Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 17-04-2017
On parle toujours de « frappes » pour qualifier les bombardements que les pays occidentaux n’ont cessé de multiplier, un peu partout, depuis la fin de la Guerre froide, mais on continue à dire « bombardements » lorsque la Russie et ses alliés ont l’arrogance de faire de même… Pour le coup, c’est bien une « frappe » contre une base aérienne syrienne que le président américain Donald Trump a ordonné dans la nuit du 6 au vendredi 7 avril dernier. Cette décision, qui marque un spectaculaire revirement de la communication trumpienne, intervient deux jours après un « événement » chimique survenu dans la localité de Khan Cheikhoun, aussitôt imputé à l’armée syrienne. A l’aune de cette précipitation de l’homme le plus puissant de la planète qui tweet plus vite que son ombre, prochetmoyen-orient.ch vous propose cette semaine un Editorient à quatre mains, celles de Richard Labévière puis de Guillaume Berlat
La rédaction
TRUMP : LA PETITE FRAPPE-TWEET !
De sources militaires autorisées, nous pouvons confirmer que Washington a bien averti Moscou du choix de sa cible syrienne et du créneau horaire de son opération. Les militaires russes auraient alors aussitôt affranchi leurs alliés syriens ayant pu ainsi évacuer l’essentiel de leurs matériels et de leurs personnels. Vu le résultat de l’opération, les experts ajoutent que « la tête des 59 missiles engagés ont, sans doute, été allégées afin de restreindre leurs effets destructeurs ». Autrement dit, cette frappe-tweet relève davantage du simulacre et de la communication. Sur le fond de la guerre civilo-syrienne et du sort des populations civiles, elle ne change rien et ne règle rien. Son objectif est ailleurs…
Ailleurs : cet enchaînement d’événements précipités nous conduit à proposer six remarques. La plus immédiate, la première tombe sous le sens : vérité et signification des faits ? Dès l’annonce de « l’attaque chimique », nous avons consulté les meilleurs spécialistes français des armes chimiques, notamment plusieurs officiers supérieurs qui enseignent à l’Ecole de guerre. Constat unanime : trop tôt, trop vite, trop affirmatif pour conclure à une attaque aérienne délibérée à l’arme chimique ou au bombardement d’un site abritant des stocks de composants chimiques. En cette matière, la procédure la plus rationnelle consiste à saisir les experts de l’OIAC (Organisation de l’interdiction des armes chimique)1, afin que celle-ci ouvre une enquête et remette ses conclusions au Conseil de sécurité des Nations unies. Ensuite, il revient à l’instance exécutive de l’ONU de décider s’il faut ou non recourir à l’article VII de la Charte des Nations unies pour autoriser ou non l’usage de la force. Par conséquent, notre premier constat est sans appel : la frappe-tweet du président des Etats-Unis est parfaitement illégale au regard du droit international, comme il est tout aussi hallucinant de voir la Grande Bretagne et la France – toutes deux membres permanents du Conseil de sécurité – cautionner et applaudir ce bombardement-ingérence.
Notre deuxième remarque relève davantage de la phénoménologie qui caractérise et oriente l’air du temps. Monsieur Trump nous dit qu’il a pris sa décision de bombarder une base syrienne après avoir été bouleversé par les images qu’il a pu voir… La belle affaire ! Voilà qui n’est pas très rassurant d’apprendre que l’homme le plus puissant de la planète prend ses décisions en fonction d’images qu’il voit ou ne voit pas ! Rappelons seulement ce constat imparable de Guy Debord, dressé dans son maître-livre La Société du spectacle2 : « L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir… C’est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout ». Dans cette logique, s’il n’y pas d’image, il n’y a pas d’action, d’où la toute puissance des images ! A l’heure de la post-vérité, on met le pied dans toutes sortes de machineries, de simulacres, sinon de propagande.
