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24.février.201624.2.2016 // Les Crises

[Vidéo] Un oeil sur la planète – Syrie : le grand aveuglement

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Comme pour l’Ukraine avec le reportage de Paul Moreira, on retrouve l’accueil classique de tout reportage donnant un regard différent de celui du Pouvoir…

Source : Youtube, 18-02-2016

Source : Youtube, 18-02-2016


Syrie: quand « Un Oeil sur la planète » se fait le porte-voix de Damas

Source : L’Express, 21-02-2016

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Le reportage Syrie, le grand aveuglement, diffusé par France 2, le 18 février, se calquait presque mot pour mot sur le récit du conflit soutenu par le pouvoir de Damas. Sa diffusion sur le service public interroge notre tendance à faire des conflits internationaux les seuls miroirs de nos propres peurs et obsessions.

Bien sûr…

Et donc, il faudrait l’interdire..

L’émission Un oeil sur la planète diffusée ce jeudi 18 février sur France 2, vivement critiquée pour son parti-pris pro-régime syrien, est en réalité à l’image d’un certain débat public actuel, qui lit de nombreux conflits à l’étranger à travers un prisme tronqué, foncièrement islamophobe et occidentalo-centré.

La Syrie, depuis le début du soulèvement populaire en mars 2011, se trouve aux prises avec une double narration : D’une part, celle qui veut garder au centre les civils syriens et leurs aspirations à la paix, à la justice et à la liberté ; d’autre part, celle qui entend gommer ces derniers au profit d’une lecture « géopolitique » et régionale. Les uns veulent mettre en avant l’état des droits humains en Syrie et la volonté d’une grande partie des Syriens à s’affranchir du joug des Assad ; les autres tiennent surtout à rappeler qu’aucun conflit n’existe par lui-même, sans faire le jeu par ailleurs d’autres intérêts et d’autres enjeux géostratégiques. Pour tout commentateur avisé de la question syrienne, il y a donc à tenir ensemble cette double préoccupation : d’une part celle de la réalité des civils syriens, d’autre part celle des intérêts régionaux et internationaux qui interfèrent avec la révolte citoyenne syrienne et avec la répression à laquelle elle fait face.

Ce qui se passe en Syrie serait le fruit d’une « conspiration »

Le régime syrien a, depuis le début du conflit en 2011, su particulièrement bien surfer sur ce schisme narratif, et a tenu particulièrement à exploiter le second volet, dont il a très vite senti qu’il pouvait l’exonérer d’une large part de sa responsabilité dans les violences en cours. Ainsi, c’est en réalité notre propension à lire les conflits au Moyen-Orient comme étant le seul résultat des politiques occidentales d’une part et des mouvements islamistes d’autre part, que Bachar El Assad a particulièrement exploité. Un récit centré sur ces 2 éléments narratifs a donc pris place rapidement au sein de la propagande de Damas, et a pu trouver ici un large écho : ce qui se passe en Syrie serait le fruit d’une  » conspiration  » (dans une version plus « soft » d’une « opération de déstabilisation ») fomentée par l’Europe et les Etats-Unis en alliance ou en soutien aux filières de l’Islam radical dans la région.

Ce que ce récit gomme, efface, annihile est double. A la fois, il raye de la carte les citoyens syriens en tant que sujets politiques, soutenant la thèse qu’ils seraient réduits à n’être que les objets des « grandes puissances », faisant peu de cas de leurs luttes et de leurs aspirations. Et dans le même temps, faisant mine de mettre le projecteur sur les « ingérences » et les « interventions étrangères » il dissimule le fait que les ingérences de loin les plus meurtrières sont celles qui sont venues soutenir le régime syrien dans son opération de répression. Ainsi, les interventions russe, iranienne, tout comme celle du Hezbollah sont à peine évoquées ou présentées comme « amies » et « inoffensives », alors que ce sont elles qui ont fait le plus de victimes civiles. Tout se passe comme si les seules dérives des groupes opposés au régime en place, parmi lesquels se trouvent certains groupes islamistes ou djihadistes, suffisaient à soutenir la matrice de l’ensemble des événements syriens.

La répression en cours, l’une des plus violentes de notre époque, un détail

Ce jeudi soir, ce qui a été diffusé dans l’émission Un oeil sur la planète se calquait presque mot pour mot sur ce récit soutenu par le pouvoir de Damas. La répression du régime, les dizaines de milliers de Syriens morts sous la torture, les bombardements incessants des forces du pouvoir en place et de ses alliés russes, étaient absents du narratif du reportage. Tout comme la réalité des citoyens syriens aspirant à la liberté, leur combat, leurs espoirs, leur parole, tous ces éléments passant, pour France 2, pour des éléments de décor ou de second plan. Non seulement les faits présentés étaient partiels, mais pire encore, tout était présenté comme si la révolte syrienne était inexistante, comme si la répression en cours – l’une des plus violentes de notre époque – était un détail.

