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24.novembre.201924.11.2019 // Les Crises

Changement climatique : Pourquoi certains scientifiques minimisent les risques ?

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Source : The Guardian, Dale Jamieson, Michael Oppenheimer & Naomi Oreskes, 25-10-2019

Les négationnistes du changement climatique accusent souvent les scientifiques d’exagérer les menaces liées à la crise climatique, mais si tant est que cela soit, ils sont cependant encore souvent trop réservés en la matière

Mer de glace sur l’océan autour de l’Antarctique. Photographie : Ted Scambos/AP

Bien que les résultats de la recherche sur le climat soient concordants depuis des décennies, les climatologues se sont efforcés de faire comprendre la gravité de la situation aux profanes en dehors de leur domaine. Ce n’est que récemment que le grand public semble s’être éveillé à la menace de la crise climatique. Pourquoi ?

Dans notre dernier livre, « Discerning Experts : The Practices of Scientific Assessment for Environmental Policy » [Des spécialistes exigeants : Les Pratiques d’évaluation scientifique pour les politiques environnementales, ouvrage non traduit, NdT], nous avons tenté d’expliquer la façon dont les scientifiques fondent leurs jugements. En particulier, nous voulions savoir comment les scientifiques réagissent aux pressions, tantôt subtiles, tantôt manifestes, qui se font jour lorsqu’ils savent que leurs conclusions seront diffusées à l’extérieur du milieu des chercheurs – bref, comment les scientifiques se sentent influencés quand ils se savent sous les regards extérieurs.

Nous nous sommes penchés sur ces questions en ce qui concerne plus particulièrement le domaine des pluies acides, de l’appauvrissement de la couche d’ozone et des prévisions de l’élévation du niveau de la mer à partir de la calotte glaciaire occidentale de l’Antarctique.

Alors que les climato-sceptiques et les négationnistes accusent souvent les scientifiques d’exagérer les menaces associées à la crise climatique, les preuves disponibles suggèrent le contraire. Dans l’ensemble, les scientifiques ont soit eu raison dans leurs évaluations, soit se sont montrés trop timorés. Nous avons constaté une tendance claire à sous-estimer certains indicateurs climatiques clés et, par conséquent, à sous-estimer la menace du bouleversement climatique. Lorsque de nouvelles observations du système climatique ont fourni davantage de données ou de meilleures données, ou nous ont permis de réévaluer des conclusions antérieures, les résultats concernant la fonte des glaces, la hausse du niveau de la mer et la température des océans ont généralement été pires que ceux prévus initialement.

L’un des facteurs qui semblent contribuer à cette tendance à la sous-estimation est la recherche apparente d’un consensus, ou ce que nous appelons « univocité » : le besoin éprouvé de parler d’une seule voix.

Nombre de scientifiques craignent que s’ils exposent publiquement leur désaccord, les responsables gouvernementaux ne prennent leurs divergences d’opinion pour de l’ignorance et ne s’en servent pour justifier leur inaction.

D’autres craignent que, même si les décideurs politiques souhaitaient agir, il leur serait difficile de le faire si les scientifiques ne parviennent pas à envoyer un message sans ambiguïté. Par conséquent, les scientifiques cherchent résolument à trouver un terrain d’entente et à se concentrer sur ces points d’accord. Dans certains cas, lorsqu’il existe des divergences d’opinion inconciliables, les scientifiques peuvent choisir de se taire, donnant l’impression erronée que l’on ne sait rien.

Comment la pression en faveur d’une position univoque peut-elle conduire à une sous-estimation ? Prenons un cas où la plupart des scientifiques pensent que la bonne réponse à une question se situe entre 1 et 10, mais certains pensent qu’elle pourrait atteindre 100. Dans ce cas, tout le monde sera d’accord pour dire qu’il y en a au moins un à 10, mais tout le monde ne sera pas d’accord pour dire qu’il pourrait y en avoir jusqu’à 100. Par conséquent, le domaine d’accord est de un à 10, et cela sera rapporté comme étant le point de vue consensuel. Chaque fois qu’il y a une gamme de résultats possibles qui comprend une longue suite de probabilité dans la fourchette haute, la zone de chevauchement se situe à l’extrémité inférieure ou près de celle-ci.

