Les chiffres ne mentent pas : les attaques saoudiennes contre le Yémen se sont multipliées après le nouveau soutien des États-Unis. Cela fait déjà sept ans, mais l’administration Biden semble moins susceptible que jamais de tenir sa promesse de contribuer à mettre fin à la guerre.
Source : Responsible Statecraft, Annelle Sheline
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Les chiffres ne mentent pas : les attaques saoudiennes contre le Yémen se sont multipliées après le nouveau soutien des États-Unis.
Cela fait déjà sept ans, mais l’administration Biden semble moins susceptible que jamais de tenir sa promesse de contribuer à mettre fin à la guerre.
Ce vendredi marque le septième anniversaire de l’intervention militaire dirigée par l’Arabie saoudite contre le Yémen, et grâce à l’escalade de l’Arabie saoudite avec l’aide des États-Unis, la violence semble empirer chaque jour.
Lors du sixième anniversaire, la récente investiture de Biden a fait naître l’espoir que les États-Unis pourraient réussir à encourager les parties belligérantes à un cessez-le-feu. Pourtant, au cours de l’année écoulée, il est apparu clairement que l’administration Biden soutenait les objectifs saoudiens et émiratis au Yémen presque aussi activement que l’administration Trump, bien qu’elle ait dissimulé sa préférence pour la coalition dirigée par les Saoudiens sous un vernis de diplomatie.
Un nouveau rapport de l’Institut Quincy met en lumière l’aide américaine continue à l’intervention militaire dirigée par l’Arabie saoudite, malgré la déclaration de Biden selon laquelle il mettrait « fin à tout soutien américain aux opérations offensives dans la guerre au Yémen, y compris les ventes d’armes impliquées ». L’administration a mis en pause deux contrats d’armement, mais a ensuite procédé à plus d’un milliard de dollars de nouvelles ventes au royaume. Elle a qualifié ces armes de défensives, alors que, comme l’affirme le rapport, les capacités défensives se transforment directement en avantages offensifs. En aidant l’Arabie saoudite et les EAU en matière de défense, les États-Unis permettent à ces pays d’attaquer le Yémen avec une plus grande impunité. En outre, l’Arabie saoudite et les EAU possèdent déjà des centaines de milliards de dollars d’armes offensives, achetées pour la plupart aux États-Unis, qu’ils continuent d’utiliser contre le Yémen.
Les responsables de l’administration Biden condamnent fréquemment les attaques transfrontalières des Houthis, mais ne condamnent pas les frappes aériennes saoudiennes. Le 10 février 2021, le porte-parole du département d’État, Ned Price, a décrit les Houthis comme « manifestant continuellement le désir de prolonger la guerre en attaquant l’Arabie saoudite, y compris en mettant en danger les civils ». En août 2021, le secrétaire d’État Antony Blinken a déclaré que depuis le début de l’année, l’Arabie saoudite « a subi plus de 240 attaques de la part des Houthis. » Le 24 janvier 2022, Tim Lenderking, l’envoyé spécial, a souligné « la condamnation par le gouvernement américain des récentes attaques des Houthis contre les EAU et l’Arabie saoudite qui ont tué des civils. »
Il y a un problème de proportion dans cette déclaration. Le discours de l’administration accuse systématiquement les Houthis et souligne que leurs attaques transfrontalières sont particulièrement dangereuses. Pourtant, les attaques transfrontalières menées au Yémen par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite sont beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus destructrices.
Les attaques transfrontalières des Houthis ne dépassent jamais et approchent même rarement le nombre de raids aériens de la coalition menés sur le Yémen chaque mois. Il est important de noter qu’avec l’aide des systèmes de défense fabriqués aux États-Unis, l’Arabie saoudite parvient à dévier 90 % des attaques transfrontalières des Houthis.
La coalition dirigée par l’Arabie saoudite a mené plus de 24 800 raids aériens depuis 2015, soit une moyenne de près de 10 par jour. Les raids aériens de la coalition ont tué près de 9 000 civils et en ont blessé plus de 10 000.