Dans le genre « rien appris, rien oublié », Isabelle Lasserre du Figaro en remet une louche3 : « en août 1995, un obus de trop tiré par les forces serbes contre le marché de Markale à Sarajevo avait fait basculer la guerre de Bosnie ». L’auteur de ces lignes était sur place. Comme plusieurs confrères, il était alors arrivé aux mêmes conclusions qu’un rapport de l’ONU aussitôt enterré : le tir n’était pas serbe mais provenait bien d’une position bosniaque. Triomphe de la société du spectacle : les milices bosniaques ciblaient délibérément leur propre population sur le marché de Markale – pour la deuxième fois – afin de faire « basculer » la communauté internationale de leur côté. Les précédents ne manquent pas, du « massacre » des enfants de Timisoara à l’enchaînement médiatisé des mensonges d’Etat sur les armes de destruction massive irakiennes et les liens inventés entre Saddam Hussein et Oussama Ben Laden. Effectivement : rien appris, rien oublié !
Troisième constat : la frappe-tweet de Donald Trump répond à une logique de Shérif. Celle-ci commande elle-même trois postures obligées : montrer ses « biscotos » – on est quand même la première puissance du monde, ne l’oubliez-pas ! – ; on agit seul de manière unilatérale et sans concertation avec personne ; enfin, on se dit prêt à recommencer ! Dans tous ces cas de figures de démonstration virile – destinée à flatter une base électorale qui attend et redemande ce genre de postures -, il s’agit de renouer avec un langage de force. Et sur ce point, il se pourrait bien que les commentateurs se soient largement fourvoyés : l’Amérique de Trump n’est pas isolationniste comme on le pense ! Elle veut incarner à nouveau l’hyperpuissance mondiale des années Reagan : l’Amérique est de retour et Trump veut montrer qu’il fait ce qu’Obama n’a pas eu le courage de faire en septembre 2013, après un « événement » chimique survenue dans la Ghouta (banlieue de Damas), également attribué à l’armée syrienne, même si depuis, plusieurs rapports des Nations unies l’ont contesté… Malheureusement, ce come-back hollywoodien ne va pas réellement dans le sens d’une amélioration des choses, sinon d’un règlement de la guerre civilo-globale de Syrie. En effet, en quoi la frappe-tweet de Trump améliore-t-elle la situation de la population syrienne ? Il est à craindre qu’on s’achemine vers le même type de scénario en Corée du Nord !
Quatrième constat : et après ? Les rebelles salafos-jihadistes sont très contents et applaudissent des deux mains appelant de leurs vœux ces bombardements depuis plusieurs années. Ce n’est pas une surprise et l’on pourra relire avec le plus grand profit l’opuscule remarquable d’Arundhati Roy – Oussama Ben Laden, secret de famille de l’Amérique4 – dans lequel l’écrivaine indienne nous rappelle comment et pourquoi les Etats-Unis ont joué et continuent de jouer la carte de l’Islam radical afin de promouvoir leurs intérêts économiques dans le monde depuis la signature avec l’Arabie saoudite du Pacte du Quincy (13 février 1945). En effet, Washington a toujours favorisé le développement et l’expansion du wahhabisme et de l’idéologie des Frères musulmans – les deux matrices idéologiques du terrorisme islamiste contemporain -, alliés essentiels du redéploiement des intérêts américains, non seulement aux Proche et Moyen-Orient, mais aussi en Asie, en Afrique, ainsi qu’en Europe. Washington continue à vouloir la destruction des régimes qui ne leur sont pas favorables !
Cinquième constant : le résultat de la frappe-tweet est bien de créer les conditions préoccupantes d’une escalade avec la Russie qui ne pourra pas ne pas réagir. Vladimir Poutine, qui a tellement investi dans le nouveau glacis russe au Proche-Orient, a aussitôt fait interrompre la coordination militaire qui prévalait jusqu’à maintenant entre planificateurs américains et russes concernant les opérations engagées en Syrie ! Moscou a également rappelé que l’aéroport ciblé était celui qui servait à monter les opérations les plus décisives contre l’organisation « Etat islamique » et que c’est en décollant de sa piste que les avions syriens avaient pu appuyer la reprise du site historique de Palmyre. A l’évidence, Washington ne veut pas s’entendre avec Moscou sur les priorités et les modes d’action de la lutte anti-terroriste. Bien au contraire, le dernier attentat commis à Saint-Pétersbourg renforcera la détermination de Moscou à éradiquer le terrorisme jihadiste en Syrie, pour éviter qu’il ne contamine de nouveau l’ensemble du Caucase. Les intérêts de Moscou et de Washington sont, depuis le départ, parfaitement contradictoires et, si ce n’est déjà le cas, pourraient générer une nouvelle Guerre froide toute aussi dangereuse que la précédente.
