagonale, ressortant du côté inférieur droit.

Le côté droit de l’avion était presque intact. Cinq hublots de la classe affaires se voyaient encore au-dessus de la bande rouge et bleu du logo de la Malaysia Airlines. La porte d’entrée des passagers existait toujours. De manière poignante, les instructions d’ouverture d’urgence étaient intactes.

Prenant la parole devant l’avion reconstitué, Joustra a dit que le MH17 volait à 33 000 pieds, un vol de routine vers l’Asie, quand une ogive 9N314M l’a frappé. L’ogive était portée par un missile 9M28, tiré depuis un lance-missile sol-air Buk de construction russe. Joustra a éliminé les autres scénarios qui pourraient expliquer le désastre.

Une animation vidéo a montré le moment où le Buk frappe le côté gauche du cockpit. Les micros embarqués ont enregistré l’instant de l’impact. Ces moyens d’investigation servent à reconstituer l’explosion dévastatrice survenue sur le côté supérieur droit du cockpit.

Les familles des passagers réagissent aux découvertes de l’enquête hollandaise

Selon Joustra, l’avion s’est brisé en plein vol. La cabine de pilotage et le plancher de la cabine de la classe affaires se sont arrachés presque instantanément de la carlingue et se sont écrasés. Le reste de l’avion a continué de voler sur environ cinq milles en direction de l’est, atteignant le sol environ une minute à une minute et demie plus tard. Les débris sont étalés sur environ 50 km carrés (19 milles carrés).

Le rapport dit que quelques passagers « souffraient de sérieuses blessures qui ont probablement provoqué leur mort ». Les autres ont perdu conscience dans un temps très court « . Il dit aussi : « On ne peut exclure que quelques occupants aient pu rester conscients quelque temps pendant la minute-minute et demie avant l’écrasement. » Aucune photo ou message n’ont été trouvés qui pouvaient relater la scène.

Plus tôt mardi, Joustra a rendu à La Haye son rapport aux familles des victimes. Le rapport admet que les membres des familles ont dû attendre « pendant une durée inutilement longue » pour avoir la confirmation formelle que leurs proches étaient décédés. Les autorités hollandaises « ont failli dans la gestion et la coordination », a-t-il ajouté.

Les deux tiers des victimes sont de nationalité hollandaise, les autres viennent de neuf autres pays incluant la Malaisie et l’Australie. Dix sujets britanniques ont été tués. Claudio Villaca-Vanetta, dont le mari Glenn Thomas, de Blackpool, est mort à bord du MH17, a dit : « Nous avons eu quelques réponses à ce que nous cherchions aujourd’hui, mais pas toutes, et de loin. »

« Nous sommes sûrs maintenant que Malaysia Airlines était autorisée à voler là-bas, et nous savons maintenant que l’Ukraine a pris une mauvaise décision en laissant l’espace aérien ouvert, et que les vols commerciaux seraient en sécurité en élevant simplement la hauteur de survol. Nous savons que c’est un type de missile seulement fabriqué en Russie.

« Naturellement, ceci ne nous dit pas qui l’a fait, qui en est responsable. C’est ce que nous cherchons à savoir maintenant. »

David Cameron a salué le rapport, en ajoutant que « ceux qui sont responsables de la chute de cet avion devront rendre des comptes. » Le premier ministre hollandais, Mark Rutte, a exhorté la Russie à coopérer à l’enquête. « La priorité maintenant est de trouver et poursuivre ceux qui sont responsables. « Le vice-ministre des affaires étrangères, Sergei Ryabkov, a cependant qualifié le rapport de « biaisé ».

La direction de l’enquête avait précédemment précisé que ces découvertes ne devraient pas être destinées à blâmer quiconque ni d’établir des responsabilités. Une enquête criminelle menée par le bureau du procureur hollandais est prévue et donnera ses conclusions en 2016.