En revanche, le porte-parole de la coalition saoudienne a indiqué en décembre 2021 que les Houthis ont lancé plus de 400 missiles et plus de 800 drones sur l’Arabie saoudite depuis le début de la guerre en mars 2015, tuant 59 civils. Cumulées, les attaques de missiles et de drones des Houthis représentent en moyenne environ une attaque tous les deux jours.
Au cours du week-end, les Houthis ont lancé une série d’attaques coordonnées contre des installations énergétiques saoudiennes : il n’y a pas eu de victimes. En revanche, un raid aérien saoudien contre un centre de détention au Yémen en janvier a fait 91 morts et des centaines de blessés.
L’armée de l’Air saoudienne dépend fortement des contractuels militaires américains pour la maintenance, les pièces détachées et les réparations de ses avions : sans l’aide des États-Unis, les Saoudiens ne pourraient pas bombarder le Yémen. Compte tenu de la déclaration faite par Biden après l’investiture, selon laquelle les États-Unis mettaient fin à leur soutien de l’action militaire offensive, il est surprenant que les niveaux de raids aériens de la coalition soient restés relativement constants de 2020 à 2021. Si les États-Unis avaient véritablement retiré leur soutien aux offensives saoudiennes, le taux de raids aériens de la coalition aurait dû diminuer entre l’ère Trump et l’ère Biden, mais ce n’est pas le cas.
Au contraire, les attaques de la coalition ont commencé à augmenter de façon spectaculaire à la fin de 2021. Contrairement aux affirmations de l’administration Biden, ce n’était pas en réponse à l’escalade transfrontalière des Houthis, car les attaques des Houthis sont restées relativement stables. Les Houthis ont peut-être intensifié leur action au Yémen, mais ils n’ont pas augmenté leurs attaques sur le territoire saoudien.
La guerre est souvent présentée comme un conflit par procuration entre l’Arabie saoudite, qui soutient le gouvernement déchu du président Abd Rabo Mansur Hadi, et l’Iran, qui soutient les rebelles houthis. Pourtant, dans la pratique, l’intervention dirigée par l’Arabie saoudite constitue une campagne de punition collective contre la population yéménite, dont 80% vit dans les zones contrôlées par les Houthis. Les Saoudiens justifient leurs bombardements aériens et leur blocus du carburant par la nécessité de contrer les Houthis et leurs alliés iraniens, mais la force des Houthis n’a fait que croître au cours des sept dernières années, tandis que la vie des Yéménites ordinaires a été brisée. Les actions saoudiennes n’ont fait que contribuer à renforcer des Houthis : plus la guerre se poursuit, plus les Houthis sont susceptibles de consolider leur contrôle, une conséquence que de nombreux Yéménites redoutent.
Il n’y a pas de « bons » dans cette guerre : toutes les parties en conflit ont été accusées de manière crédible de crimes de guerre par les experts de l’ONU. Contrairement au discours de l’administration Biden selon lequel elle s’engage à soutenir la résolution du conflit, les États-Unis signent néanmoins leur soutien continu aux Saoudiens et aux Émiratis dans leur guerre contre le Yémen. En réitérant constamment le soutien des États-Unis, l’administration Biden risque d’intensifier l’implication des États-Unis dans la guerre.
La concurrence avec la Russie et la Chine a incité Biden à donner la priorité à des liens militaires étroits avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. C’est ce calcul qui l’a poussé à revenir sur sa promesse de mettre fin à la guerre. Cela risque non seulement d’entraîner Washington plus loin dans le conflit, mais aussi de prolonger la guerre, aggravant ainsi la destruction du Yémen. L’agression militaire saoudienne et émiratie que les États-Unis soutiennent n’est guère différente des actions russes en Ukraine.
L’administration Biden devrait plutôt adopter une stratégie qui prend les intérêts nationaux américains comme point de départ. Cela signifierait ne pas s’en remettre aux partenaires du Golfe sur des questions qui sapent les intérêts des États-Unis et pourraient les plonger dans une nouvelle confrontation militaire au Moyen-Orient. S’en remettre aux partenaires du Golfe comme moyen de contrer la Chine et la Russie est également une stratégie discutable, car les Saoudiens et les Émiratis ont déjà démontré qu’ils jouent sur la concurrence des États-Unis avec d’autres grandes puissances, comme en témoigne leur réticence à condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Source : Responsible Statecraft, Annelle Sheline, 21-03-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Vous n’avez rien compris aux visions bienveillantes des élites occidentales.