Et pour faire bonne mesure, Trump a affirmé s’être adressé « à toutes les nations civilisées pour stopper le massacre en Syrie… » Dans le genre « civilisé », le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou en a profité pour se réjouir de la frappe-tweet, estimant qu’elle constitue un bon avertissement à l’Iran… Vieille petite musique des deux mandats de Georges W. Bush : le bien contre le mal, la civilisation contre la barbarie, ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous ! Totalement inadaptée à la complexité du monde, cette dualité puérile n’a pas atténué la menace terroriste : elle l’a confortée, aggravée et installée au cœur même des mécanismes de la mondialisation économique et stratégique5.
Enfin, sixième constat : la petite frappe-tweet de Donald Trump remet l’Amérique dans les tendances lourdes de son immuable logique : la fabrique d’un ennemi garant de la reproduction de ses intérêts. Le 11 novembre 2016, prochetmoyen-orient.ch écrivait : Trump, tout changer pour que rien ne change ! La frappe-tweet de Trump rompt avec l’une des intentions de campagne du nouveau président des Etats-Unis : tendre la main à la Russie de Poutine ! A l’époque cette orientation avait fait aussitôt chuter la bourse et flipper nombre de cadres du complexe militaro-industriel américain, parce qu’après l’effondrement du bloc soviétique, la fabrication d’un nouvel ennemi double – le terrorisme et la Russie de Poutine – garantit des millions d’emplois et des milliards d’investissements et de profits.
« Nous assistons à la néo-militarisation de l’économie et à la privatisation du warfare auxquelles donne lieu l’économie de guerre à durée indéfinie de la Guerre froide. C’est la clé de ‘la puissance pour le long terme’ : Private business must run the Cold War’s business. Et pour parler encore la langue des vainqueurs qui n’écrivent pas l’histoire sans donner aussi leurs intitulés à de nouvelles ‘sciences’ : pas de logistique du business(business logistics) sans le business de la logistique, de la militarisation intensive de la société de contrôle par la consommation »6. En effet, il était inconcevable pour beaucoup de milieux d’affaires américains que Donald Trump puisse tendre la main à Vladimir Poutine. Au-delà de toutes considérations politiques et morales, la pérennisation du vieil ennemi russe reste une nécessité absolue de la poursuite des affaires. Par conséquent, on ne peut parler normalement avec Moscou au risque de désespérer Wall Street, la City et les lobbies de Bruxelles.
Enfin et pour ne pas conclure : comment ne pas songer à la dernière bavure très meurtrière de Mossoul, aux victimes collatérales des drones américains qui confondent fêtes de mariage et rassemblements terroristes ? Comment ne pas brandir aussi les autres centaines de victimes innocentes d’un Yémen bombardé tous les jours par la chasse saoudienne avec l’aide des radars, des drones et du ravitaillement américains ? Les images sont-elles parvenues au président Trump tellement émotif qu’il en oublie de se rappeler ce qu’a pu faire l’armée de son pays en tuant des femmes et des enfants : au Chili, en Argentine, en Colombie, à la Grenade, à Panama-City, à Belgrade, en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, en Libye et ailleurs ?
Dans ce contexte d’une frappe-tweet désastreuse, comment aussi ne pas être admiratif de ce qu’essaient de faire les Nations unies et son courageux représentant spécial à Genève Staffan de Mistura ? Oui, et n’en déplaise aux journalistes pressés et/ou ignorants, l’ONU cherche une sortie de crise en Syrie, assumant ainsi le travail diplomatique le plus difficile du monde pour mettre fin à un conflit civilo-global dont dépend l’instauration d’un nouveau Yalta – qui conditionnera les relations internationales pour les prochaines décennies. Oui, merci à vous Staffan de Mistura et à votre équipe, grand merci et soyez assurés du soutien des êtres libres qui connaissent bien la Syrie et le fonctionnement des Nations unies !
On ne saurait refermer ces lignes sans adresser un coup de chapeau à nos confrères de La Stampa – ils nous changent des chiens de garde de la presse parisienne – qui, au lendemain de l’ « événement » chimique de Khan Cheikhoun ont osé poser la bonne question : dans le contexte actuel qui leur est particulièrement favorable, pourquoi les autorités syriennes auraient-elles eu recours – maintenant – à l’arme chimique ? Pourquoi les responsables syriens auraient-ils délibérément fragilisé leurs dernières reconquêtes territoriales et les avancées diplomatiques d’Astana et de Genève ? Autrement dit, à qui profite ce dernier « événement » chimique ? On peut douter que ce soit au gouvernement syrien !
Richard Labévière
ARMES CHIMIQUES : LA RENGAINE DES GRANDS PRINCIPES
« Appuyez-vous toujours sur les principes, ils finiront bien par céder » (Talleyrand). Un retour sur le présent s’impose, d’abord, pour mieux juger de la pertinence de cette maxime du maître incontesté de la diplomatie à la lumière des faits, dans le cas d’espèce l’attaque chimique attribuée au régime de Damas et des représailles militaires américaines. Il importe, ensuite, de s’attarder sur les réactions dans le monde, et plus spécialement en France. Il convient, par ailleurs, d’apprécier cette affaire au regard du droit international. Il faut, enfin, s’interroger sur les conséquences stratégiques éventuelles de ces frappes américaines.
LES FAITS : ATTAQUE ET CONTRE-ATTAQUE
Donald Trump décide, dans la nuit de jeudi 6 à vendredi 7 avril 2017, de lancer une opération militaire en Syrie. Cinquante-neuf missiles tirés depuis deux navires détruisent une base aérienne syrienne, en réponse à l’attaque chimique du 4 avril attribuée au régime de Damas7. Washington justifie ses frappes pêle-mêle par « l’intérêt vital de la sécurité nationale » ; la nécessité de ne pas « rester aveugle » ; le « manquement par Moscou de ses responsabilités en Syrie » ; les « actes odieux du régime syrien » ; « l’affront à l’humanité » qu’est la mort d’innocents ; les preuves que détiendraient les Services américains et occidentaux que l’armée syrienne est responsable de l’attaque chimique de Khan Cheikhoun ; la limitation de la capacité syrienne à utiliser des armes chimiques…8. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Il est intéressant d’analyser les réactions qu’elles ont suscitées.
LES RÉACTIONS : ENTRE APPROBATION ET CONDAMNATION
Pendant que les alliés occidentaux de Washington (les éternels idiots utiles), à l’exception de la Suède, applaudissent des deux mains ces frappes salvatrices, Vladimir Poutine dénonce « l’agression contre un pays souverain » tout en réclamant une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. De son côté, Téhéran « condamne vigoureusement » cette frappe que « soutient complètement » Ryad comme Tel Aviv.
Pour sa part, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault déclare le 4 avril 2017 : « L’utilisation des armes chimiques constitue une violation de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) et un nouveau témoignage de la barbarie, dont le peuple syrien est victime depuis tant d’années ». Le 7 avril 2017, il se félicite des frappes américaines et du « signal et de l’avertissement qui avait été envoyé et d’une forme de condamnation du régime criminel de Bachar Al-Assad ». Cette déclaration est à mettre au regard du bilan de son action diplomatique présenté le 23 mars 2017 dans lequel il souligne les principes sur lesquels se fonde l’action de la France : principes de paix, de prééminence de l’action collective et du multilatéralisme, de construction d’une gouvernance mondiale… 9. Pour le cartésien que nous sommes, c’est tout le contraire ! Hier zélateur inconditionnel du multilatéralisme, notre pays en est aujourd’hui son meilleur fossoyeur.
Plus intéressante est la réaction de la candidate du Front national à l’élection présidentielle. « Je suis un peu étonnée, parce que (le président américain Donald) Trump avait indiqué à plusieurs reprises qu’il n’entendait plus faire des Etats-Unis le gendarme du monde, et c’est exactement ce qu’il a fait hier », a déclaré Marine Le Pen. « Est-ce que c’est trop demander d’attendre les résultats d’une enquête internationale indépendante avant d’opérer ce genre de frappe ? », s’est-elle interrogée. « Ce que je voudrais, c’est qu’on ne retrouve pas le même scénario que celui qu’on a pu voir en Irak, en Libye, qui, en réalité, sont des processus qui ont entraîné le chaos, qui ont fini par conforter le fondamentalisme islamiste » et le terrorisme, a-t-elle ajouté. « Ce qui s’est passé est épouvantable, je le condamne de la manière la plus claire qui soit mais est-ce qu’on peut attendre d’avoir les résultats d’une enquête internationale ? », a-t-elle demandé10. Force est de constater que toutes ces questions sont pertinentes au regard de la théorie et de la pratique du droit international. Il est regrettable qu’elles ne viennent pas de ses concurrents.
LE DROIT INTERNATIONAL : UNE VIOLATION FLAGRANTE
Qu’on le veuille ou non, la frappe aérienne américaine constitue une violation flagrante du droit international sur l’usage de la force. Comment les Américains pourraient-ils justifier cette action au titre de la légitime défense, prévue à l’article 51 de la Charte de l’ONU ?11 Comment pourraient-ils faire état d’une quelconque autorisation du Conseil de l’ONU alors que le débat était en cours à New York ? Comment pourraient-ils anticiper les résultats d’une enquête internationale diligentée par l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC basée à La Haye), seule habilitée à la conduire en application de la Convention d’interdiction des armes chimiques de 1993 à laquelle la Syrie n’a adhéré qu’en 2013 ? Comment pourraient-ils se fonder sur les seules affirmations des Services de renseignement américains et occidentaux (lesquels ?) pour apporter la preuve irréfragable de l’implication du régime syrien alors même que nous avons à l’esprit les « bobards » de ces mêmes Services à propos de la présence d’armes de destruction massive en Irak ?
Au regard du droit international, l’action américaine ne peut trouver aucune justification si ce n’est son illégalité. Elle se situe dans une logique de non-droit international qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur d’autres dossiers. Comme son collègue britannique, l’ambassadeur de France à l’ONU juge ces frappes « légitimes »12. Il serait grand temps de renvoyer ce haut diplomate à ses chères études comme, du reste, son sémillant collègue de Washington. Il ignore vraisemblablement que la France est dépositaire du Protocole de Genève de 1925 sur l’usage des armes chimiques et a pris une part non négligeable dans la négociation et la conclusion de la Convention de 1993 (rôle prépondérant de l’ambassadeur, représentant de la France auprès de la Conférence du désarmement à Genève, Pierre Morel à l’époque).
LES CONSÉQUENCES STRATÉGIQUES : UN RISQUE DE DÉFLAGRATION ?
Bien que ces frappes soient présentées comme ciblées, leurs conséquences diplomatiques et stratégiques sont encore incertaines et cela à plusieurs niveaux. Tout d’abord, au Proche et au Moyen-Orient ne risque-t-on pas de contribuer à enclencher une spirale de la violence dont on ne sait où elle peut nous conduire (Cf. Libye) ? Ensuite, est-il opportun d’ajouter de la méfiance à la méfiance dans la relation américano-russe au moment où il est essentiel de dialoguer avec tous et de faire baisser la tension en Europe ?13 Enfin, que pourrait faire Donald Trump en Corée du nord au moment où il presse la Chine de modérer les élans de Pyongyang sous peine d’aller mettre, manu militari, de l’ordre sur place ?14 Toutes ces questions ont-elles été sérieusement envisagées dans les chancelleries occidentales avant d’applaudir des deux mains, dans la plus grande précipitation, à ce coup de semonce américain, à cette frappe « diplomatique » et « médiatique » ?