Nous ne sommes pas en train de dire que chaque exemple de sous-estimation est dû aux facteurs que nous avons observés dans notre travail, ni que la recherche de consensus entraîne toujours une sous-estimation. Mais nous avons constaté que cette tendance se produisait dans tous les cas que nous avons étudiés. Nous avons également constaté que les aspects institutionnels de l’évaluation, y compris l’identité des auteurs et la façon dont ils sont choisis, la façon dont la question est divisée en chapitres et les directives mettant l’accent sur le consensus, penchent aussi généralement en faveur du conservatisme scientifique.

Une fois cela établi, que faisons-nous ?

Aux scientifiques, nous suggérons que de ne pas considérer la recherche de consensus comme un objectif. Le consensus est une propriété émergente, quelque chose qui peut survenir à la suite de travaux scientifiques, de discussions et de débats. Lorsque cela se produit, il est important de formuler le consensus aussi clairement et précisément que possible. Mais lorsqu’il existe des divergences d’opinion importantes, il convient de les reconnaître et d’en expliquer les raisons. Les communautés scientifiques devraient également être ouvertes à l’expérimentation de modèles alternatifs pour formuler et exprimer des jugements de groupe, et pour en apprendre davantage sur la façon dont les décideurs interprètent réellement les conclusions qui en résultent. De telles approches peuvent contribuer à faire que les évaluations soient des outils plus utiles face à la réalité de l’adaptation à la crise climatique et aux perturbations qui en résulteront.

Pour les dirigeants politiques et les hommes d’affaires, nous pensons qu’il est important de savoir qu’il est extrêmement improbable que les scientifiques exagèrent la menace de la crise climatique. Il est beaucoup plus probable que les choses soient pires que ce que les scientifiques ont dit. Nous avons déjà vu que les effets de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère se manifestent plus rapidement que les scientifiques ne l’avaient prévu. Il est fort probable que les effets continueront de s’accélérer, et que les estimations du GIEC – selon lesquelles les émissions doivent être réduites rapidement, voire entièrement éliminées, d’ici 2050 – pourraient bien être optimistes. Le fait que cette conclusion soit difficile à avaler n’en fait pas une déclaration mensongère.

Et pour les citoyens ordinaires, il est important de reconnaître que les scientifiques ont fait leur travail. C’est maintenant à nous de forcer nos dirigeants à agir d’après ce que nous savons, avant qu’il ne soit trop tard.

Dale Jamieson, Michael Oppenheimer et Naomi Oreskes sont les auteurs du livre « Discerning Experts : The Practices of Scientific Assessment for Environmental Policy ». Cet article est en grande partie extrait de ce livre

Source : The Guardian, Dale Jamieson, Michael Oppenheimer & Naomi Oreskes, 25-10-2019

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

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M.Smith // 24.11.2019 à 07h56

La question des climatosceptiques ne porte pas seulement sur le constat du réchauffement ou sur son évaluation mais aussi sur ses causes, l’article n’en parle pas.
Par contre il n’existe aucun « pollutionsceptique », il faut donc reporter le problème du réchauffement sur celui plus vaste des dégradations de la planète qui ne font pas débat.

Idem le remède doit être global, et porter sur les causes et non les symptômes, ce ne sont pas des COP ou des taxes qui vont changer quoique ce soit mais seulement l’abandon de l’idéologie de la croissance.
Les politiques sont soumis à ce dogme imbécile, on parle de lutter contre le réchauffement et on signe des CETA ou on projète d’installer la 5G pour multiplier les objets connectés, quelle plaisanterie.

Une première mesure pourrait faire la différence, développer une quasi autonomie alimentaire dans chaque pays par une agriculture sans biocides, et ne plus encourager la surconsommation technologique.
Jamais les politiques ne le feront et préfereront les discours creux, mais aussi tirer sur les manifestants, les éborgnants, les mutilants ou les tuants si besoin est. Tant les politiques, et les médias, sont les valets (conscients ou idiots utiles) des transnationales et autres puissances financières mortifères.