Dans le cas de la guerre en Ukraine, c’est la Russie, « ennemi de la démocrassie » qui attaque violemment depuis deux mois les
oligarquespetits ukrainiens innocents (qui d’un autre côté attaquaient violemment depuis des années les habitants du Dombas qui ne voulaient pas se soumettre à l’occident, mais c’est hors sujet) et empêchent l’OTAN de devoir supporter la torture d’avoir le territoire russe à proximité de ses bases.Dans l’autre cas, il s’agit d’un « grand ami » des occidentaux reconnu pour son progressisme et son respect des droits humains (surtout des femmes) qui se défend contre l’agression intolérable de « bougnoules primitifs » qui commettent le crime impardonnable d’avoir leur pays à proximité des frontières de cet état exemplaire.
Comme les palestiniens le font avec la plus grande démocrassie du moyen-orient.
Et comme ce sont des untermenschen quelques centaines de milliers de morts ne comptent pas…
Un peu comme la différence entre les « mauvais chasseurs » et les « bons chasseurs ».
Chat-bite, perché et tout le reste.
Vous avez tout compris ?
Alors circulez, y’a rien à voir !!!
10 réactions et commentaires
Et comme chacun sait, depuis 2015 les sanctions de l’UE ont plu sur l’Arabie Saoudite et les États-Unis, ces deux pays étant par ailleurs exclus des compétitions sportives internationales (les USA depuis leur agression contre l’Irak en 2003),
+16
AlerterVous n’avez rien compris aux visions bienveillantes des élites occidentales.
Dans le cas de la guerre en Ukraine, c’est la Russie, « ennemi de la démocrassie » qui attaque violemment depuis deux mois les
oligarquespetits ukrainiens innocents (qui d’un autre côté attaquaient violemment depuis des années les habitants du Dombas qui ne voulaient pas se soumettre à l’occident, mais c’est hors sujet) et empêchent l’OTAN de devoir supporter la torture d’avoir le territoire russe à proximité de ses bases.Dans l’autre cas, il s’agit d’un « grand ami » des occidentaux reconnu pour son progressisme et son respect des droits humains (surtout des femmes) qui se défend contre l’agression intolérable de « bougnoules primitifs » qui commettent le crime impardonnable d’avoir leur pays à proximité des frontières de cet état exemplaire.
Comme les palestiniens le font avec la plus grande démocrassie du moyen-orient.
Et comme ce sont des untermenschen quelques centaines de milliers de morts ne comptent pas…
Un peu comme la différence entre les « mauvais chasseurs » et les « bons chasseurs ».
Chat-bite, perché et tout le reste.
Vous avez tout compris ?
Alors circulez, y’a rien à voir !!!
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AlerterD’une manière assez différente, cette guerre correspond totalement à la déclaration de Biden que les États Unis sont le peuple élu par Dieu pour dominer le Monde.
Ils ont besoin d’ennemis pour exercer leur violence et justifier que leur budget éducatifs et sociaux se sont transformés en budget pour l’industrie de l’armement. L’industrie de l’armement est devenu le secteur industriel en croissance qui fait que leur économie tient encore à peu près debout.
Ne pas négliger le poids du néo-libéralisme qui veut que l’économie (et les profits) «croissent» indéfiniment dans un monde fini. L’industrie de l’armement est un moyen de cette folie, puisque l’on construit pour détruire, c’est un cycle infernal qui repousse les limites.
Bref, si les Russes n’avaient pas réagit, ça donne une petite idée de ce qui se serait de toute manière et inexorablement passé chez eux, peu importe la raison invoquée.
On est dans la logique des bombe atomiques lancées sur le Japon, non pas pour gagner la guerre puisque qu’ils ont repoussé la reddition japonaise pour pouvoir les lancer. Pour justifier les investissements auprès des électeurs; Pour foutre la pétoche à leurs «alliés» pour s’assurer la domination du Monde; Pour que les docteurs Folamour de la techno-science puisse utiliser cette seule occasion tester la bombe sur de vrai gens, pour ouvrir la glorieuse ère nucléaire: C’est confirmé après, en faisant croire au Japonais qu’ils les soignaient dans des cliniques spécialisées alors qu’ils ne faisaient qu’étudier les conséquences sans les soigner «au nom du progrès et de de la science».