« Elle aussi avait ses phrases types
Et me parlait de ses grands principes
Puis n’agissait n’importe comment
En vertu des grands sentiments »,
chantait déjà en 1999 Guy Béart. C’est bien ce que font tous nos sympathiques dirigeants politiques tant est grand le décalage entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font (ou ne font pas) sur le dramatique dossier syrien. À suivre…
Guillaume Berlat
10 avril 2017
1 L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a été créée le 29 avril 1997. Basée à La Haye (son laboratoire est à Rijswijk aux Pays-Bas). Elle veille à l’application de la Convention internationale sur les armes chimiques. Après l’adoption de la Convention sur les armes chimiques par l’Assemblée générale des Nations unies à Genève le 3 septembre 1992 et sa signature à Paris le 13 janvier 1993, 151 États membres des Nations unies ont signé cette convention et rejoint l’Organisation.
2 Guy Debord : La Société du spectacle. Editions Buchet-Chastel, 1967.
3 Le Figaro du 8 avril 2017.
4 Arundhati Roy : Oussama Ben Laden, secret de famille de l’Amérique. Editions Gallimard, novembre 2001.
5 Richard Labévière : Terrorisme, face cachée de la mondialisation. Editions Pierre-Guillaume de Roux, novembre 2016.
6 Eric Alliez et Maurizio Lazzarato : Guerres et Capital. Editions Amsterdam, octobre 2016.
7 Alain Léauthier, Syrie. Le massacre de trop ?, Marianne, 7-13 avril 2017, p. 9.
8 François Bonnet, Les États-Unis bombardent une base aérienne syrienne, www.mediapart.fr , 7 avril 2017.
9 Jean Daspry, Bilan d’un anti-héros/Ayrault, www.prochetmoyen-orient.ch , 3 avril 2017.
10 Olivier Faye, Le FN « étonné » et « déçu » par le président américain, Le Monde, 9-10 avril 2017, p. 4.
11 Article 51 de la Charte de l’ONU : « Aucune disposition de la présente charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales… » (chapitre VII : « Action en cas de menace contre la paix, de la rupture de la paix et d’actes d’agression »).
12 Marie Bourreau, Washington justifie ses frappes à l’ONU. Les Occidentaux soutiennent l’initiative américaine, malgré son absence de légalité, Le Monde, 9-10 avril 2017, p. 3.
13 Isabelle Mandraud, Moscou fait le deuil d’une relation privilégiée, Le Monde, 9-10 avril 2017, p. 3.
14 Éditiorial, Le triple avertissement américain, Le Monde, 8 avril 2017, pp. 1 et 24.
Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 17-04-2017
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Commentaire recommandé
D’après l’article , il est plutôt impliqué dans le non-financement.
Le choix des mots c’est important aussi pour un résumé.
Cependant, au même moment, des gens qui ont LIBREMENT SIGNE des accords bénéficient d’une immunité médiatique totale :
– François Hollande a participé à la lapidation d’une centaine de femmes adultères en Arabie saoudites (à travers l’achat de pétrole).
– De même, Emmanuel Macron a tué de 10 à 20.000 enfants syriens et yéménites (à travers les ventes d’arme à l’Arabie).
Est-ce que les médias vont en parler ?
18 réactions et commentaires
Un proche de MLP impliqué dans le financement de Daesh en Syrie par Lafarge. JC VEILLARD
Il a été candidat en bonne place dans le 15e arrondissement http://elections.lefigaro.fr/resultats/elections-municipales-2014/paris/paris-15eme-arrondissement/liste-2014/tour-1/paris-capitale-de-la-france-avec-wallerand-de-saint-just-soutenue-par-le-front-national-et-le-rassemblement-bleu-marine/
Cité ici:
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160621.OBS3073/quand-lafarge-travaillait-avec-l-etat-islamique-en-syrie.html
+0
AlerterD’après l’article , il est plutôt impliqué dans le non-financement.
Le choix des mots c’est important aussi pour un résumé.
Cependant, au même moment, des gens qui ont LIBREMENT SIGNE des accords bénéficient d’une immunité médiatique totale :
– François Hollande a participé à la lapidation d’une centaine de femmes adultères en Arabie saoudites (à travers l’achat de pétrole).