193 réactions et commentaires - Page 2

  • Tancrede // 25.11.2019 à 11h19

    Oui je confirme, je n’ai jamais vu un vrai scientifique injurier ceux qui mettent en doute ses théories. En agissant ainsi ils se disqualifient eux-mêmes.
    « negationniste » est un terme grave car historiquement très chargé. Cette manière de faire dépasse les bornes condamne la théorie ainsi défendue et révèle un esprit à tendance totalitaire ce qui est vraiment inquiétant si ces personnes arrivent au pouvoir.

      +10

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  • onna // 25.11.2019 à 13h05

    De toutes les façons, la société s’écroule à tout niveaux, un consensus entre 1984 et le meilleur des mondes, avec une touche de soleil vert et bientôt nous pourrons ajouter quelques poignées de l’age de crystal. Toutes les dystopies de la littérature d’anticipation post 45 sont de véritables prédictions que l’on peut vérifier à certains degrés, mais la projection vers l’avenir donne raison à tous ces auteurs, nous sommes acteurs et spectateurs de la déliquescence du monde, de l’annihilation des espèces vivantes, animales ou végétales et de notre propre extinction programmé, mais l’humain s’attache à parader comme un paon à se perdre dans sa vanité et dans son ego. L’heure n’est plus à la parlotte.

      +2

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  • serge // 25.11.2019 à 16h42

    1- L’inculture scientifique de tous les dirigeants est une donnée essentielle.
    2- La culture du profit est une donné de court terme incompatible avec une perception d’effondrement. Et les financiers et économistes n’ont aucune culture scientifique, cf 1.
    Rien ne sert donc de s’énerver, ceux qui ont les commandes n’en ont rien à faire.

      +2

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  • maoul // 25.11.2019 à 17h37

    Cet article pose le problème clairement de la communication scientifique et ses réserves.
    En 2014, juste avant la COP 21 j’ai assisté à une conférence sur le climat par un membre du GIEC dont je me suis dépéché d’oublier le nom. Je n’ai pas du tout trouvé ces gens fébriles sur le plan de la communication mais à l’inverse particulièrement aggréssifs et moralisateurs. Dans le même temps au sein de mon université la plupart ne se donne même pas la peine de se renseigner sur les modèles climatiques et font consensus par normalisation. D’un point de vue comportement scientifique ce phénomène est très grave. Les autres (qui portent un regard plus critique sur la science en général) se murent dans le silence sous peine d’être classés de climatosceptiques. Aujourd’hui douter semble être un défaut.
    Cet article traite de la recherche de consensus et d’une vérité. Ce qui est le sens de la science quand l’idéologie ou l’économie ne prend pas le dessus sur la pensée.

    Ainsi, certains raisonnent en intégrant d’autres paramètres (https://theshiftproject.org/), Jean Marc Jancovici (https://jancovici.com/).
    Leur reflexion porte sur l’influence des ressources fossiles sur les modèles climatiques.
    Le portail de données du think tank permet de mieux appréhender ces questions :
    http://www.tsp-data-portal.org/

      +5

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  • Arkhenes // 26.11.2019 à 10h05

    « Pour les dirigeants politiques et les hommes d’affaires, nous pensons qu’il est important de savoir qu’il est extrêmement improbable que les scientifiques exagèrent la menace de la crise climatique. Il est beaucoup plus probable que les choses soient pires que ce que les scientifiques ont dit. Nous avons déjà vu que les effets de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère se manifestent plus rapidement que les scientifiques ne l’avaient prévu. »

    Eh bien non. En réalité, c’est exactement est systématiquement l’inverse de ce qui est dit dans ce paragraphe. Il suffit de comparer les prédictions des rapports précédents du GIEC avec ce que l’on a constaté a posteriori.

      +3

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  • jp // 26.11.2019 à 20h00

    Cher Olivier berruyer,
    Comment vous qui êtes régulièrement victime de dénigrements, pouvez vous prendre au sérieux un article qui parle de negationistes du climat ?

    Outre le fait que le terme est insultant vis à vis des références historiques, il est stupide.
    Comment reprocher de nier quelque-chose qui n’est pas encore arrivé ??

      +5

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