Le Washington Post a récemment publié une tribune opposée à l’engagement du président Joe Biden de retirer les forces militaires américaines d’Afghanistan d’ici le 11 septembre 2021, rédigée par Richard Haass, président du Council on Foreign Relations, et Meghan O’Sullivan, « professeure à la Harvard Kennedy School et présidente nord-américaine de la Commission trilatérale » selon le Post. Cette biographie, telle qu’elle a été publiée vendredi, omettait un poste crucial et très lucratif occupé par O’Sullivan : membre du conseil d’administration de Raytheon Corp, l’un des cinq plus grands fabricants d’armes au monde.
Source : Responsible Statecraft, Eli Clifton
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Le billet contestait le retrait des troupes engagées en Afghanistan proposé par Biden et ne mentionnait pas, à l’origine, l’intérêt financier que revêtait ce point de vue pour l’auteur.
La semaine dernière, le Washington Post a publié une tribune opposée à l’engagement du président Joe Biden de retirer les forces militaires américaines d’Afghanistan d’ici le 11 septembre 2021, rédigée par Richard Haass, président du Council on Foreign Relations, et Meghan O’Sullivan, « professeure à la Harvard Kennedy School et présidente nord-américaine de la Commission trilatérale » selon le Post. Cette biographie, telle qu’elle a été publiée vendredi, omettait un poste crucial et très lucratif occupé par O’Sullivan : membre du conseil d’administration de Raytheon Corp, l’un des cinq plus grands fabricants d’armes au monde.
Raytheon, qui a un contrat de 145 millions de dollars pour former les pilotes de l’armée de l’Air afghane, est un important fournisseur d’armes à l’armée américaine. En d’autres termes, les armes de guerres sont le coeur d’activité de Raytheon et la fin de la plus longue guerre de l’Amérique constitue presque certainement une menace pour les résultats de l’entreprise.
O’Sullivan et le Post ont omis de noter le rôle de celle-ci dans le commerce des armes pour lequel elle a été payée 940 000 dollars en espèces et en actions entre 2017 et 2019.
En effet, l’article a également omis de noter que le rapport du Groupe d’étude sur l’Afghanistan, que les auteurs ont cité et révélé que O’Sullivan était membre du groupe, était également largement composé de personnes ayant des liens financiers étroits avec l’industrie de l’armement.
Le rapport, que Haass et O’Sullivan ont cité pour contester l’évaluation de Biden selon laquelle al-Qaida ne représente plus un risque significatif et que la présence de troupes américaines en Afghanistan n’est pas dans l’intérêt vital de la sécurité nationale des États-Unis, a été rédigé par 15 anciens responsables politiques, officiers militaires à la retraite et experts régionaux. Une enquête menée par Responsible Statecraft et The Daily Beast [2 sites d’information, le premier ayant publié le présent article, NdT] a révélé que 11 des 15 membres, dont O’Sullivan, avaient des liens financiers actuels ou récents avec de grands fabricants d’armes.
Le Post, pour sa part, a discrètement modifié la biographie d’O’Sullivan mardi matin à la suite d’un tweet, et de la tempête de tweets qui s’en est suivie, que j’ai publié et qui soulignait l’appartenance non divulguée d’O’Sullivan au conseil d’administration de Raytheon.
Sa biographie modifiée reconnaît qu’elle « fait partie du conseil d’administration de Raytheon Technologies » mais ne souligne pas le conflit d’intérêt potentiel entre son opposition au retrait des troupes américaines d’Afghanistan et son rôle bien rémunéré dans l’industrie de l’armement.
En effet, la clarification de sa biographie par le Post est utile, mais le fait que le journal n’ait pas divulgué le conflit d’intérêts potentiel en permettant à un membre du conseil d’administration d’une entreprise d’armement de s’opposer à la fin d’une guerre de près de 20 ans sans même divulguer son appartenance au conseil d’administration encore quatre jours après la publication, montre la faible exigence en matière de divulgation des conflits d’intérêts dans les pages d’opinion d’un grand journal et dans le débat de politique étrangère.