– De même, Emmanuel Macron a tué de 10 à 20.000 enfants syriens et yéménites (à travers les ventes d’arme à l’Arabie).
Est-ce que les médias vont en parler ?
+37
AlerterHoho,quelle mauvaise foi dans la présentation des choses…détester le FN rend bête,quelquefois. Il n’est impliqué dans rien,sinon le non-financement de Daech,n’est ce pas? Et puis,quel fielleux « un proche de Marine Le Pen « . Continuez comme çà,et un jour,le FN atteindra ses objectifs. Un petit conseil,intéressez vous plutôt à qui,comment,et par où ont été vendus les millions de barils de pétrole des champs petrolifères exploités par Daech…et Al Nosra(nos potes,selon ineffable écureuil)…
+14
AlerterÉvidemment tout cela n’ aucun rapport avec le réaction immédiate de M. Hollande de ce soir !!!
+3
AlerterBon, la France insiste, selon Ayrault, les preuves sont là. Enfin, seront bientôt là :
http://www.la-croix.com/Monde/Attaque-chimique-Paris-apportera-la-preuve-que-Damas-est-responsable-2017-04-19-1300840738
Ça ne mange pas de pain, ce futur! Sauf à être en train de la concocter, on ne peut pas dire d’une preuve qu’on « l’aura ». Les casques blancs, à l’origine de la vidéo des enfants, ne travaillent pas assez vite, ne tiennent pas compte du calendrier français qui est prévu pour s’arrêter dimanche! Après tout ce qu’on a fait pour eux, les recevoir à l’Elysée sur le perron et tout; s’ils veulent revenir, faut qu’ils se pressent!
+19
AlerterIl faut le temps de fabriquer les petits tubes,quand même! Et d’avoir les avis des « experts » maison,hein?Par contre,on n’entend personne sur le massacre à la bombe des évacués de Foua et Kefraya,n’est ce pas?Mais ce qui m’écœure le plus,ce sont les médias mainstream…comme un seul soldat,le petit doigt sur la couture,tous pujadassés….tout comme Lutte Ouvrière et le NPA d’ailleurs,les idiots utiles de l’ultralibéralisme,et Hamon(le E.T de la politique,maison,je veux maison) et Macron,le second voulant déjà bombarder la Syrie. Tiens,Obama( créateur de Daech,de Boko Haram et de la guerre au Yémen,superstar du drone bombing)a appelé Macron pour l’encourager…une raison de plus de ne pas voter pour le joli Frankenstein …
+12
Alerter« Les casques blancs […] ne tiennent pas compte du calendrier français »
Non, mais le quai d’Orsay y pense. Cette déclaration tout aussi stupide qu’elle soit a pour seul intérêt d’essayer d’influencer le vote de dimanche. Après, si ces preuves n’arrivent pas, aucune importance : le gouvernement aura de toute façon changé et Ayrault n’en est pas à une auto-humiliation près.
+10
AlerterFinalement, aux dernières études détaillées de Théodore Postol, partiellement traduites et approuvées par Caroline Galacteros, l’attaque chimique supposée n’est pas suspecte, elle est inexistante: quelque chose a eu lieu quelque part, mais sûrement pas une attaque chimique le 4 avril à 7h du matin à Khan Cheikhoun:
http://galacteros.over-blog.com/2017/04/l-attaque-neurotoxique-qui-n-a-pas-eu-lieu-rapport-de-t.postol-du-18-avril-2017-sur-khan-cheikhoun.html
Il va avoir bonne mine, Ayrault!
+28
AlerterRésumé du lien de Seraphim : entre 7h et 9h le vent à changé de 90°, donc tout n’est que montage : montage photo, déplacement des corps (y compris ceux qui semblent surpris « sur place » par les gaz) , montage aussi les histoires prétendant faire le compte rendu des témoignages ou des secours.
La photo aérienne avec les vecteurs de vent à 7, 8 et 9 heure est éloquente.
Le seule truc auquel on a échappé, c’est le tournage en studio à Hollywood.