Mardi dernier, Joustra a dit que le missile Buk avait été tiré depuis une zone située à l’est de l’Ukraine, qui est depuis avril 2014 le théâtre de combats entre des séparatistes pro Russes soutenus par Moscou et les forces gouvernementales ukrainiennes.

Les Pays Bas, l’Ukraine et la Russie ont effectué leurs propres simulations sur la trajectoire probable du missile. La Russie était le seul des sept pays impliqués dans la préparation du rapport à contredire ses principales conclusions, a affirmé Joustra, ajoutant que Moscou pensait « qu’il est impossible de déterminer le type de missile ou d’ogive avec certitude. »

Il est largement admis que les séparatistes soutenus par la Russie ont abattu le vol MH17, mais les États-Unis se sont gardés d’accuser Moscou directement. Le Kremlin a accusé Kiev, suggérant qu’un avion militaire ukrainien a abattu le Boeing 777 – une hypothèse que le rapport dément – ou que le missile ait été tiré depuis une zone tenue par les forces gouvernementales.

La simulation russe comprend les zones sous le contrôle du gouvernement ukrainien. Les autres simulations suggèrent que le Buk a été tiré du territoire séparatiste. Une enquête open-source faite par le site web Bellingcat, publiée la semaine dernière, estime que le lance-missile provient d’une base militaire russe à Kursk. Il aurait alors passé la frontière ukrainienne clandestinement, et été ramené en Russie après le lancement du missile Buk.

A Moscou, le fabricant du système de missiles Buk, Almaz-Antey, a tenu une conférence de presse mardi matin, apparemment destinée à détourner l’attention du rapport hollandais. Le fabricant a dit avoir réalisé deux expériences qui prouvaient qu’un missile de sa fabrication ne pourrait pas avoir été tiré d’une zone contrôlée par les séparatistes pro Russes.

En attendant, Joustra a dit que c’était une réponse trop simple et « décourageante » à la question : Pourquoi le vol MH17 a-t-il été autorisé à survoler l’est de l’Ukraine ? Personne n’a dit que l’espace aérien n’était pas sûr pour des avions civils à leur altitude de croisière, a-t-il dit. Ceci en dépit du fait que 16 avions et hélicoptères ukrainiens ont été abattus depuis le début du conflit russo-ukrainien.

Près de 160 avions civils volaient au-dessus de la région le jour du désastre. Ils étaient à « proximité immédiate » quand le Buk a été tiré, a affirmé Joustra. L’Ukraine aurait dû fermer son espace aérien au trafic civil, a-t-il ajouté.

Sur le site du crash laissé sans surveillance les jours suivant le désastre, les journalistes et les combattants rebelles pouvaient errer librement sur le terrain. De nombreux rapports ont signalé des pillages et des falsifications, bien que les autorités rebelles les nient farouchement.

La mission de nettoyage a été compliquée par la proximité du site du crash avec la ligne de front, les rebelles s’y opposant quelquefois délibérément.

Alors que les services d’urgence locaux accomplissaient leur tâche macabre en nettoyant dans des conditions difficiles, il y avait peu de coordination ou entente entre eux. De temps en temps, des corps et des objets étaient lancés dans des véhicules sans marque. Quelques jours après le crash, le Premier ministre australien, Tony Abbott, a affirmé « qu’il y avait eu falsification évidente à une échelle industrielle. »

Les boîtes noires furent elles aussi l’objet d’intrigues, avec les Services Secrets de l’Ukraine qui diffusèrent des enregistrements audio censés montrer des dirigeants rebelles coordonnant un groupe de recherche des boîtes noires, et exigeant qu’une fois trouvées elles soient gardées au secret, car Moscou voulait les examiner en premier.

Les autorités de Donesk ont nié l’authenticité des enregistrements. Les boîtes noires ont été remises à une délégation malaisienne par des dirigeants rebelles quatre jours après le crash.

Source : The Guardian, le 13/10/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications