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15.juillet.202415.7.2024 // Les Crises

Vous avez sauvé Julian Assange – Chris Hedges

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Après 14 ans de persécution, Julian Assange sera libéré. Nous devons rendre hommage aux centaines de milliers de personnes à travers le monde qui ont fait en sorte que cela puisse arriver.

Source : Chris Hedges – Scheerpost
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Les sombres rouages de l’empire, dont Julian Assange a révélé au monde la fourberie et la brutalité, ont passé quatorze ans à tenter de le détruire. Ils ont privé Julian Assange de tout financement, résiliant ses comptes bancaires et ses cartes de crédit. Ils ont inventé de fausses accusations d’agression sexuelle pour le faire extrader vers la Suède, d’où il aurait ensuite été transféré aux États-Unis.

En lui refusant un transfert sûr vers l’aéroport d’Heathrow, ils l’ont piégé à l’intérieur de l’ambassade d’Équateur à Londres pendant sept ans après qu’il eut obtenu l’asile politique et la citoyenneté équatorienne. Ils ont orchestré un changement de gouvernement en Équateur au terme duquel il a été déchu de son droit d’asile. Il a été victime de harcèlement et d’humiliation de la part d’un personnel d’ambassade malléable. Ils ont passé un contrat avec la société de sécurité espagnole UC global pour enregistrer toutes ses conversations dans les murs de l’ambassade, y compris celles avec ses avocats.

La CIA a envisagé de l’enlever ou de l’assassiner. Elle s’est arrangée pour que la police métropolitaine de Londres fasse une descente à l’ambassade – territoire souverain de l’Équateur – et s’empare de lui. Ils l’ont détenu pendant cinq ans dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, souvent à l’isolement.

Et pendant ce temps, ils ont mené une farce judiciaire devant les tribunaux britanniques, pendant laquelle les procédures régulières ont été bafouées afin qu’un citoyen australien puisse être inculpé au titre de la loi sur l’espionnage (Espionage Act), alors que le média qu’il dirige n’est pas domicilié aux États-Unis et que, comme tous les journalistes, il recevait ses documents par l’intermédiaire de lanceurs d’alerte.

Ils ont essayé encore, encore et encore de le détruire. Ils ont échoué. Mais ce n’est pas parce que les tribunaux ont défendu l’État de droit et disculpé un homme qui n’avait commis aucun crime que Julian a été libéré. Ce n’est pas parce que la Maison Blanche de Biden et la communauté du renseignement ont une conscience qu’il a été libéré. Les organismes de presse ont publié ses révélations et en ont ensuite fait un bouc émissaire en menant une campagne de diffamation odieuse, et pourtant, ce n’est pas parce qu’ils ont fait pression sur le gouvernement américain qu’il a été libéré.

Il a été libéré – grâce à un accord de plaider coupable avec le ministère américain de la Justice, selon des documents judiciaires – en dépit de ces institutions. Il a été libéré parce que jour après jour, semaine après semaine, année après année, des centaines de milliers de personnes à travers le monde se sont mobilisées pour dénoncer l’emprisonnement du journaliste le plus important de notre génération. Sans cette mobilisation, Julian ne serait pas libre.

Les manifestations de masse ne marchent pas toujours. Le génocide à Gaza continue d’infliger son effroyable tribut aux Palestiniens. Mumia Abu-Jamal est toujours enfermé dans une prison de Pennsylvanie. L’industrie des combustibles fossiles ravage la planète. Mais c’est là l’arme la plus puissante dont nous disposons pour nous défendre contre la tyrannie.

Cette pression persistante – lors d’une audience à Londres en 2020, à mon grand plaisir, la juge Vanessa Baraitser, du tribunal Old Bailey chargé de l’affaire Julian, s’est plainte du bruit que faisaient les manifestants dans la rue – jette une lumière durable sur tout ce qui est injuste et met à nu l’amoralité de la classe dirigeante. C’est la raison pour laquelle le nombre de places dans les tribunaux britanniques était si limité et que des militants au regard fatigué ont fait la queue dehors dès 4 heures du matin pour s’assurer que les journalistes qu’ils respectaient auraient une place – je dois la mienne à Franco Manzi, un policier à la retraite.

On ne parle pas de ces gens-là, ce sont des inconnus. Mais ce sont des héros. Ils déplacent les montagnes. Ils ont encerclé le parlement. Ils sont restés debout, sous une pluie battante devant les tribunaux. Ils ont fait preuve d’opiniâtreté et de constance. Ils ont, collectivement, fait entendre leur voix. Ils ont sauvé Julian. Et alors que nous arrivons au terme de cette épouvantable saga et que Julian et sa famille, je l’espère, peuvent trouver la paix et la guérison en Australie, nous devons leur rendre hommage. Ils ont fait honte aux politiciens australiens et les ont amenés à défendre Julian, un citoyen australien, et finalement la Grande-Bretagne et les États-Unis ont dû renoncer. Ce mot ne signifie pas « faire ce qu’il faut ». Il s’agissait d’une capitulation. Nous devrions en être fiers.

J’ai rencontré Julian alors que j’accompagnais son avocat, Michael Ratner, à des réunions à l’ambassade d’Équateur à Londres. Michael, l’un des plus grands avocats des droits civiques de notre époque, a souligné que la protestation populaire était une composante essentielle de chaque affaire qu’il intentait contre l’État. Sans elle, celui-ci pourrait persécuter les dissidents, mépriser la loi et commettre des crimes en toute opacité.

Des personnes comme Michael, ainsi que Jennifer Robinson, Stella Assange, le rédacteur en chef de WikiLeaks Kristinn Hrafnsson, Nils Melzer, Craig Murray, Roger Waters, Ai WeiWei, John Pilger et le père de Julian, John Shipton, ainsi que son frère Gabriel, ont joué un rôle déterminant dans ce combat. Mais ils n’auraient pas pu le faire seuls.

Nous avons désespérément besoin de mouvements de masse. La crise climatique s’accélère. Le monde, à l’exception du Yémen, assiste passivement à un génocide retransmis en direct. L’avidité insensée d’une expansion capitaliste sans limite a transformé tout, des êtres humains au monde naturel, en marchandises exploitées jusqu’à l’épuisement ou l’effondrement. La dégradation des libertés civiles nous a asservis, comme le disait Julian, dans le cadre d’un appareil de sécurité et de surveillance interconnecté qui s’étend sur toute la planète.

La classe dirigeante mondiale a montré son jeu. Elle a l’intention, dans le Nord, de construire des forteresses climatiques et, dans le Sud, d’utiliser ses armes industrielles pour enfermer et massacrer les populations désespérées exactement comme elle massacre les Palestiniens.

La surveillance d’État est beaucoup plus intrusive que celle dont avaient usé les régimes totalitaires du passé. Les critiques et les dissidents sont facilement marginalisés ou réduits au silence sur les plateformes numériques. Par étapes, on nous impose cette structure totalitaire – que le philosophe politique Sheldon Wolin a appelée « totalitarisme inversé ». Julian nous avait prévenus. À mesure que le pouvoir se sent menacé par une population rétive qui rejette sa corruption, son accumulation obscène de richesses, ses guerres sans fin, son ineptie et sa répression croissante, il nous montre les crocs qu’il a exhibés contre Julian.

L’objectif de la surveillance généralisée, comme l’écrit Hannah Arendt dans « Les origines du totalitarisme », n’est pas, en fin de compte, de découvrir des crimes, « mais d’être à portée de main lorsque le gouvernement décide d’arrêter une certaine catégorie de la population ». Et parce que nos courriels, nos conversations téléphoniques, nos recherches sur Internet et nos déplacements géographiques sont enregistrés et stockés à perpétuité dans des bases de données gouvernementales, parce que nous sommes la population la plus photographiée et la plus suivie de l’histoire de l’humanité, il y aura plus qu’assez de « preuves » pour nous appréhender si l’État le juge nécessaire. Cette surveillance constante et ces données personnelles attendent, tel un virus mortel, d’être retournées contre nous, enfermées à l’intérieur des coffres-forts gouvernementaux. Peu importe le degré d’insignifiance ou d’innocence de ces informations. Dans les États totalitaires, la justice, comme la vérité, n’a aucune importance.

L’objectif de tous les systèmes totalitaires est d’inculquer un climat de peur pour paralyser une population captive. Les citoyens recherchent la sécurité dans les structures qui les oppriment. L’emprisonnement, la torture et le meurtre sont réservés aux renégats ingérables comme Julian. L’État totalitaire parvient à ce contrôle, écrit Arendt, en écrasant la spontanéité humaine et, par extension, la liberté humaine. La population est pétrifiée par le traumatisme. Les tribunaux, ainsi que les organes législatifs, légalisent les crimes d’État. C’est tout cela que nous montre la persécution de Julian. C’est un mauvais présage pour l’avenir.

L’État-entreprise doit être détruit si nous voulons retrouver une société ouverte et sauver notre planète. Son appareil de sécurité doit être démantelé. Les mandarins qui gèrent le totalitarisme d’entreprise, y compris les dirigeants des deux principaux partis politiques, les universitaires obtus, les experts et les médias défaillants, doivent être chassés des temples du pouvoir.

Les manifestations de masse et la désobéissance civile à long terme constituent notre seul espoir. Si nous ne nous soulevons pas – ce sur quoi compte l’État – alors nous nous retrouverons en esclavage et l’écosystème de la Terre deviendra inhospitalier pour l’Homme. Inspirons-nous des hommes et des femmes courageux qui, pendant 14 ans, ont défilé dans les rues pour sauver Julian. Ils nous ont montré la voie à suivre.

Source : Chris Hedges, 26-06-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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pucciarelli // 15.07.2024 à 08h49

Dans une société en crise, sans boussole, dépourvue de contre-pouvoirs, avec l’asservissement terrible des « médias » et la connivence de tous ceux qui touchent au Pouvoir, nos sommes de toute évidence devant un totalitarisme presque accompli. Comment imaginer il y a 20 ou 30 ans une président tel que Macron, inepte, ou l’existence d’un président des States incapable de réfléchir et de dialoguer? On voit bien que le pouvoir n’est pas où l’on croit. La reféodalisation du monde, à savoir la primauté des oligarques sur la puissance publique, est achevée en Occident. Il faut espérer un désastre économique et financier pour sortir de tout cela. Mais, évidemment, à quel prix pour les petites gens?

7 réactions et commentaires

  • Batxman // 15.07.2024 à 08h06

    Et de l’autre côté, que peut-on dire de nos représentants ? Combien sont-ils à s’être indignés face à l’oncle Sam ? Et les « journalistes » ? Ils ne sont pas foules à en avoir ne serait-ce qu’évoquer le sujet.
    Encore une fois, vous donne une idée, d’ où vient le vent de la véritable justice et vérité…

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  • pucciarelli // 15.07.2024 à 08h49

    Dans une société en crise, sans boussole, dépourvue de contre-pouvoirs, avec l’asservissement terrible des « médias » et la connivence de tous ceux qui touchent au Pouvoir, nos sommes de toute évidence devant un totalitarisme presque accompli. Comment imaginer il y a 20 ou 30 ans une président tel que Macron, inepte, ou l’existence d’un président des States incapable de réfléchir et de dialoguer? On voit bien que le pouvoir n’est pas où l’on croit. La reféodalisation du monde, à savoir la primauté des oligarques sur la puissance publique, est achevée en Occident. Il faut espérer un désastre économique et financier pour sortir de tout cela. Mais, évidemment, à quel prix pour les petites gens?

      +27

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  • landstrykere // 15.07.2024 à 09h15

    la GB et la France ont été à la pointe du dénigrement d’Assange. Pas de punition pour les Le Monde, qui écrivait encore lors de la libération d’Assange au conditionnel « héros pour certains » et reprenait le mensonge du Guardian selon lequel Assange avait livré des noms alors que le Guardian et le Monde auraient expurgés. Et celà sur le ton doucereux et registre langagier châtié typique de l’Immonde.

    En GB, le premier ministre en cours, Starmer, du Labour (!) était nommé procureur général lors des recours d’Assange. C’est lui qui a verrouillé Assange dans l’oubliette où il se trouvait.

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  • Grd-mère Michelle // 15.07.2024 à 11h19

    Ayant participé aux manifestations de protestation qui, pendant 5ans, ont eu lieu tous les lundis de 17à19h sur la place de la Monnaie à Bruxelles(sauf le premier lundi de chaque mois, alors devant l’ambassade du RU), dans le but de faire libérer J.Assange et de défendre le droit à l’information des peuples ainsi que leur liberté d’expression, je me sens directement concernée et touchée par la lettre de Chris Hedges.
    Pour ma part, étant âgée et légèrement handicapée dans la station « debout », je me suis contentée de rester assise sur un banc pour distribuer au « grand public » pressé, le plus « bigarré », diversifié, que l’on puisse imaginer, des centaines de milliers de tracts qui l’informaient correctement de cette malheureuse affaire cachée, tue, ou brièvement relatée par les médias « officiels » de manière tronquée, alors qu’elle concernait directement TOUT LE MONDE…
    et à adresser les passant-e-s qui s’arrêtaient à mes collègues du « Comité Free Assange Belgium » qui leur parlaient plus longuement et en détail, et les encourageaient à signer des pétitions que nous remettions régulièrement aux diverses autorités belges, britanniques et européennes susceptibles de s’impliquer(dont c’était le DEVOIR).

    Bien consciente désormais que nous ne nous sommes pas « dépensé-e-s » en vain, je vous recommande de vous rendre sur le site: http://www.freeassangebelgium.be et de vous inscrire pour recevoir les annonces des prochaines actions qui seront organisées à partir du mois de septembre afin d’exiger que nous soyons tou-te-s correctement et complètement informé-e-s, ce qui est la base d’une démocratie réelle.
    Car « Dire la vérité n’est pas un crime ».

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  • nulnestprophéteensonpays // 15.07.2024 à 12h08

    L’occident est gouverné par des crapules , l’épisode Assange a montrer où nous en étions en termes de libertés , il ne nous reste plus que celle de consommer et de la fermer .Il est impératif de reprendre le pouvoir sur ces parasites .Et de les castrer a tout jamais .Tout reprendre ce qu’ils ont volé depuis la nuit des temps , par l’esclavage , l’exploitation des hommes et de la planète . Nous devons être sans pitié , et n’importe qu’elle action est justifiée et juste par avance pour vermifuger la société de ses parasites et de leurs complices .

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  • Savonarole // 16.07.2024 à 14h50

    Et les vrais responsable de tout ce merdier eux vont mener grand train jusqu’à leur rencard chez le grand barbu sans la moindre ligne ajouté à leur casier judiciaire. Idem pour ceux qui ont commis les horreures qu’ont révélées le travail d’Assange et ses cheums.
    Et le pire dans tout ce merdier c’est que les candidats à la révélation fracassante n’étant plus protégés de rien et surtout pas de l’arbitraire , tout le monde va bien continuer à la fermer de peur de finir comme Gonzalo Lyra … Assange il a eut de la chance dans son malheur.
    Son exemple aura en definitive plus servi la cause de ceux qu’il dennonçait qu’une morale ou une quelconque forme de justice… triste histoire.

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  • Marire // 16.07.2024 à 16h06

    Enfin une bonne nouvelle. Merci à tous ceux qui se sont mobilisés. Et tout notre soutien à Julian Assange en lui souhaitant de recouvrer la santé. Par contre je ne mettrais pas dans le même panier la lutte pour la planète ( L’industrie des combustibles fossiles ravage la planète.) Car il faut constater que ce sont les Rockfeller et Bill Gates qui sont les promoteurs de la lutte contre, disent-ils, le réchauffement climatique anthropique. ( Voir le livre de Jean Dominique Michel: la fabrication du désastre)

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