Mais une 50aine de tomahawks ont tout de même été envoyés.
Egalement, une 50aine d’interventions médiatiques à la télé ont tout de même été envoyés.
Maintenant, on attend une 50aine d’heures de rectifications. Tout de même.
+9
AlerterUn petit résumé youtube et humoristique de cette nouvelle affaire sarin qui tombe à point :
https://www.youtube.com/watch?v=rkj9UCHO0Tc
Le problème, comme d’habitude, c’est la complicité flagrante d’une presse inféodée aux pouvoirs politiques et financiers, se vautrant sans complexe dans la mal- ou dés-information, ayant abdiqué depuis des lustres toute prétention à l’objectivité et à sa mission d’information et à son rôle majeur dans le fonctionnement démocratique.
+8
AlerterEn anglais aussi : https://www.youtube.com/watch?v=G2xPIYUTgS4
Le Daily mail fait disparaître un de ses articles de 2013 complètement bidon sur les armes chimiques d’Assad car il n’avait pas démenti jusque là et que c’est ballot.
Hélas, l’actualité revenant sur les armes chimiques d’Assad, ça remontait sur Google, Et là c’était vraiment ballot. D’où suppression de l’article qui avait repris des « interceptions secrètes » d’e-mail sur un site … satirique ! Vraiment ballot , mais pas de démenti depuis 2013.
En fait, ce qui est vraiment ballot, c’est l’absence de démenti … depuis 2013.
PS : si on pouvait sous-titrer la vidéo en français …
+1
AlerterThe Corbett Report ( d’où est issu la vidéo ) est un site ayant pour but d’établie La Vérité sur le 11/9 et autre joyeusetés
Votre info sur le Daily Mail est bidon https://www.theguardian.com/media/2013/jun/26/daily-mail-syrian-chemical-weapons-libel
+0
AlerterNetanyahou ne devrait pas trop la ramener. Il sait bien qu’Israël est un des très rares pays à ne pas avoir (avec la Corée du Nord, l’Égypte et le Soudan du Sud) à ne pas avoir ratifié la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.
+7
Alerter« la tête des 59 missiles engagés ont, sans doute, été allégées afin de restreindre leurs effets destructeurs » : je n’y crois pas une seconde. Ce serait vraiment (d)étonnant qu’une tête de missile fabriquée en série puisse être reconfigurée comme un Légo. Et que faire des explosifs retirés ? Vous les renvoyez à l’usine dans leur emballage d’origine ? Et comment les automatismes du missile prennent-ils en compte la masse manquante ? C’est amusant de voir qu’une idée a priori « réaliste » n’est en fait qu’un fantasme d’adolescent.
+6
AlerterPour Trump le probléme est que ,semble-t-il,l’armée américaine dans l’état dans lequel elle se trouve n’apparait guère capable de réaliser ce qu ‘ il souhaite ,plusieurs de ses généraux seraient plutôt enclin à la modération .( La flotte américaine qu’il dit se située près de la Corée est en réalité ou en réparation ou bien loin de ce territoire )
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AlerterBonjour,
en lien ci-dessous un article publié le 20 avril par Mme Caroline Galactéros qui est passé sous les radars de la presse pro-OTAN.
C’est vrai que cet article relate les doutes étayés d’un chercheur du M.I.T (Massachusetts Institute of Technology) sur la réalité du bombardement chimique attribué au gouvernement Syrien et qui a servi de prétexte aux USA de Trump pour envoyer des missiles sur une base aérienne syrienne, sans le consentement de l’ONU donc hors de toute légalité internationale!
http://galacteros.over-blog.com/2017/04/l-attaque-neurotoxique-qui-n-a-pas-eu-lieu-rapport-de-t.postol-du-18-avril-2017-sur-khan-cheikhoun.html
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AlerterBel article, plein de bon sens. Il manque cruellement à nos politiques trop perchés et pré-internet. Aujourd’hui tout se sait ….bientôt fini les colonies ???
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Alerterhttps://www.youtube.com/watch?v=5jsdQ44U31A
Syrie : « La Russie a offert une voie vers la paix, c’était un crime impardonnable ! »
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