Si une telle émission, digne des chaines publiques syriennes ou russes, peut aujourd’hui être diffusée sans faire (trop) de scandale, nous avons à nous interroger sur ce qui dans le débat public permet un rapport aux faits aussi tronqué. Sur notre tendance presque obsessionnelle à faire des conflits internationaux les seuls miroirs de nos propres peurs et obsessions. Sur notre incapacité à entendre, comprendre et soutenir les mouvements sociaux extra-occidentaux, dès que nous n’en sommes pas nous-mêmes les initiateurs. Sur notre islamophobie galopante qui lit tout sous le prisme de notre peur de l’Islam des Musulmans. Sur notre occidentalo-centrisme borgne, incapable de lire des mouvements politiques qui nous sont étrangers, méconnaissant les réalités qui se trouvent en dehors de notre champ de vision – que souvent nos politiques ont pourtant contribué à aggraver. Sur notre propension à « croire » un régime et ses soutiens, tout en déniant aux citoyens syriens le plus simple droit d’expression et de contestation. Nous avons à nous interroger sur la manière dont une dictature répressive a pu faire de nous de tels « crédules », tant sur le plan citoyen que politique, pendant qu’elle se rendait coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Tout conflit demande des nuances, de l’expertise, une vérification constante des faits, et également un curseur éthique, embrassant la question de la dignité et des droits humains. Ce que Un oeil sur la planète a diffusé ce jeudi était problématique à tous ces égards. Le devoir d’information du service public semble avoir été mis en péril par une entreprise de propagande et de déni. Sans préjuger de ce qui a conduit à une telle méprise, espérons que le tir soit prochainement corrigé. Et que la prise de conscience de l’ensemble des réalités syriennes ne soit pas trop tardive, tandis que ce drame politique et humanitaire n’en finit pas de se creuser…

Par Marie Peltier, historienne de formation, est chercheuse et chargée de projets interculturels à Bruxelles. Elle est l’auteur de plusieurs articles et études sur le rapport à la mémoire et l’importation des conflits internationaux dans le débat public, s’agissant notamment de la question du pacifisme et du conflit syrien.

Source : L’Express, 21-02-2016

damas

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107 réactions et commentaires - Page 2

  • Grenier // 25.02.2016 à 00h57

    Il faut se faire à l’idée que ce genre de pays ne peut se diriger avec une démocratie , un régime fort voire une dictature semble nécessaire .L’émission est un vrai travail de journaliste de terrain, et l’opinion de ces vrais journalistes est plus crédible que l’avis d’un journaliste de bureau , sujet à l ‘intox inévitable de tous les camps en conflit …
    J’ai vu aussi un reportage fait aux alentours d’Alep dans l’opposition modére , armée en fait jusqu’aux dents, le père envoyait ses jeunes enfants au combat , ne jurait que par Allah , de temps en temps le gamin allait à l’école apprendre …le Coran , puis retournait au combat , son frère plus grand ne pouvant plus y aller : blessé à l’oeil ..
    Comme on l’entend dans le reportage, l’opposition modérée ….dans la mesure déjà où elle est armée , on peut se poser la question de la modération! Le général Didier castres aurait dit la même chose devant le sénat mi -dec 2015 …

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    • Sébastienc // 25.02.2016 à 17h50

      http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/l-opposition-moderee-en-syrie-20-000-hommes-indique-general-castres-95484

      20 000, sur 100 000 combattants en Syrie au total, selon le Général.
      Parmi eux, environ 7 000 kurdes.
      ça fait faible l’opposition « modérée ».

      Autre détail qui, personnellement, « m’amuse », la presse mentionne toujours les djihadistes en Syrie. elle nomme Al-Nosra et Daesh, mais parle presque toujours « d’opposition modérée », ou une appellation de ce type.

      C’est étrange, il paraît qu’ils sont organisés, qu’ils se battent, qu’ils sont démocrates, tout ça, mais on ne connaît pas leur nom, c’est étrange. J’aimerais bien me renseigner sur l’opposition « modérée », ce sont surement les mêmes « démocrates » « modérés » qu’en Libye.

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  • HELLEBORA // 25.02.2016 à 03h52

    18 journalistes experts ès guerre en Ukraine s’étaient « émus » du documentaire de Moreira. Pour celui sur la Syrie, c’est un certain Firas Kontar, activiste franco-syrien auto proclamé juriste, qui s’y colle et interpelle la présidente de France télé dans une longue harangue (Demande d’ouverture d’une enquête suite à l’émission « Un œil sur la planète » du 18 février 2016 sur la Syrie). Des fois que l’intimidation paierait … http://souriahouria.com/demande-douverture-dune-enquete-suite-a-lemission-un-oeil-sur-la-planete-du-18-fevrier-2016-sur-la-syrie/

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  • SebCbien75 // 25.02.2016 à 17h43

    Fondation Jean Jaurès antichambre de la NED (financement, échanges, membres naviguant entre les officines et réunions…) faut-il le rappeler… : -)

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