Source : Responsible Statecraft, Eli Clifton, 20-04-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Ha ba, en même temps, si on devait préciser l’intégralité des mandats politiques, économiques ou « associatifs » des éditorialistes et « experts » tournant en boucle sur les plateaux et colonnes, on n’en sortirait plus. 😂
Et puis hein, c’est bien connu, ces grands esprits sont tout à fait capables de faire la part entre leur mission objective de bien commun et celles qui les rémunèrent grassement ou qui leur tiennent chaud idéologiquement.
11 réactions et commentaires
L’industrie de guerre (Raytheon et les autres) n’a rien à craindre du retrait des forces étasuniennes d’Afghanistan. Les mercenaires, forces spéciales, etc. resteront, et les drones, bombardiers, etc. continueront à pilonner un peu partout dan le pays.
Et notre président de la République félicitera Biden pour le retrait de ses troupes.
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Alerter» notre président de la République félicitera Biden pour le retrait de ses troupes. »
Eh oui, tout bénéf! Plus aucun cercueil à rapatrier au yankeeland. Mais pour ce qui est des cercueils afghans, tous les dirigeants occidentaux s’en tapent le coquillard.
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Alerterqu’est ce qu’elle risque ? Que dalle , il est peut être temps de changer ça !
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AlerterHa ba, en même temps, si on devait préciser l’intégralité des mandats politiques, économiques ou « associatifs » des éditorialistes et « experts » tournant en boucle sur les plateaux et colonnes, on n’en sortirait plus. 😂
Et puis hein, c’est bien connu, ces grands esprits sont tout à fait capables de faire la part entre leur mission objective de bien commun et celles qui les rémunèrent grassement ou qui leur tiennent chaud idéologiquement.
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AlerterC’est la normalité ,pourquoi ne pas expliquer que la diabolisation de la Russie et autres viennent en très grande partie de ceux qui veulent profiter du gigantesque gâteau du budget de la défense américaine (700milliards de$) et prolonger la course aux armements.
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AlerterBUSINESS AS USUAL !!!
Extrait de l’article de Wikipédia sur RAYTHEON, article sur le Lobbying :
Selon la journaliste australienne Caitlin Johnstone, « Raytheon dépense des millions de dollars par an pour faire activement pression sur le gouvernement afin de faire avancer des politiques qui sont bénéfiques en milliards de dollars pour le géant de la fabrication d’armes, ce qui implique par voie de conséquence de faire pression pour l’expansionnisme militaire et l’interventionnisme »13.
La journaliste américaine Sarah Lazare souligne par ailleurs Raytheon, en tant que « fournisseur clé de bombes pour la guerre américano-saoudienne au Yémen […] fait un lobbying agressif contre la réduction des ventes d’armes à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite »13. L’un des membres du conseil d’administration de l’entreprise, Lloyd Austin, est choisi en 2020 par Joe Biden pour devenir secrétaire à la Défense des États-Unis13.
Enfin pour la petite histoire : le nouveau directeur du Pentagone est Lloyd Austin qui vient de quitter le Conseil d’Administration de Raytheon…
PS : il faut savoir que le journal Washington Post appartient à Jeff Bezos d’Amazon.
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Alerter« Selon la journaliste australienne Caitlin Johnstone, »
Suggestion aux-crises.fr: traduire des articles de cette journaliste.
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Alerter@les-crises / titre: . C’est d’une femme qu’il s’agit. Alors la traduction appropriée est autrice. « L’autrice d’une tribune opposée au retrait d’Afghanistan était liée… »
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AlerterMais journaliste va mieux puisque C’est son taf
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Alertertchoo, EugenieGrandet parle du titre « l’auteur d’une tribune opposée au retrait d’Afghanistan … »
Le mot « autrice » est le terme employé avant la réaction patriarcale pré-révolutionnaire. C’est un mot qui existe en français (origine auctor, auctrix).
Je suis d’accord, « auteur » ici est source de confusion.
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AlerterCet article, c’est l’arbre voulant cacher la forêt !
Le WP tout entier est lié à l’industrie de l’armement.
Le WP appartient à Bezos, PDG de Amazon, fournisseur du Pentagone avec des contrats de plusieurs milliards de dollars.
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