+11
AlerterPas qu’aux USA hélas
« justifier que leur budget éducatifs et sociaux se sont transformés en budget pour l’industrie de l’armement »
https://www.aege.fr/agenda/cognitive-warfare-comment-preparer-nos-armees-a-la-guerre-cognitique-476
+1
AlerterSans oublier qu’il faut bien acheter le pétrole des bons saoudiens pour pouvoir se passer de celui des méchants russes
+6
AlerterC’est un peu décale comme publication… depuis la veille du Ramadan il y a un cessez le feu qui semble tenir. Un miracle de la guerre en Ukraine et du soutien des Saoudiens à la Russie. La conséquence aussi de frappes menées avec succès par les Houtis sur le territoire saoudien et jusqu’aux Emirats.
+2
AlerterJe rappelle aussi que les sanctions de l’UE, au moins au départ, ont été prise sous la contrainte par je ne sais pas quel méthode de chantage. Voir la video de Biden en Ukraine se vantant d’avoir tordu le bras a tous les chefs de gouvernements européens pour qu’ils prennent ces sanctions qui sont totalement contre nos intérêts. Les « Euronouilles » sont un petit peu moins stupides et nulles qu’elles paraissent. Elles sont par contre totalement corrompues et inféodées aux US. Et Biden n’est pas tellement moins fou et corrompu que Trump, et il est à mon avis beaucoup plus dangereux parce que ça se voit beaucoup moins, il agit en pervers.
+7
AlerterNi Trump, ni Biden, ni les Saoud, ni aucun autre dirigeant n’est fou sinon il se ferait rapidement éjecter du pouvoir comme ça s’est vu à de si nombreuses reprises dans le passé.
Certes, pour des « moins que rien » comme vous et moi ils peuvent sembler « limite » mais ils sont par contre d’une logique implacable qui leur permet d’atteindre des objectifs qui ne sont pas du tout les mêmes que ceux de la population.
Ensuite ils tissent des « alliances » (qu’ils répudieront à la première occasion pour aller planter un couteau dans le dos de leurs « grands amis » afin de les « convaincre » de les suivre sans rechigner pour parvenir à atteindre leurs objectifs personnels.
Et ces objectifs vont systématiquement dans leur propre intérêt, ceux de leur caste ou ceux de leurs « mécènes », les autres n’étant là que pour financer le « machin » et permettre à ces « élites » de pouvoir continuer à vivre dans un luxe insolent.
Les saoudiens se battront jusqu’au dernier yéménite et les américains jusqu’au dernier ukrainien.
Avec bien sûr le soutien inconditionnel des oligarques de tous poils qui profitent allègrement de ce conflit pour fourguer leurs « productions » au plus offrant (contre espèces sonnantes et trébuchantes).
Et surtout avec pour objectif annexe les projets pharaoniques de reconstruction si d’aventure le pays dévasté possédait une quelconque ressource exploitable et rentable permettant de payer cette reconstruction à prix d’or.
Qu’on arrête de prendre la population pour des tanches.
Les « valeurs suprêmes » de TOUS les dirigeants ne sont que le profit de leur caste.
+3
AlerterTous les pays de OTAN pleurnichent sur le sort de l’Ukraine avec tous les médias aux ordres en ordre de bataille avec force manipulations et fake-news
Sur le génocide du Yémen orchestré par les très démocratiques et pacifiques USA …. Pas un mot
Deux poids deux mesures ….
A qui le tour ??? Iran, Chine il ne faut surtout pas s’arrêter en si bon chemin les USA ne peuvent vivre qu’avec des ennemis
CQFD
+11
AlerterLa vente d’armes US ne s’est jamais portée aussi bien.
Les guerres des USA sont maintenant aux portes de l’Europe…ce continent déjà soumis depuis la dernière guerre mondiale, qui menaçait de s’émanciper commercialement vers la Russie et l’Asie, méritait un petit tour de vis.
L’Arabie Saoudite ne voulait-elle pas elle aussi à un moment se rapprocher de la Chine?
+3
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